541 jours sans gouvernement : le grand vide

La Région bruxelloise se prépare à battre, mercredi, le record de 541 jours sans gouvernement en Belgique jusqu’ici détenu par l’État fédéral, entre les élections de juin 2010 et l’avènement du gouvernement Di Rupo en décembre 2011. Retour sur ce long processus et ses conséquences sur la société.

Un premier espoir

9 juin 2024, les résultats des élections régionales viennent de tomber : le Mouvement Réformateur sort vainqueur du scrutin, et son chef de file, David Leisterh, semble alors bien parti pour devenir le nouveau ministre-président bruxellois. Mais, dès le départ, le chemin semble semé d’embûches.

Contrairement au parlement fédéral où il a pu entrer dans un gouvernement très majoritairement à droite, le MR n’en a pas eu la possibilité à Bruxelles, le Parlement bruxellois penchant un peu plus à gauche qu’à droite: PS, PTB, Ecolo, Groen, Vooruit, et Team Fouad Ahidar comptent ensemble 48 des 89 sièges du Parlement régional.

D’emblée, au début de l’été 2024, le MR et les Engagés avaient envoyé un signal de leur volonté de monter ensemble dans une majorité, côté francophone, parallèlement à leur mariage en vue dans les autres entités du pays et à leur volonté de se lier au gouvernement fédéral.

Dès le début des négociations, plusieurs formations ont émis des véFtos: le MR, l’Open Vld et Les Engagés à l’égard du PTB et la Team Fouad Ahidar ; pas franchement désirée non plus ailleurs ; du PS, d’abord discrètement et puis publiquement vis-à-vis de la N-VA. Idem, en ce qui concerne cette dernière du côté d’Ecolo et de DéFI, ceux-ci ne se montrant guère enclins à monter dans une majorité après leurs défaites électorales. Depuis l’automne 2024, l’Open Vld a fixé quant à lui une balise : pas de majorité sans la N-VA.

Le 1er août 2024, le PS annonce avoir marqué son accord pour entrer en négociation avec le MR et les Engagés, ainsi qu’avec des partenaires néerlandophones potentiels. Mais c’est de ce côté que la mécanique va s’enrayer une première fois.

Groen claque la porte

À la rentrée de septembre 2024, la formatrice néerlandophone Groen désignée, Elke Van den Brandt, claque la porte des négociations. En cause : un désaccord profond sur la LEZ, la Zone de basses émissions. Les francophones, emmenés par le MR, veulent accélérer ; les néerlandophones dénoncent un passage en force. Premier blocage, première fissure.

À leur reprise fin octobre, le blocage dans le groupe linguistique néerlandophone persiste, d’autant que sans la Team Fouad Ahidar, il n’y a d’autre formule possible qu’une quadripartite pour trois mandats gouvernementaux à attribuer.

 Ultimatum aux partis néerlandophones

Le 4 novembre 2024, David Leisterh pose un ultimatum aux formations néerlandophones. Une majorité dans les deux semaines, sinon le MR, Les Engagés et le PS commenceront à négocier seuls un accord de gouvernement.

Le 14 novembre, l’Open VLD se dit prêt à se contenter d’un poste de commissaire de gouvernement pour permettre la mise en place d’un équipage majoritaire Groen/Open Vld/Vooruit/N-VA/CD&V.  Fin novembre, ces formations se disent prêtes à négocier un accord de majorité. Le PS grogne : il n’entend pas entrer dans un gouvernement avec la N-VA.

Le formateur bruxellois David Leisterh (MR) lance ensuite un nouveau tour de consultations, qui conduit à une impasse totale.

Passer par la voie parlementaire

Pour en sortir, Ahmed Laaouej propose, en vain, à la fin du mois de janvier 2025, de désigner David Leisterh à la présidence de l’exécutif bruxellois par la voie parlementaire en usant de dispositions prévues dans la Loi spéciale sur les institutions bruxelloises pour faire face aux situations de blocage persistant.

Après un tour de consultations “de la dernière chance” début février, David Leisterh jette le gant, en se disant toutefois toujours candidat ministre-président.

Le duo d’informateurs De Beukelaer – Van den Brandt

Le 23 février, la formatrice néerlandophone Elke Van den Brandt et le chef de file des Engagés Christophe De Beukelaer lancent une initiative pour tenter d’au moins créer les conditions pour débloquer la situation de crise persistante.

Trois semaines de consultations plus tard, ils demandent à sept partis de se prononcer sur l’option d’une coalition de familles politiques MR-Open Vld / PS-Vooruit / Les Engagés-CD&V et Groen, sans la N-VA.

Le chef de file de l’Open Vld Frédéric De Gucht, qui nourrit des visées en direction de la présidence de son parti, signifie le 17 mars que son parti ne veut pas entrer dans un attelage sans la N-VA.

La piste du gouvernement minoritaire

Le président du MR Georges-Louis Bouchez demande alors à chacun de ces partis de se prononcer sur une proposition visant à adjoindre au potentiel gouvernement un commissaire de gouvernement N-VA, sans quoi, le MR se tournera vers l’option d’un gouvernement minoritaire, dit-il.

Chou blanc une fois de plus. Le chef de file Ahmed Laaouej refuse dès les minutes qui suivent.

On approche des 365 jours sans gouvernement. Fin mai, le parti de Georges-Louis Bouchez sort un plan : un document de 80 pages, une déclaration de politique régionale censée redonner un cap budgétaire à Bruxelles. Objectif annoncé : former un gouvernement avant la Fête nationale.

Il précise que, pour permettre d’obtenir une majorité du côté francophone et néerlandophone, le MR cédera un secrétariat d’État à une personnalité de la société civile soutenue par la N-VA. Mais il s’avère très vite que PS et N-VA ont une lecture différente de cette proposition.

Le facilitateur Yvan Verougstraete

Le 16 juillet, le président des Engagés, Yvan Verougstraete, devient facilitateur afin de tenter une nouvelle fois de débloquer la formation bruxelloise. Le 25 août, il présente une note de 17 pages contenant dix priorités. Mais le négociateur de l’Open VLD, Frédéric De Gucht, ne voit aucune raison de s’asseoir à la table des négociations.

Après la rentrée, David Leisterh invite MR, PS, Engagés, Groen, Open VLD et Vooruit à plancher sur l’établissement d’un budget pluriannuel visant une économie d’un milliard d’euros d’ici 2029. Les discussions sont très difficiles en raison des divergences idéologiques à propos du montant au départ duquel le milliard d’économies serait à réaliser.

Négociations budgétaires et la démission de Sven Gatz

Sur le front financier, l’agence de notation Standard & Poor’s annonce à la mi-octobre le maintien de la note de crédit de la Région bruxelloise à A avec une perspective négative. Le ministre des Finances Sven Gatz (Open Vld) annonce que Belfius mettra fin à la ligne de crédit de 500 millions d’euros à partir du 1er janvier 2026.

Deux jours plus tard, celui-ci démissionne du gouvernement bruxellois en affaires courantes pour raisons de santé. Isolé sur l’option d’une installation d’un remplaçant via un soutien exclusif d’une majorité d’élus néerlandophones, Frédéric De Gucht fait marche arrière et Dirk De Smedt peut prêter serment en tant que nouveau ministre des Finances via un appel à signatures plus large.

David Leisterh débranche la prise

La barre des 500 jours sans gouvernement est franchie. Après une nouvelle réunion portant sur le chapitre fiscalité, nouveau blocage. Les divergences entre les partis n’ont pas pu être levées. David Leisterh démissionne de son poste de formateur et se retire de la politique nationale et régionale le 28 octobre. 

George-Louis Bouchez prend les rênes

Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, reprend le témoin en tant que formateur et tente de relancer les négociations à six, en visant cependant ouvertement la formation d’un gouvernement. L’Open Vld et le PS s’y opposent sans toutefois quitter la table des discussions à six sur le budget. La méfiance persiste, jusqu’à ce qu’une dispute ouverte éclate entre le PS et l’Open VLD. Ahmed Laaouej ne digère pas la comparaison du PS à un alcoolique accro à la dépense faite par Frédéric De Gucht sur une chaîne de télévision flamande. 

En l’absence de la délégation socialiste à une nouvelle réunion, le 20 novembre, M. Bouchez annonce qu’il a obtenu quelques jours pour trouver une majorité dans chaque groupe linguistique, chose, selon lui, impossible avec le PS qui “s’est exclu lui-même“. Le président du MR ouvre la porte à Ecolo et à DéFI, qui la referment aussitôt.

Une nouvelle initiative socialiste

La balle est donc à nouveau dans le camp du PS. Du côté néerlandophone, Elke Van den Brandt entame des discussions bilatérales avec les partis néerlandophones.

Mais dans les cercles politiques bruxellois, personne ne voit comment sortir de l’impasse. Toutes les pistes possibles ont été explorées et les nombreux vétos rendent une majorité durable pratiquement impossible. Ici et là, il est donc suggéré de renforcer le gouvernement démissionnaire avec un soutien externe afin de lui donner plus de marge de manœuvre, mais la tentative d’élaborer un budget d’urgence a jusqu’ici échoué.

La pression financière pourrait finir par jouer et notamment la possibilité de voir Bruxelles privée de liquidités au milieu de l’année prochaine, les contrats avec Belfius et avec ING encadrant deux lignes de crédit de 500 millions d’euros, arrivant à échéance à la fin de l’année qui s’achève.

Avec Belga

BX1
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