Une soirée parmi les manifestants quotidiens de la Bourse : “On ne peut pas relâcher la pression”

Depuis maintenant bientôt deux ans, les marches de la Bourse accueillent chaque soir, à partir de 19h, des manifestants venus chanter et crier leur soutien au peuple palestinien. Pour certains, c’est devenu un passage quotidien obligé. “J’ai commencé à venir depuis la mi-octobre 2023, lorsque l’armée israélienne a commencé à bombarder des hôpitaux dans la bande de Gaza“, confie une manifestante. Depuis, chaque jour, elle rejoint des dizaines d’autres militants devenus “des épaules sur lesquelles s’appuyer”.

Ce mercredi, ils étaient encore environ 400 à se rassembler en plein cœur du piétonnier bruxellois. Mais ce rassemblement-ci était empreint d’une émotion toute particulière. Il y a deux jours, un demandeur d’asile palestinien, Mahmoud, s’est suicidé dans sa cellule au centre fermé 127bis dans lequel il était enfermé depuis trois mois. Au pied des marches, une dizaine de boîtes en carton couvertes d’un drapeau palestinien et de son portrait, entourées de bougies, ont été posées.

Il avait l’habitude de nous rejoindre ici“, se rappelle Dounia, émue. Et de pointer l’importance de ces rassemblements pour les Palestiniens réfugiés à Bruxelles. “Cet espace est l’un de leurs seuls espaces de résistance, un de leurs seuls espaces de deuil aussi. C’est un moment et un espace où ils peuvent s’échanger des gestes de solidarité, obtenir des informations sur les démarches… Ce n’est pas juste un espace politique et militant, c’est aussi un espace humain.

Une émotion qui s’ajoute à la colère de certains manifestants face à “l’inaction” du gouvernement après l’arrestation des occupants des flottilles humanitaires de la Global Sumud et de Thousand of Madleens. Un premier rassemblement a d’ailleurs d’abord eu lieu ce mercredi à 17h sous les fenêtres du ministère des Affaires étrangères, avant que ses participants ne viennent gonfler les rangs de la manifestation à la Bourse.

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Des manifestants aux profils variés

À côté des fervents activistes, on retrouve aussi des citoyens qui ne veulent pas forcément endosser cette étiquette. “Je suis une simple citoyenne, incapable de fermer les yeux sur ce qu’il se passe“, déclare Viriginie. “Il y a dans mes arrières grands parents quelqu’un qui a été déclaré ‘Juste parmi les nations’. C’est un exemple qui m’a beaucoup inspiré. À l’époque, cela semblait logique de résister contre un génocide en cours. (…) La seule chose dont je me sens capable de faire est de crier. Donc j’essaie de le faire et d’apporter du soutien aux personnes qui savent faire plus, comme les participants à la flottille humanitaire pour Gaza.

D’autres, au-delà de la cause, sont aussi là en soutien à un proche. “Mon copain est palestinien. Il était en procédure de demande d’asile en Belgique et se trouve aujourd’hui en centre fermé depuis une semaine“, confie une militante. Une autre ajoute : “Mon ami Hamouda est détenu en ce moment. Il a été transféré hier à Bruges. Il entame une grève de la faim suite au suicide de son camarade Mahmoud. Voilà pourquoi je suis ici ce soir.

Dans la foule, beaucoup d’enfants étaient aussi présents avec leurs parents.

 

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“En général, cela se passe bien”

Après plus d’une heure de discours et d’hommage entrecoupés de “Free Palestine” et de “Boycott Israël”, les manifestants décident d’entamer une marche improvisée à travers les rues de Molenbeek. “Cela n’arrive pas souvent, mais les gens sont en colère. Quelqu’un est mort“, glisse une manifestante. Parmi les militants habitués, on perçoit de l’inquiétude dans les regards échangés. Quelle va être la réaction de la police ? Des affrontements ont déjà eu lieu par le passé. Pas plus tard que la semaine dernière, policiers et manifestants se sont mutuellement accusés de violences suite au rassemblement en soutien à la flottille Global Sumud interceptée en route vers Gaza.

Ce qui provoque souvent la 1ère étincelle, ce sont des éléments extérieurs à notre rassemblement”, assure une militante habituée de ces rendez-vous. “La semaine dernière par exemple, nous avons du gérer une situation où des supporters de Newcastle (Ndlr : en déplacement à Bruxelles dans le cadre du match de leur équipe face à l’Union en Champion’s League) nous adressaient des gestes obscènes et racistes. La tension peut vite monter dans ces cas-là“. Néanmoins, ces débordements restent des exceptions, assure-t-elle. “Sur toutes les manifestations quotidiennes depuis deux ans, on retient seulement quatre, cinq gros incidents. Ils sont surtout liés à des événements qui ont eu lieu place de la Bourse et lors desquels la Ville de Bruxelles ne voulait pas nous laisser nous exprimer (ndlr : lors des Plaisirs d’Hiver par exemple, le rassemblement est déplacé à la Gare centrale). Mais en général, cela se passe bien.

D’autres en revanche ne cachent pas leur perte de confiance vis-à-vis des forces de l’ordre. “Avec le nouveau gouvernement, la répression se fait de plus en plus par rapport aux personnes palestiniennes. Tous les jours, elles sont suivies dans la rue, avec des violences policières que la police essaie de faire taire“, accuse Shadia, une militante d’origine palestinienne. “Ce n’est pas Mahmoud qui s’est donné la mort, ce sont toutes ses conditions de détention. Il faut que l’État belge fasse quelque chose pour ces personnes qui sont déjà hyper vulnérables et dont les processus de régularisation ne sont pas du tout en leur faveur.

Finalement, malgré des rues bloquées par les manifestants pendant quelques minutes – majoritairement bien accueillis par les automobilistes et les riverains à leur fenêtre – le cortège atteint le Parvis Saint-Jean-Baptiste à Molenbeek après une petite heure de marche, sans incident à déclarer. La police, bien présente à distance, n’est pas intervenue ce mercredi. Il est environ 21h30 quand l’un des organisateurs lance dans son mégaphone le mot de la fin : “Merci à tous d’être venus, et à demain !

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“Il faut maintenir la pression”

Un accord de cessez-le-feu, première étape du plan de paix du président américain Donald Trump, a été annoncé quelques heures après cette manifestation. Mais, pour les manifestants, le combat continue. “Je ne croirai pas à cet accord tant que la Palestine ne sera pas complètement libérée“, réagit une militante jointe par téléphone ce jeudi. “On a déjà vu des accords de cessez-le-feu et quelques heures plus tard Israël frappait de nouveau, donc je crois que le mouvement ne s’arrêtera pas tout de suite honnêtement. Et il reste évidemment tout un travail sur la question des réfugiés, sur la reconstruction, la répartition… Bref, on est loin d’une garantie de paix durable.”

D’autres rassemblements, notamment en soutien aux demandeurs d’asile palestiniens toujours détenus, auront lieu dans les prochains jours.

Reportage de Victor de Thier

BX1
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