“Il est inacceptable que des personnes aient peur de vivre” : Bruxelles face à une vague de fusillades, le parquet dresse un état des lieux

Alors que Bruxelles est le théâtre de nombreuses fusillades cet été,  le parquet de Bruxelles, par la voix du procureur du Roi Julien Moinil, dresse un bilan inquiétant et appelle à des réponses structurelles.

Depuis juin, 20 fusillades ont eu lieu, principalement à Anderlecht, Molenbeek, Schaerbeek, Evere ou encore dans la zone Midi. Deux d’entre elles ont été mortelles. “Vingt, c’est vingt de trop”, déclare Julien Moinil, qui insiste : ces incidents ne sont pas tous liés entre eux, ni exclusivement au trafic de drogue. Selon le procureur, il n’est pas impossible que dans cette guerre entre narcotrafiquants, les habitants prennent une balle perdue. Il donne alors deux exemples. Le 5 août, alors que des coups de feu ont été tirés vers 14h, rue Ransfort à Molenbeek, une balle a atteint le pare-brise d’une voiture, dans laquelle se trouvait une mère et son enfant de neuf ans.

Le lendemain, une autre fusillade a eu lieu, une voiture en stationnement a été touchée et une balle a atterri dans une fenêtre d’habitation. “Chaque Bruxellois qui circule à Bruxelles peut prendre une balle perdue, que ce soit dans son pare-brise ou en marchant sur le trottoir. C’est totalement inadmissible“, affirme le procureur du Roi.

“Il est inacceptable que des personnes aient peur de vivre, de travailler ou simplement de circuler en voiture à Bruxelles”, réagit Julien Moinil.

► Lire aussi | “On pourra remplacer les panneaux par Bienvenue au Far West”: le MR veut des interdictions de rassemblement à Molenbeek

Pour le procureur du Roi, les points de deal sont au coeur de problème, en effet, un seul d’entre eux peut rapporter jusqu’à 50 000 euros par semaine. “C’est une lutte pour s’approprier des morceaux de la capitale”. Il ajoute que cette violence, serait aussi le résultat d’un travail de fond, qui déstabiliserait certains groupes criminels. Depuis janvier, plus de 6 200 personnes majeures et 870 mineurs ont été déférés à Bruxelles. “Il ne faut pas croire que 10 ans, 20 ans, 30 ans de laxisme allait être fixé en six mois”. 

Aperçu des fusillades

Alors que 20 fusillades ont eu lieu cet été, voici un rappel des lieux, des dates et des blessés. La première s’est déroulée le 5 juillet à Ixelles et a fait 1 blessé. Une semaine après, le 12 juillet à Bruxelles, un blessé également. Le 13 et 14 juillet à Bruxelles toujours, mais sans blessé. Trois jours plus tard, c’est à Molenbeek que des coups de feu éclatent, et font un blessé. Le 22 juillet, Anderlecht est le théâtre d’une fusillade qui fait un blessé. 4 jours plus tard c’est à Evere, et il s’agit de la première victime décédée. Le 30 juillet, deux fusillades ont lieu à Anderlecht et Molenbeek avec un blessé lors de la première.

Dès le lendemain, deux nouveaux épisodes à Molenbeek qui font un blessé. Le mois d’août démarre avec une fusillade à Anderlecht qui a fait un blessé. Le 5 août, deux fusillades à Molenbeek et Anderlecht encore, aucun blessé. Le 6 août même refrain. Le lendemain, une personne décède à Anderlecht. Plus récemment, des coups de feu ont éclaté le 9 et 10 août à Molenbeek, faisant un blessé.

Trois freins pointés par le procureur

Le procureur Julien Moinil identifie trois obstacles clés dans la lutte contre les violences liées au crime organisé. Le premier est la consommation. “Les points de deal sont rentables parce qu’il y a une forte demande”, souligne-t-il. Il explique que depuis plusieurs mois, une politique plus stricte vise les consommateurs récréatifs notamment, avec un quadruplement des sanctions immédiates. Le procureur alerte cependant sur l’absence de véritable politique de santé publique à Bruxelles. Il propose, avec les présidents des tribunaux, la création d’une chambre de traitement de la toxicomanie, pour accompagner plutôt que sanctionner, mais les moyens ne lui ont pas été accordés.

► Reportage | Chorégraphies, scènes de vie, images de drone : des vidéos prises à la prison de Haren interrogent

En deuxième frein, il regrette que les chefs criminels soient actifs depuis leur cellule. En effet, malgré leur incarcération, certains chefs de réseau continuent de piloter leurs activités depuis la prison, grâce à des moyens de communication non contrôlés (GSM…). Il demande leur placement sous régime de haute sécurité, et une sécurisation urgente de la prison de Haren. Et enfin, Julien Moinil dénonce un cadre pénal peu dissuasif. “Les dirigeants des organisations criminelles ont le même régime pénal qu’un voleur de bagages à la Gare du Midi”, regrette-t-il. Il réclame une justice “crédible et plus dissuasive vis à vis du crime organisé” et davantage de moyens pour mener les enquêtes. Malgré l’arrivée récente de 30 renforts à la police fédérale, “le cadre est incomplet”. 

“Le parquet de Bruxelles prend plusieurs mesures pour intensifier la lutte contre la violence par armes à feu. Aucun auteur ne doit avoir le sentiment de pouvoir agir librement et impunément, avec tous les risques et conséquences que cela implique”, conclut Julien Moinil, procureur du Roi de Bruxelles.

Rédaction 

BX1
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.

Plus d'informations sur nos mentions légales