L’édito de Fabrice Grosfilley : l’effet Schaerbeek ?

C’était dans l’air depuis quelques jours, l’accord a finalement été officialisé hier en fin de journée. PS et MR se sont entendus pour un partage du mayorat dans la commune de Schaerbeek : trois années pour Audrey Henry du Mouvement Réformateur, les trois suivantes pour Hassan Koyuncu du Parti Socialiste. Une manière intelligente de sortir par le haut de ce bras de fer qui paralysait la commune depuis le mois d’octobre.

Il faut tout de suite préciser qu’à ce stade, l’accord ne lie que deux partenaires, le PS et le MR, alors qu’il en faut quatre pour former une majorité. Ecolo, arrivé en troisième position en octobre, et la liste du bourgmestre, durement sanctionnée par les électeurs schaerbeekois, devrait compléter cette majorité. Ensemble, ces quatre formations représentent 35 sièges sur 47, une majorité assez confortable, même si ces dernières législatures à Schaerbeek ont montré qu’avec des démissions et des changements de parti, on n’est jamais à l’abri d’une déstabilisation.

Prochaine étape : la signature de l’acte de présentation. Schaerbeek étant Schaerbeek, ce ne sera pas forcément une simple formalité.

Reste maintenant à déterminer la place de chacun. Pour rappel, PS et MR avaient obtenu 10 sièges chacun lors des élections d’octobre. Ecolo était juste derrière avec 9 sièges. La liste du bourgmestre en avait 6. L’enjeu des prochaines heures ou prochains jours sera donc d’attribuer la présidence du CPAS et le poste de premier échevin. Et surtout, d’attribuer les compétences : qui prendra le budget, la mobilité ou la propreté ? Ce sont des nœuds encore sensibles, susceptibles de déclencher de nouveaux bras de fer.

Il faudra également rédiger un pacte de majorité : que va-t-on faire en matière de mobilité ou d’aménagement ? Quelles sont les enveloppes disponibles pour faire fonctionner le CPAS et les services communaux ? On ne part pas de rien, les membres de la future majorité se sont vus et revus depuis cinq mois. Mais vous connaissez l’adage : tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout, il n’y a d’accord sur rien. Il n’empêche qu’après cinq mois de blocage et de tergiversations, le verrou principal vient de sauter. On ne comprendrait pas que les choses ne s’accélèrent pas vraiment et qu’on ne soit pas en mesure de présenter un accord de majorité dans les semaines qui viennent.

Cet épisode met en lumière la complexité qu’il y a parfois à trouver des majorités dans certaines communes. Une complexité liée à des enjeux très locaux, parfois à des questions de personnes relevant du clochemerle, ou encore à l’intervention de tiers. Les négociations dans une localité sont parfois liées à ce qui se passe dans la commune d’à côté, ou même à un autre niveau de pouvoir. C’est ce qui s’est passé ces derniers mois à Schaerbeek. PS et MR ont lié cet enjeu communal à des négociations qui avaient lieu ailleurs, notamment à la Région bruxelloise. Le fait qu’on arrive maintenant à un accord peut être interprété comme une forme d’apaisement, un gage de bonne volonté qui permet de faire baisser la pression à l’échelle régionale en restaurant un peu de confiance entre les deux partenaires.

Là aussi, on restera prudent. Si le verrou principal a sauté à Schaerbeek, il n’est en revanche toujours pas tiré sur les négociations régionales. Faut-il ou non compter sur la N-VA pour faire une majorité ? L’Open VLD est-il en mesure d’intégrer les discussions ou pratiquera-t-il la politique de la terre brûlée ? Ces questions restent sans réponse ce matin. Et on notera que le MR entretient une forme d’ambiguïté sur sa capacité à monter dans une majorité sans les nationalistes flamands : il ne dit pas qu’il ne le fera pas, mais il ne dit pas non plus qu’il le fera.

À la Région, rien n’est encore fait, même si les discussions entre partenaires se poursuivent. Faute d’accord ou de perspectives d’accord, le Parlement bruxellois devra donc prolonger cet après-midi le système des douzièmes provisoires, ce dispositif budgétaire qui permet de maintenir l’essentiel des services au public. En commission, le MR avait refusé de voter cette prolongation : elle n’était pas assez stricte et autorisait trop de dépassements, estimaient les libéraux francophones, une position également défendue par la N-VA. Alors que les libéraux néerlandophones, il faut le noter, ont eux validés la prolongation, qui a cette fois-ci bien reçu le feu vert de l’inspection des finances. La tonalité des débats de cet après-midi, les mots employés par les uns et les autres, nous diront peut-être si l’on peut croire ou non à un “effet Schaerbeek”. L’emblème de Schaerbeek est l’âne, pas le papillon. Mais peut-être que  ce qui vient de se passer place Colignon peut avoir des effets positifs qu’on ressentirait jusqu’à la place Royale, là où se trouve le siège du gouvernement bruxellois.

Fabrice Grosfilley