Des attentats de Paris à sa réactivation annoncée : qu’est-ce que le plan Canal ?

Le nouveau gouvernement fédéral De Wever veut réactiver ce mécanisme qui a vu le jour en 2015, à la suite des attentats de Paris, avant de progressivement s’estomper.

De nouveaux coups de feu ont été tirés à Anderlecht ce mercredi matin. Cette fois, à proximité de la station Clémenceau. La fuite des auteurs présumés dans le métro a entraîné d’importantes perturbations sur le réseau de la Stib. “Pas de blessés, mais un nouvel incident de tir sur un point chaud de la zone en vente de stupéfiants. Ce n’est que le 45 ou 46ème depuis le 1er janvier 2024 !“, nous confie, désabusée, une source policière de la zone Midi. Près de 90 fusillades ont été recensées par le parquet de Bruxelles pour l’année 2024, contre 62 en 2023 et 56 en 2022.

Le gouvernement Arizona tout juste formé a fait de la sécurité l’un de ses chevaux de bataille. Parmi les mesures annoncées dans son programme : la réactivation du plan Canal, semblable à celui mis en place en 2015 à la suite des attentats de Paris et de la menace terroriste en Belgique. “L’augmentation de la violence liée à la drogue dans la capitale et la zone aéroportuaire, ainsi que les problèmes structurels de capacité des services de sécurité locaux, nécessitent une réintroduction rapide de ce soutien, initialement envisagé par le plan canal fédéral, pour lutter activement contre la criminalité organisée et la radicalisation”, estiment les signataires de l’accord.

Mais à quoi sert concrètement ce plan Canal ? Et a-t-il déjà réellement été efficace ?

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À l’origine, les attentats de Paris

13 novembre 2015. Paris est touchée de plein fouets par une série de fusillades revendiquées par l’organisation terroriste État islamique. Bilan : 130 morts et 413 blessés. Rapidement, les regards se tournent vers la Belgique d’où proviendraient de nombreux participants à ces attentats. Chez nous, la sécurité est renforcée. Jan Jambon (N-VA) alors ministre de l’Intérieur annonce début 2016 la mise en place du “plan Canal”. Dans son viseur : Molenbeek, en Région bruxelloise – “On va nettoyer Molenbeek“, déclare-t-il – et Vilvorde en périphérie flamande, deux communes jouxtant le canal de Bruxelles.

Ces deux communes reçoivent un renfort policier de la part du fédéral pour assurer un suivi plus minutieux des personnes radicalisées et pour lutter contre le trafic de drogue. L’accent est mis sur la petite délinquance menant souvent à la radicalisation : la drogue mais aussi les faux documents, les armes à feu ou encore l’économie illégale. Des milliers d’enquêtes administratives et contrôles à domicile sont réalisés et des centaines de personnes sont radiées des registres de population. Celles considérées comme des “menaces” pour l’Etat sont suivies de près via la liste de l’OCAM. Le plan permet aussi de passer à la loupe des ASBL, des mosquées et d’autres organisations.

Les premiers résultats après six mois encouragent le ministre Jambon à élargir le plan à six autres communes : la Ville de Bruxelles, Saint-Josse, Saint-Gilles, Koekelberg, Anderlecht et Schaerbeek.

Quel bilan ?

Deux ans plus tard, le bilan du plan Canal dans les sept communes bruxelloises et à Vilvorde est dressé : les différents contrôles de police et des services d’inspection ont mené à la fermeture de 26 organisations et à la saisie de grosses quantités de drogue. Ces organisations sont des “petites sociétés et ASBL fantômes” qui entretiendraient des liens avec des cellules terroristes, précise à l’époque Jan Jambon.

Progressivement, et en particulier après les élections de 2018, le plan Canal se délite. Plusieurs bourgmestres bruxellois, dont la fraîchement élue à Molenbeek Catherine Moureaux (PS), pointent un plan coûteux et prônent davantage de mesures d’accompagnement et de prévention pour lutter contre la délinquance et la radicalisation. “Molenbeek a servi de propagande à la N-VA“, déclare-t-elle en 2018 en invitant à davantage investir dans la police de proximité. D’autres comme Bernard Clerfayt (DéFI), bourgmestre de Schaerbeek, déplorent des renforts insuffisants par rapport au travail demandé aux communes.

Bientôt un plan Canal pour une zone de police unique ?

Le nouveau gouvernement Arizona compte réactiver un “Plan Canal Fédéral” à Bruxelles et aux alentours. “Ce nouveau plan prévoit notamment le renforcement des zones de police locale concernées, afin de suivre de près les individus radicalisés et de prendre des mesures énergiques contre les phénomènes criminels sous-jacents tels que le trafic d’armes et d’êtres humains, le trafic de stupéfiants, l’économie illicite, etc. Les villes confrontées à des difficultés similaires peuvent également prétendre à la même approche”, annonce l’accord. Une mesure demandée par l’ensemble des comités de quartiers bruxellois pour lutter contre la criminalité.

À Bruxelles, ce renfort ne devrait concerner qu’une zone unique, puisque la coalition souhaite procéder à la fusion des six zones de police de la région capitale, au grand dam des bourgmestres bruxellois. Etudes à l’appui, ils ont surtout démontré qu’il y a un problème de sous-financement chronique de ces zones de police.

V.d.T. – Photo : Belga