Nouveau vote de douzièmes provisoires : quelles sont les limites de ce mécanisme ?
Malgré un gouvernement en affaires courantes, le déficit budgétaire continue de se creuser à Bruxelles. Et cela devrait continuer…
Neuf mois après les élections du 9 juin, la Région bruxelloise ne dispose toujours pas d’un gouvernement de plein exercice. Il s’agit du dernier exécutif du pays dans le cas. Les informateurs Elke Van den Brandt (Groen) et Christophe De Beukelaer (Les Engagés) poursuivent leurs discussions avec les différents partis, dans l’espoir d’aboutir à une conclusion de leur mission ce vendredi.
En attendant, sans gouvernement, impossible de voter un nouveau budget. La Région se repose donc actuellement sur le mécanisme des douzièmes provisoires, qui consiste à calquer le budget de cette année sur celui de l’année précédente, en le divisant par mois. Des tranches de trois mois doivent ensuite être validées par les députés.
La commission des Finances du Parlement bruxellois a donné jeudi son feu vert, par 8 pour, 5 contre (MR; N-VA) et 2 abstentions (PTB) à l’adoption d’une nouvelle tranche de douzièmes provisoires budgétaires pour permettre aux services régionaux d’atteindre le mois de juin sans encombre de fonctionnement. Le projet d’ordonnance doit encore être soumis à un vote en plénière.
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Un déficit budgétaire qui continue de se creuser
Le problème principal est que cette situation n’offre aucune flexibilité et ne permet pas d’adapter le budget à l’inflation notamment. Résultat : le déficit budgétaire – qui s’élevait à 1,6 milliard d’euros en 2024 – continue de se creuser. De larges dépassements, à hauteur de 422 millions d’euros, ont déjà été constatés lors des trois premiers mois de 2025. Des dépassements que le ministre-président Rudi Vervoort (PS) a justifié par l’indexation et le paiement des assurances.
Et cette tendance devrait se poursuivre au prochain trimestre : le projet du ministre en charge du Budget Sven Gatz (Open VLD) prévoit de nouveaux dépassements pour cette période justifiés, selon lui, par le paiement des pécules de vacances de la fonction publique. Selon les calculs de l’opposition, le dépassement budgétaire depuis janvier dernier pourrait monter à 652 ou 772 millions d’euros, soit environ 60% du budget total au lieu des 50% prévus. Un pourcentage confirmé par le ministre Sven Gatz en commission des finances ce jeudi. “Il s’agit d’une autorisation parlementaire de dépenses maximales, cela ne signifie pas que ces dépenses doivent être effectuées dans leur intégralité“, a-t-il néanmoins précisé.
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Le ministre a également annoncé l’élaboration en cours d’une circulaire visant à permettre un meilleur encadrement des subventions en affaires courantes. “L’objectif est de permettre l’octroi de certaines subventions facultatives récurrentes qui s’avèrent nécessaires dans le cadre des affaires courantes.”
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Des économies ? Pas si simple
Il est toujours possible de compenser les dépassements attendus pour les six premiers mois de l’année 2025, à condition de dépenser nettement moins entre juillet et décembre que l’an dernier à la même période. Mais, là aussi, le mécanisme des douzièmes provisoires montrent ses limites.
“Les douzièmes provisoires ne permettant pas de faire des économies, on ne sait pas contrôler une diminution des dépenses pour compenser les augmentations inévitables“, pointe un groupe d’universitaires, qui a proposé il y a quelques jours des pistes de solution pour sortir du blocage à Bruxelles. “Plus le temps passe, moins un nouveau gouvernement aura de marge de manœuvre pour fournir des efforts budgétaires sur l’année 2025 et ainsi limiter le déficit au niveau 2024, voire le réduire.”
Impact sur la société civile
Une dernière limite de ces douzièmes provisoires est l’opacité entre les budgets des différentes administrations. Le “budget est ventilé par département, c’est-à-dire qu’on ne peut pas réorienter les montants à d’autres endroits”, rappelait récemment la chercheuse au CRISP, Caroline Sägesser.
“Cette situation entraine des ‘économies non-choisies’. En effet, certaines administrations ne peuvent lancer de nouveaux projets. D’autres dépenses sont quant à elles reportées à plus tard. Ces économies non choisies peuvent avoir des effets sur l’économie régionale“, ajoute le groupe d’universitaires, qui cite en exemple l’arrêt des primes Renolution, qui impacte le secteur du bâtiment.
Une épée de Damoclès persiste en tout cas au-dessus de la tête du gouvernement bruxellois : l’agence de notation Standard & Poors doit se pencher sur le cas de la Région à partir du mois d’avril, avec un résultat attendu en juin. Si elle décide de dégrader la note bruxelloise, les taux auxquels la Région emprunte sur les marchés pourraient s’envoler et creuser encore plus le déficit, voire mener à une crise des liquidités.
“Je dois constater que certains n’ont pas encore pris conscience de la situation financière extrêmement difficile dans laquelle se trouve la Région… si un nouveau gouvernement n’est pas formé dans les semaines ou mois à venir“, a martelé le ministre Gatz en commission ce jeudi.
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V.d.T. – Photo : Belga