Un député bruxellois va échanger son salaire en cryptomonnaie : risque calculé ou placement dangereux ?
Transformer son salaire de parlementaire en cryptomonnaies, c’est la décision prise par le député bruxellois Christophe De Beukelaer (cdH). Celle-ci peut paraître étonnante, tant le cours de ces cryptomonnaies fluctue. Prise de risque calculée ou investissement dangereux ? On fait le point sur ce que ce sont ces monnaies numériques.
Qu’est-ce qu’une cryptomonnaie ?
Une cryptomonnaie, comme le Bitcoin, l’Ethereum ou le Litecoin, est une monnaie numérique décentralisée, qui existe grâce au réseau informatique. Celle-ci n’est toutefois pas créée n’importe comment. Comme l’or ou d’autres richesses, les cryptomonnaies sont limitées et rares, à l’image des 21 millions de Bitcoin qui circulent actuellement sur les réseaux.
Les cryptomonnaies peuvent être vues comme une valeur alternative. Quand vous payez votre pain 1 euro chez le boulanger, vous et votre boulanger avez confiance au fait que cette pièce de 1 euro vaut bien ce montant, attribué par une autorité. Vous estimez également que cet euro représente l’équivalent du travail demandé pour la fabrication du pain.
Pour les cryptomonnaies, c’est pareil : on obtient une cryptomonnaie soit en la “minant” (en utilisant son ordinateur pour favoriser l’échange de transactions), soit en l’achetant à quelqu’un d’autre. Une valeur est donnée à cette cryptomonnaie selon le marché de l’offre et de la demande et vous avez confiance en cette valeur, tout comme les autres acheteurs. Mais cette cryptomonnaie est décentralisée, hors des États, elle reste facile à transférer, mais son prix fluctue évidemment. Et c’est encore plus le cas ces derniers mois avec l’explosion du nombre de nouvelles cryptomonnaies, qui se comptent aujourd’hui en dizaines de milliers.
Le bitcoin est-il une nouvelle bulle financière ?
On pourrait se dire cela en voyant les articles alarmistes autour de la baisse du cours du bitcoin, au jour le jour. Mais quand on regarde l’ensemble, la tendance sur le long terme se veut différente. Depuis 2013, le cours n’a fait que progresser avec des hausses très fortes dues à la spéculation, directement suivies de descentes tout aussi impressionnantes, mais à un niveau plus élevé qu’à l’origine de la hausse.
Si l’on compare Bitcoin avec d’autres bulles historiquement connues, toutes ont des allures bien différentes : une augmentation considérable du prix de l’actif suivie d’un effondrement des cours et un retour à son niveau initial, voir à 0. pic.twitter.com/InshGq83Uh
— Esprit Cryptique (@_Cryptique) December 22, 2021
On est loin de la bulle Internet qui avait éclaté au début des années 2000, et qui avait provoqué un séisme sur les marchés boursiers. Un séisme toutefois oublié vingt ans plus tard au vu de la valorisation boursière de bon nombre d’entreprises spécialisées dans le numérique aujourd’hui.
Malgré tout, les cryptomonnaies restent un placement qui comporte des risques. Comme le député bruxellois Christophe De Beukelaer (cdH) l’explique ce jeudi dans L’Écho, “personnellement, je peux me permettre de prendre cette décision parce que je suis un privilégié et que j’ai pu mettre de l’argent de côté. Soyons clairs, je ne conseille à personne de se verser tout son salaire en bitcoin”. Il est très dangereux de tenter un tel pari vu la grande volatilité de la valeur des cryptomonnaies. Et ce même si cette volatilité est moins importante qu’il y a quelques années.
Quid de l’impact environnemental ?
C’est évidemment la grande question qui divise entre les propriétaires de cryptomonnaies et ceux opposés à cette nouvelle économie numérique. Car faire des transactions et “miner” des cryptomonnaies, cela demande des ordinateurs, souvent puissants, et cela consomme donc de l’électricité. Selon le docteur français en économie Philippe Herlin, spécialiste des cryptomonnaies, si les cryptomonnaies utilisent jusqu’à plus de 100 TWh par an, soit la consommation électrique annuelle d’un pays comme les Pays-Bas. Mais il prend comme exemple le Bitcoin, qui “utilise à plus de 80% des énergies renouvelables et il contribue même à les rentabiliser”. Ce qui implique de faibles émissions de CO2 par rapport à d’autres industries.
Cet aspect des émissions de CO2 est un point, mais ce n’est pas le seul sur le plan environnemental. Ces cryptomonnaies génèrent par ailleurs une énorme pollution de déchets électroniques. Le “minage” demande en effet une grande utilisation de cartes graphiques et de puces électroniques. Selon le chercheur néerlandais Alex de Vries, qui a publié en décembre 2021 une large étude sur les déchets provoqués par la croissance du Bitcoin, une transaction représente 272 grammes de déchets électroniques, soit l’équivalent d’un iPad Mini jeté à la poubelle. Une puce électronique utilisée uniquement pour le “minage” aurait une durée de vie de seulement 1,29 an. Cela pose donc des questions sur la gestion de ces matériaux.
Les cryptomonnaies vont-elles remplacer les bons vieux comptes épargne ?
On en est encore loin en Belgique, où l’intérêt reste limité à de la spéculation et des initiatives timides d’investissement.
Les cryptomonnaies sont surtout vues comme des alternatives dans certains pays d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud ou d’Afrique, où la monnaie locale a été et/ou est toujours victime d’une inflation importante. Pour ces habitants qui doivent utiliser une monnaie bien plus instable que l’euro et/ou qui ne peuvent bénéficier de services bancaires de qualité, les cryptomonnaies revêtent un intérêt particulier pour permettre une indépendance financière et une réserve sûre d’argent.
Mais comme pour tout investissement, ces cryptomonnaies restent un risque.
Gr.I. – Photo : Wikimedia/CC/www.quotecatalog.com