L’édito de Fabrice Grosfilley : les majorités craquent
Dans son édito de ce mercredi 03 avril, Fabrice Grosfilley revient sur les tensions au sein de la majorité.
Tendez l’oreille… Vous entendez ce bruit qui monte des majorités parlementaires ? Ce tohu-bohu, suivi d’un lourd silence, puis ces craquements ? Oui, les majorités sont en train de craquer. Elles se disloquent à vitesse grand V avec des parlementaires désormais plus enclins à se lancer dans la campagne électorale qu’à soutenir le gouvernement qu’ils ont, il y a près de cinq ans, contribué à mettre en place.
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Premier exemple, le plus criant, au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Avec le décret paysage, on en déjà beaucoup parlé, et un nouvel épisode en deux temps hier. D’abord, PS et Ecolo qui déposent une proposition de modification du décret. Un texte qui instituera (s’il est voté) un moratoire d’un an pour tous les étudiants. Ce qui veut dire que la rentrée prochaine, les étudiants qui auraient raté leurs examens resteraient finançables. Personne ne perdrait sa place. On se laisserait donc un an pour juger des effets réels de ce décret paysage. Précision importante : rester finançable, cela veut dire garder une place dans l’enseignement supérieur, cela ne veut pas dire décrocher son diplôme pour autant : les obligations de réussite ne bougeraient pas. Ce dépôt d’une proposition commune PS-Ecolo a été vécue comme une trahison par les députés du Mouvement Réformateur qui ont en retour décidé de bouder les réunions de commission au programme de la journée d’hier. Au premier temps de la menace de majorité alternative, mis en partie à exécution, a répondu un deuxième temps de la chaise vide. Avec, comme conséquences, que certains projets défendus par des ministres écologistes et socialistes n’ont pas pu avancer hier, faute de députés en nombre suffisant. La majorité qui soutenait jusqu’ici le gouvernement de Pierre-Yves Jeholet est en train de craquer. Si, dans 15 jours, la proposition PS-Ecolo est finalement adoptée, grâce à l’abstention des Engagés ou au renfort du PTB, cela risque de laisser des traces.
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Deuxième exemple : le Parlement bruxellois. Avec en partie les mêmes formations politiques, mais pas dans le même rôle. Là, c’est le Parti Socialiste qui redoute d’être pris à revers par une majorité alternative. Pas question de rouvrir les débats sur l’obligation d’étourdissement avant abattage, dit le PS. C’est vrai qu’en plein ramadan, se lancer dans cette aventure risque de provoquer beaucoup de remous. Du coup, le PS bloque le projet de code du bien-être animal. Le parti qui a opté pour la position offensive à la Fédération adopte le cadenassage défensif à la Région. Autre cénacle, autre stratégie. Surtout ne pas prendre le risque d’une majorité alternative, même si celle-ci est loin d’être assurée. Dans ce dossier, c’est entre le PS et DéFI que la fracture est la plus vive (même si tous les partis redoutent un vote qui étalerait leur division sur le sujet).
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Mais un second front oppose régulièrement les socialistes aux écologistes sur les questions de mobilité. Il y a le projet de métro 3 que les socialistes, comme les libéraux, défendent avec ardeur alors que les écologistes disent de plus en plus ouvertement qu’ils préféreraient privilégier des trams, qui seraient moins onéreux. Il y a désormais aussi la zone de basse émission. Deux députés socialistes, dont le chef de groupe Ridouane Chahid, indiquent ce matin dans la Dernière Heure qu’ils souhaitent un report de la prochaine étape, celle prévue pour 2025 avec l’interdiction des voitures diesel de norme Euro5 ou essence norme Euro2. Il faut se caler sur le calendrier flamand et wallon et, en plus, vouloir être en avance, il faut aussi prévoir une exonération pour les familles nombreuses, plaident les socialistes, qui se placent ainsi en contradiction avec ce que le gouvernement régional a pourtant validé depuis longtemps, mais caressent de nombreux automobilistes dans le sens de l’accélérateur. Un caillou socialiste déposé dans les chaussures écologistes.
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Le problème du caillou dans la chaussure ou de la majorité qui craque, c’est qu’ils sont contraires à l’idée de collégialité, de compromis pacifié et de majorité solidaire. Les gouvernements de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région bruxelloise ne tiennent aujourd’hui plus qu’à un fil. C’est vrai, il ne reste plus que quelques semaines avant la fin de la législature. L’essentiel du travail des majorités est derrière. Mais, si on regarde devant justement, on se dit que ces partis-là, PS-MR-Ecolo en Fédération ou PS-Ecolo-DéFI à Bruxelles, ont désormais bien du mal à s’entendre. Et c’est peut-être, au-delà des propos de campagne, le principal message envoyé aux électeurs et aux éditorialistes : pour la prochaine législature, nous ne voulons plus, nous ne pouvons plus gouverner ensemble. Derrière les craquements, c’est l’appel à de nouvelles majorités qui est tout doucement, en train de se mettre en place, et de devenir audible.
Fabrice Grosfilley