L’édito de Fabrice Grosfilley : la question du climat ne s’efface pas

Il y a des moments où l’actualité s’aligne. Où le thermomètre, les relevés scientifiques, notre ressenti personnel – ce sentiment d’air irrespirable et de températures suffocantes – mais aussi la politique, et même l’économie, avec les prix de l’électricité qui s’affolent et les entreprises qui doivent se mettre au ralenti, racontent tous exactement la même histoire. Et cette semaine, ce que nous disent ces indicateurs, c’est que nous sommes en train de perdre la bataille du climat.

La Belgique connaît en ce début juillet sa première vague de chaleur officielle de l’année. Cinq jours à plus de 25 °C, dont trois à plus de 30. Si ce n’était qu’un épisode passager, on pourrait s’en plaindre à la machine à café et s’en accommoder. Mais c’est plus que ça. En Italie, deux hommes sont morts hier en Sardaigne. Ils avaient 60 et 75 ans, et n’ont pas supporté des températures qui dépassaient les 40 degrés. En France, on enregistre des températures jamais vues pour un début d’été, propices aux incendies. En Espagne, des records sont battus en chaîne. Et dans le ciel du Portugal, on a pu filmer un gigantesque « nuage rouleau » qui ressemble plus à une scène de science-fiction qu’à une météo saisonnière.

C’est le nouveau visage de l’été européen. L’Organisation météorologique mondiale, une agence des Nations unies, le dit clairement : à cause du réchauffement, les vagues de chaleur deviennent plus fréquentes, plus intenses, plus précoces. Il va falloir apprendre à vivre avec. Ce sont des tueuses silencieuses, prévient encore l’ONU, parce que les victimes ne se comptent pas toujours dans l’instant, mais plus tard, lorsqu’on comptabilise ceux qui ont disparu : dans les hôpitaux, les maisons de repos, les appartements sans ventilation.

Hier, la Commission européenne a proposé un objectif climatique qui se veut ambitieux : réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040. C’est une étape capitale sur la route de la neutralité carbone prévue pour 2050. Un objectif scientifiquement nécessaire, soutenu par les experts, et conforme à l’accord de Paris, signé il y a dix ans.  Trop ambitieux pour certains États. L’Italie et la Hongrie critiquent frontalement le niveau d’ambition. Pas assez contraignant pour les ONG. Les États réticents ont finalement obtenu une clause de flexibilité : à partir de 2036, les pays pourront acheter jusqu’à 3 % de crédits carbone à des pays tiers. Une forme de délocalisation de l’effort.

Et chez nous ? La Belgique n’a pas encore de position claire. Elle « analyse », elle « travaille à une position cohérente », selon les mots du ministre Jean-Luc Crucke. Sauf qu’on attend toujours notre plan énergie-climat pour 2030. Un plan qu’on devait déjà rendre à l’Europe. Mais la Flandre bloque, le fédéral temporise, et tout le monde regarde ailleurs. C’est un peu notre spécialité nationale, ça : arriver les mains vides quand les autres sont déjà à table.

Et pourtant, la Belgique n’a pas de totem d’immunité. Depuis 2000, les événements climatiques extrêmes ont coûté à notre pays entre 12 et 15 milliards d’euros, estime l’Agence européenne de l’environnement. C’est énorme. Rapporté à la taille du pays, nous sommes dans le top 3 européen. Les dégâts les plus fréquents ? Inondations, tempêtes, grêle. Les décès ? Liés à la chaleur, à la sécheresse, aux incendies. Et la majorité de ces pertes ne sont même pas assurées.

La réalité climatique avance à pas de géant, et on ne peut pas l’arrêter d’un claquement de doigts. Les autorités spirituelles ou morales s’en émeuvent aussi. Exemple : le pape Léon XIV, hier. « Il est évident que la Terre est en train de tomber en ruine », a-t-il écrit dans un message.  Il ne s’agit plus de choisir entre l’économie et l’écologie. Il s’agit de tout faire pour éviter le chaos. On doit admettre que cette transition est économiquement difficile. Mais chaque été qui passe ressemble désormais à une alerte rouge. Et chaque hésitation coûte des vies.

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03 juillet 2025 - 10h49
Modifié le 03 juillet 2025 - 10h49

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