L’édito de Fabrice Grosfilley : la guerre discrète, mais toujours réelle
On a tendance à en parler moins souvent et pourtant, elle est toujours là. La guerre en Ukraine a disparu de la Une de nos quotidiens, elle n’est plus mentionnée qu’en bref dans les journaux télévisés, il y a une forme d’accoutumance, voire une forme de lassitude vis-à-vis du conflit. Et pourtant, sur le terrain, la guerre est toujours présente. Le fait que le front soit stable ne signifie pas qu’il n’y a plus de combats. On se bat en particulier dans la région de Bakhmout, cette ville que Russes et Ukrainiens se disputent depuis des mois et qui ne sera bientôt plus qu’un champ de ruines tellement les combats y sont âpres. 80% de la localité serait sous contrôle de la milice Wagner, a affirmé hier Evgueni Prigojine, le patron de ce groupe militaire privé. Parce qu’à Bakhmout, l’armée russe sous-traite. Les parachutistes, l’artillerie, c’est l’armée régulière. Les fantassins qu’on envoie au combat entre deux barres d’immeubles, ce sont les hommes de Wagner. À Bakhmout, avant la guerre, il y avait 70 000 habitants, soit un peu plus que la commune de Forest, un peu moins que la commune d’Ixelles. Une ville industrielle avec ses usines et ses travailleurs. Aujourd’hui, les cités qui les logeaient sont vides. Les pertes de vie humaines sont énormes, les dégâts colossaux. On parlera dans les livres d’histoire de cette bataille de Bakhmout, même si aujourd’hui, on ne sait pas encore qui la remportera.
La guerre, c’est aussi l’enrôlement des conscrits. Le parlement russe a adopté hier un projet de loi qui permet d’envoyer désormais les ordres de mobilisation par voie électronique. Les autorités russes ne devront plus remettre l’ordre en main propre. Trop de jeunes Russes étaient partis sans laisser d’adresse pour éviter de le recevoir. Ce sera désormais le portail numérique officiel qui enverra le document. Et ceux qui ne sont pas joignables seront considérés comme réfractaires. La guerre en Ukraine est une guerre moderne, où les drones et la cybersécurité jouent un rôle de premier plan. On pirate les systèmes de l’ennemi. On récolte des informations. Dernier épisode en date : les caméras de sécurité des cafés ukrainiens piratés par des hackers russes. Cela n’a l’air de rien, mais d’après un responsable du renseignement américain, ce piratage permet aux Russes de repérer le passage des convois.
La guerre, c’est aussi l’intimidation. Hier, la Russie a annoncé avoir effectué un tir de missile intercontinental. Un missile lancé depuis le sud du territoire russe, dans les environs de la mer Caspienne et qui a atterri au Kazakhstan. Et un message limpide : la Russie veut démontrer qu’elle est prête à expédier ce genre de missile longue portée beaucoup loin que le territoire ukrainien. L’annonce que Moscou se prépare à déployer des armes nucléaires tactiques près de la frontière polonaise obéit à la même rhétorique. La guerre qui se fait discrète dans nos médias reste localisée pour l’instant. Mais le risque d’une escalade et d’une internationalisation du conflit est un risque qu’on ne peut pas définitivement écarter.
► Retrouvez L’Édito en replay et podcast (Apple Podcasts, Spotify, Deezer…) en cliquant ici
Fabrice Grosfilley