Bruxelles y pense, la Flandre le fait : l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le gèle de l’indexation des loyers pour les logements avec un mauvais PEB.

Pour les logements insuffisamment isolés, on ne pourra plus augmenter les loyers. Bloquer l’indexation des passoires énergétiques. L’idée est sur la table du gouvernement bruxellois, mais c’est finalement le gouvernement flamand qui va le faire. 

C’est une décision au pas de charge. Mercredi, le gouvernement flamand trouvait un accord sur son budget de l’année 2023. Samedi, le Parlement flamand passait au vote. Et pour l’indexation des loyers, il est précisé que le gel entrait en vigueur au 1er octobre. Application immédiate donc. À peine votée, déjà appliquée. Emballé, c’est pesé. Oublié les bisbrouilles entre partenaires flamands qui avaient fait la Une des journaux. La majorité de Jan Jambon a voulu montrer qu’elle avait retrouvé la marche avant.

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Dans ce gros paquet de mesures, 4 milliards d’euros, qui ne concernent que la Flandre, la décision qui concerne l’indexation des loyers, pourrait vous paraitre familière. Il s’agit d’empêcher l’indexation des loyers les moins bien isolés. Dans le label EPC (le certificat de prestation énergétique flamand) les logements des catégories E et F n’ont ainsi plus le droit d’être indexés. Les prioritaires de logements de catégorie D ont le droit de répercuter la moitié de l’indice santé. Pour les catégories A, B, C, il n’y a pas de limitation. Pour Mathias Diependale, le ministre flamand des Finances et du Logement, le locataire ne doit donc pas être pénalisé deux fois : si sa facture d’énergie est conséquente, car le logement est mal isolé, il ne doit pas en plus subir une augmentation de loyer.

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Si vous avez un peu suivi l’actualité politique bruxelloise, cette mesure est donc très proche de ce qui est sur la table du gouvernement bruxellois. Nawal Ben Hamou, qui parle depuis le printemps dernier de limiter la hausse des loyers, a fait une proposition en ce sens le 8 septembre. Elle était même en direct le soir même dans cette émission. Le point a ensuite été présenté au gouvernement bruxellois. Un tour de table avec les ministres, un renvoi vers les conseillers, finalement la mesure n’a toujours pas vu le jour. C’est du côté de Bernard Clerfayt qu’on tient à se hâter lentement. L’idée de contrarier les propriétaires ne soulève pas l’enthousiasme du parti DéFi.

Si on veut résumer la séquence, voici donc une idée proposée à grand renfort de publicité du côté bruxellois, qui a suscité de l’intérêt en Wallonie et que finalement le gouvernement flamand est à ce stade le seul à pouvoir concrétiser. Pour rappel, le gouvernement flamand, c’est une majorité N-VACd&V – Open VLD. Un gouvernement de droite. Qui prend donc une mesure que DéFi à Bruxelles ou le MR en Wallonie ont l’air de trouver trop à gauche. La N-VA est sur la même longueur d’onde que le PS, avec l’efficacité ou la capacité de convaincre ses partenaires en prime.

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Alors, on pourrait en sourire de cette mesure bloquée par des partis de centre droit côté francophone et portée avec succès par des partis de centre droit en Flandre. On pourrait en sourire si on ne devinait pas une forme de mal gouvernance côté francophone. Où l’obsession de marquer des points politiques fait que l’on passe beaucoup de temps à vouloir amender, ralentir, et au final contrarier les mesures qui émanent de ses partenaires de gouvernement. Cette obsession d’avoir des plumes à son chapeau, et d’empêcher le voisin d’avoir plus de plumes que vous, ramène la politique à une querelle sans fin, où le gain politique fini par l’emporter sur l’intérêt citoyen. Protéger le locataire dans un moment de crise aiguë, elle est de bon sens cette mesure, en tout cas tant qu’on sera dans ce moment de crise.

Puisqu’on parle de logement, vous avez peut-être en tête le logo du salon Batibouw. Cette tortue en brique. Visiblement, La Fontaine était passé par la tête des créateurs du salon. On sait que les politiques francophones sont plutôt du côté du lièvre qui s’arrête en chemin que du côté de la tortue qui arrive à ses fins.  

Un édito de Fabrice Grosfilley