Il y a cinq ans, le Covid-19 confinait la Belgique et le monde
Depuis l’annonce d’un cas de pneumonie “atypique” à Wuhan jusqu’aux premières restrictions belges, annoncées le 12 mars 2020, pour contrer le Covid-19, il aura suffi d’un peu plus de trois mois pour basculer dans un autre monde, miné par une pandémie d’abord incontrôlable. À l’origine de cette pandémie, un virus de la catégorie des coronavirus. De restrictions en fermetures, il mènera jusqu’au confinement complet de la population pour contrer la propagation d’une maladie qui provoquera la mort de plus de 34.000 personnes en Belgique et de près de 18 millions dans le reste du monde. Retour sur ces mesures qui ont marqué l’Histoire.
Tout débute en décembre 2019, dans la ville chinoise de Wuhan, près de 800 kilomètres à l’ouest de Shanghai. C’est dans cette métropole de près de 9 millions d’habitants qu’un premier cas de “pneumonie atypique” est notifié. Quelques semaines plus tard, le marché aux fruits de mer de Huanan est désigné comme étant l’épicentre du Covid-19. Les analyses révèleront rapidement qu’il s’agit finalement d’un “virus à couronne”, un coronavirus, qui se propage principalement via les oiseaux et les chauves-souris. Or, sur le marché de Huanan, on n’achète pas que des fruits de mer. On y déniche aussi des animaux vivants, comme des volatiles et des pangolins, ces mammifères recouverts d’écailles qui se nourrissent d’insectes. Autant d’animaux qui auraient pu transmettre le virus à l’être humain. Cependant, aujourd’hui encore, l’origine de l’épidémie fait l’objet de débat. La possibilité que le virus provienne plutôt d’un laboratoire de Wuhan, qui travaillait justement sur la thématique des coronavirus, est infime, mais elle n’est pas tout à fait exclue selon le consensus scientifique.
Ce n’est que fin décembre que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est officiellement alertée par la Chine qu’un coronavirus circule dans la région de Wuhan. Le premier décès constaté à la suite d’une transmission est annoncé le 11 janvier, alors que le virus progresse à une vitesse phénoménale, faisant jusqu’à 1.700 malades en un peu plus d’un mois en Chine.
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Le premier cas européen de ce qui va rapidement être appelé Covid-19 (ou SARS-CoV-2, du nom du virus provoquant la maladie) est annoncé le 25 janvier en France. La Belgique ne tardera pas à être touchée à son tour : à la suite d’un rapatriement par avion d’une douzaine de personnes en provenance de la province d’Hubei, dont Wuhan est le chef-lieu, une personne originaire de Flandre occidentale est déclarée positive au virus le 4 février.
Les alertes internationales se multiplient mais, en Belgique, la ministre de la Santé en affaires courantes, Maggie De Block, se veut rassurante et calme le jeu. “Le risque que le virus atteigne notre pays est réel”, prévient-elle, mais les hôpitaux “ont des plans spéciaux”, comme ceux enclenchés face à une grippe aiguë, explique-t-elle le 25 février. Une semaine plus tard, elle compare le Covid-19 à “une grippe hivernale, comme la grippe mexicaine, qui était beaucoup plus virulente et qui, maintenant, est devenue une grippe quotidienne hivernale“.
Le nombre de cas grimpe toutefois inexorablement. Le deuxième cas belge est signalé dès le 1er mars, alors que l’épidémie a déjà fortement progressé et pousse à saturation les hôpitaux de certaines régions françaises, du nord de l’Italie ou sur la côte méditerranéenne de l’Espagne. En une semaine, le compteur de Belges positifs au Covid-19 s’élève à 169.
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Un comité scientifique dédié au coronavirus est mis en place afin d’étudier le degré de préparation de la Belgique face à cette épidémie qui inquiète à travers le monde. Le virologue de l’institut belge de santé publique Sciensano Steven Van Gucht, à la tête de ce comité, se veut alors rassurant. Il affirme que le pays est “bien préparé”, alors que le pire scénario envisagé prend en compte l’hospitalisation de 2.000 à 3.000 personnes, dont 500 à 700 en soins intensifs. Au premier pic de la pandémie, la Belgique enregistrera finalement jusqu’à 5.759 personnes soignées dans les hôpitaux du pays début avril, et plus de 1.260 malades aux soins intensifs. Des chiffres dépassés lors de la seconde vague du virus : jusqu’à 7.461 personnes seront hospitalisées, dont 1.474 aux soins intensifs, au début du mois de novembre.
Alors que l’OMS officialise le terme de “pandémie” de Covid-19 le 11 mars, la Belgique connait la veille un premier décès lié à la maladie : une nonagénaire hospitalisée à Forest n’a pas survécu à une contamination au SARS-CoV-2. L’inquiétude grandit parmi la population et le monde politique s’active pour contrer au mieux un virus qui a déjà fait des dizaines d’autres morts à travers le monde en seulement trois mois.
Sophie Wilmès est alors Première ministre en affaires courantes à la suite du départ, en octobre 2019, de Charles Michel au Conseil européen. Dans l’attente d’un gouvernement de plein exercice depuis les élections fédérales de¿ mai 2019, elle assure donc l’intérim. Elle convoque un Conseil national de sécurité. Cet organe jusqu’alors méconnu – déjà utilisé en 2016 à la suite des attentats de Bruxelles ou en 2019 sur la question du rapatriement des djihadistes belges qui combattent en Syrie – va alors rythmer le quotidien des Belges durant les deux prochaines années. Le “CNS” est composé des principaux ministres du gouvernement fédéral autour de la Première ministre, des services de renseignement et, dans le cas du Covid-19, des représentants des entités fédérées, afin d’établir une stratégie commune autour d’une problématique particulière.
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Le 12 mars, la réunion du CNS se termine tard dans la soirée. Les autorités annoncent la fermeture des écoles, discothèques, établissements de l’horeca et l’annulation de tous les rassemblements publics et événements dès le lendemain soir. Cette première mesure n’est pourtant que le commencement d’une série de restrictions qui dureront près de deux ans pour faire face à un virus difficilement gérable.
Face à la hausse des cas et au nombre de décès qui dépasse déjà la dizaine le week-end suivant, le monde politique prend des mesures exceptionnelles. Malgré une minorité à la Chambre, le gouvernement Wilmès 1er reçoit le 15 mars les pouvoirs spéciaux pour une période de six mois, à la faveur d’un accord avec une partie de l’opposition (PS, sp.a (ex-Vooruit), Ecolo, Groen, cdH (ex-Les Engagés), N-VA et DéFI). Deux jours plus tard, le gouvernement Wilmès II est formé et la Première ministre, désormais de plein exercice, prête à nouveau serment devant le roi Philippe pour un mandat consacré principalement à la gestion d’une crise sanitaire inédite.
À peine le rendez-vous avec le Roi terminé, Sophie Wilmès convoque un nouveau CNS puis annonce la mesure la plus radicale de notre siècle : un confinement généralisé, dès le 18 mars à midi. Les hôpitaux, eux, doivent encore gérer l’afflux de personnes touchées par un virus qui provoque des symptômes encore méconnus et dont la mortalité est particulièrement importante, surtout parmi les personnes âgées ou à risque (immunodéprimées, etc.).
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Les CNS vont s’enchaîner (toutes les deux semaines quasiment), comme les prolongations du confinement. Dès le 2 avril, le gouvernement tente tout de même d’évaluer une sortie de crise, avec la mise en place du Groupe d’Experts en charge de l’Exit Strategy (GEES), un comité d’experts scientifiques et socio-économiques destiné à envisager des mesures de déconfinement. Ces premières levées n’arriveront que le 20 avril avec la réouverture de certaines activités, dont les pépinières et les magasins de bricolage. Une stratégie de sortie de confinement entre ensuite en vigueur à partir du 4 mai. L’ouverture des frontières n’interviendra qu’en juin, avant que les contaminations ne repartent à la hausse à l’automne en raison d’un nouveau variant du virus. De nouvelles réunions du CNS, l’introduction du Covid Safe Ticket pour accéder à certains lieux et assister à des événements, ou encore la mise en place du port du masque vont alors rythmer la vie des Belges durant plus d’un an encore. Dans le même temps, les manifestations de protestation contre ces mesures restrictives s’enchaînent.
Rien que sur l’année 2020, la Belgique enregistrera plus de 650.000 cas positifs et un peu plus de 20.000 décès. Ce total grimpera à 34.339 morts, jusqu’au 6 mars 2025. Plus de la moitié des décès ont été répertoriés en Flandre. Les plus de 85 ans ont été les victimes majeures du virus, avec plus de 16.000 morts dans cette catégorie d’âge. A contrario, moins de 230 personnes de moins de 45 ans ont succombé au Covid-19.
Le SARS-CoV-2 a depuis lors beaucoup muté et n’a quasiment fait aucune victime cet hiver. Le pays n’a d’ailleurs dénombré que quelques dizaines de cas par semaine depuis novembre, tandis que l’épidémie de grippe a été, cet hiver, plus virulente que ces cinq dernières années.
■ Reportage d’Arnaud Bruckner