L’édito de Fabrice Grosfilley : la saga du CPAS

C’est une saga qui n’en finit plus. Hier, la commission des affaires sociales de la Chambre, le Parlement fédéral, a entendu Mustapha Akkouz, ancien président du CPAS d’Anderlecht, invité à s’expliquer sur les dysfonctionnements révélés par les reportages de la VRT. “Nous devons reconnaître qu’il y a eu des défaillances de la part du CPAS”, a-t-il admis avant de se défendre des accusations de clientélisme portées contre lui : “à aucun moment, il n’y a eu de passe-droit. Je n’ai jamais influencé une décision individuelle, il n’y a jamais eu de clientélisme”, a-t-il affirmé.

Voilà pour la posture générale. Dans les faits, l’ancien président du CPAS a reconnu avoir reçu des demandeurs d’aide sociale dans son bureau, comme le font probablement de très nombreux présidents de CPAS. Toujours sur rendez-vous, en présence d’un collaborateur et de l’assistant social en charge du dossier, a-t-il précisé. Il a également indiqué qu’il ne siégeait pas dans le comité spécial du service social qui statuait sur les demandes d’aide sociale. Il a  également admis avoir accordé des interventions d’urgence à hauteur de 250 euros, comme la loi l’y autorise. Ces aides ont, selon lui, été ratifiées par la suite par les instances compétentes.

Le témoignage de Mustapha Akkouz n’a pas convaincu tous les députés. Dans le camp libéral notamment, on reste critique. Vincent Van Quickenborne, ancien ministre de la Justice redevenu parlementaire pour l’Open VLD, a ainsi demandé que les auditions se poursuivent, cette fois à huis clos, afin de recueillir des témoignages anonymes. Denis Ducarme, pour le MR et président de la commission des affaires sociales, estime que le travail n’est pas terminé et a évoqué la possibilité de créer une commission spéciale. Dans les faits, si l’on fait témoigner des personnes à huis clos, on se rapprocherait en réalité d’une commission d’enquête, avec le risque de perturber l’enquête lancée par l’auditorat du travail.

Évidemment, un débat très politique se cache derrière ces auditions. Hier, on sentait bien que ces témoignages se déroulaient sur fond de bras de fer entre socialistes et libéraux. Ainsi, il a été demandé hier au président de l’association des secrétaires des CPAS bruxellois si la fusion des 19 CPAS bruxellois ne serait pas une solution. Sa réponse : “Un seul CPAS ne me paraît pas souhaitable. L’aide sociale nécessite une analyse au plus près ; il ne faut pas éloigner les CPAS du terrain.”

Deux logiques s’affrontent ici : celle de la proximité, qui passe par le contact humain et des décisions prises sur la base de ressentis, et celle de la rigueur, qui privilégie une approche distante, fondée sur des réglementations, des formulaires et des grilles prédéterminées. Une réduction du classique clivage entre les Latins et les Nordiques qui fait le sel de la Belgique.

La vraie question dans ce dossier est de savoir si les dirigeants du CPAS d’Anderlecht ont posé des actes délictueux, s’ils sont effectivement coupables de favoritisme à répétition ou de clientélisme (cette dernière pratique consiste à offrir de l’aide en échange d’une promesse de vote). Ou s’ils ont simplement fait leur boulot de la même manière que d’autres présidents de CPAS. Pour l’instant, rien ne permet d’affirmer que des fautes personnelles ont été commises par les élus. Mais les soupçons existent. La déclaration de Mustapha Akkouz devant les caméras de la VRT n’a fait qu’alimenter ces soupçons : “moi, je suis socialiste. Je suis fier de l’être, d’aider mon prochain. On peut me le reprocher, mais c’est comme ça.” Une phrase évidemment maladroite et peu rassurante quand on doit répondre à un journaliste qui vous accuse d’avoir contribué au versement d’aides indues.

En reconnaissant des dysfonctionnements, les deux derniers présidents du CPAS (Mustapha Akkouz et Lotfi Mostefa) font amende honorable. Mais ce n’est que la moitié du chemin. La seconde partie consiste maintenant à se doter effectivement de mécanismes empêchant que de tels faits se reproduisent. Les autorités communales et le Parti socialiste, s’ils veulent éteindre l’incendie, se retrouvent désormais face à cette responsabilité.

Fabrice Grosfilley

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11 décembre 2024 - 10h25
Modifié le 11 décembre 2024 - 10h25