La Belgique a-t-elle choisi la bonne stratégie de vaccination?

Alors que la vaccination massive ne démarre qu’aujourd’hui, plusieurs voix s’élèvent déjà afin de remettre en question les choix posés par le fédéral dans la stratégie de vaccination et l’ordre des groupes prioritaires. Les propositions pour tenter d’améliorer l’efficacité vont en tout cas plus vite que la fabrication des doses de vaccins par Pfizer. Est-ce vraiment une bonne idée de vacciner en priorité tous les résidents des maisons de repos alors que certains sont encore immunisés?

Ce mardi matin, dans plusieurs médias, le personnel soignant a fait savoir son mécontentement par rapport à la stratégie fédérale. Pour eux, ils devraient être vaccinés en priorité afin de pouvoir continuer à exercer leur métier.

Vaccination : les soignants souhaitent, eux aussi, être prioritaires

Cependant, ce sont les résidents des maisons de repos et le personnel qui ont été désignés comme la priorité. Et là aussi, cette décision est remise en question, notamment par quelques élus cdH dont Georges Dallemagne. “Dans la maison de repos du CPAS de Woluwe-Saint-Pierre, nous avons mené une petite étude scientifique en mesurant le taux d’anticorps des résidents et des membres du personnel. En octobre, on s’est aperçu que premièrement, le taux d’anticorps avait peu diminué mais surtout que 50% du personnel et un tiers des seniors avaient conservé leur immunité. Dès lors, vu que nous disposons de peu de doses du vaccin Pfizer, pourquoi vacciner en priorité des personnes qui sont déjà immunisées? Ne vaudrait-il pas mieux cibler les personnes qui n’ont jamais été en contact avec le virus?”

Pour Georges Dallemagne, tout va trop lentement. L’Europe n’a toujours pas validé les vaccins de Moderna ou de AstraZeneca alors que les Etats-Unis ou le Royaume Uni ont donné leur feu vert. “On gère cette vaccination d’un point de vue administratif. On doit balayer les anciennes recettes. En attendant que les doses arrivent, pourquoi ne pas faire des tests sérologiques et voir qui est déjà protégé? On pourrait alors obtenir une couverture vaccinale plus importante. Idem pour la 2e dose. Pourquoi conserver des vaccins en réserve plutôt que de les utiliser pour faire une première dose à plus de monde? La population est déjà protégée avec une dose. Chaque jour qui passe, ce sont 100 morts de plus.”

“Une fausse bonne idée”

Pour le moment, le ministre de la Santé, Franck Vandenbroucke (SPA), ne souhaite pas revoir la stratégie. Mais d’un point de vue épidémiologique, serait-ce une bonne idée de se concentrer sur les personnes qui ne présentent pas des anticorps? Pour Eric Muraille, immunologue à l’ULB, pas forcément. “Cela nécessiterait une gestion plus complexe. Nous devrions tester la sérologie de tous avant d’administrer le vaccin. Et il faudrait également décider du seuil au-delà duquel on ne vaccinerait plus. Or, chez les personnes âgées, l’immunité est plus faible. Nous ne savons pas encore comment elle évolue sur le long terme. De plus, nous voyons aujourd’hui qu’il n’y a pas de risque à vacciner des personnes qui ont déjà été infectées par le covid.”

Notre expert pointe également du doigt un autre problème technique. Comme le vaccin de Pfizer ne se conserve qu’à -70°c, une fois qu’il est décongelé et présent en un lieu, il est alors plus simple de faire des injections à tout le monde.

Une double injection

Pour Eric Muraille, il est aussi important d’effectuer une double injection pour que la protection soit efficace durablement. De plus, le vaccin a été validé à condition qu’il y ait une double dose. “On peut jouer un peu sur le délai de trois  semaines mais je crois que ne pas faire la deuxième injection serait risqué. Nous jouerions sur l’efficacité. De manière générale, je crois qu’il faut mieux aller lentement mais sûrement. C’est aussi important pour la crédibilité vaccinale. Si après quelques mois, nous pouvons dire aux sceptiques, “vous voyez avec le vaccin, les personnes ne sont plus infectées”, alors cela sera un argument pour les convaincre de le faire.”

Dans un premier temps, le but de la vaccination est d’éviter l’engorgement des hôpitaux avec des personnes fragiles ayant développé une forme sévère de la maladie. Dans un second, il faudra maîtriser la propagation “mais cela ne sera certainement pas pour cette année. Nous pouvons seulement espérer pouvoir vivre avec le covid-19 comme nous le faisons avec la grippe“, conclut Eric Muraille.

Vanessa Lhuillier – Photo: Belga/Jonas D’Hollander

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05 janvier 2021 - 17h48
Modifié le 06 janvier 2021 - 10h37