La santé des sans-papiers en grève de la faim “se détériore” : plusieurs ont dû être hospitalisés

De nombreuses ambulances se sont rendus ce dimanche soir vers 23h00 à l’Église du Béguinage et sur le campus de la VUB et de l’ULB pour venir en aide aux grévistes de la faim et de la soif, décidés à poursuivre leur action pour obtenir une régularisation de leur statut.

Alors que plusieurs grévistes de la faim ont également décidé de mener une grève de la soif depuis ce vendredi, estimant que la position du gouvernement fédéral ne bouge pas suffisamment, l’association Médecins du Monde s’inquiète de l’état de santé physique et mental de ces personnes. “Ils étaient déjà affaiblis et leurs reins prennent un coup supplémentaire avec cette grève de la soif”, explique Sarah Melsens de Médecins du Monde à l’agence Belga. Certains d’entre eux ont dû être hospitalisés et un quadragénaire, qui a perdu 13 kilos, a dû être opéré du foie et des reins.” 

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Leur santé mentale est également alarmante. Médecins du Monde fait état de plusieurs tentatives de suicide, dont certaines par avalement de lames de rasoir. “Mais ils refusent d’abandonner tant qu’une solution globale n’a pas été trouvée”, indique l’association.

“L’état neurologique de la plupart des grévistes est excessivement critique avec des débuts de cécité, des vertiges et pertes d’équilibre entraînant des blessures et lésions“, indique encore Dr  Rose Nelki, qui suit les grévistes du campus de la Plaine.

“Limiter au maximum les risques”

En tant que médecins, nous ne sommes pas là pour proposer des solutions politiques. Nous ne faisons pas cette intervention médicale “parce que nous soutenons l’initiative” ou “parce que nous les soutenons”, mais pour limiter au maximum les risques et dommages sanitaires” expliquent Michel Roland et Rose Nelki. “Aujourd’hui, nous ne sommes plus en mesure de prévenir des conséquences tragiques que la longueur de la grève de la faim, cette grève de la soif et l’état psychologique des patients peuvent entraîner. Il est urgent de trouver une voie de sortie qui les convainque de mettre fin à cette grève, dont les conséquences médicales seront de toute manière très lourdes”.

Des équipes médicales ont été envoyées dimanche soir vers 23h00 auprès des sans-papiers dans l’Église du Béguinage et dans les locaux de l’ULB et de la VUB. Selon Bruzz et l’agence Belga, ces ambulances ont été envoyées par le gouvernement fédéral, après une concertation avec les bourgmestres concernés, à la suite d’un rapport médical de la Croix-Rouge. Trois équipes SMUR ont été envoyées au même moment, sur chacun des sites où séjournent les grévistes de la faim, confirme-t-on au cabinet du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit). Il s’agissait de faire “un check-up médical de ceux qui le souhaitaient”.

Les grévistes contactés par notre rédaction dénoncent toutefois l’arrivée de cette délégation médicale qui n’avait pas été invitée, selon eux. Médecins du Monde confirme que cette présence n’avait pas été annoncée, et que cela avait provoqué de l’agitation parmi les personnes sur place.

Plus de 400 personnes ont entamé une grève de la faim le 23 mai à l’Église du Béguinage à Bruxelles, et sur les campus de l’ULB et de la VUB à la Plaine, afin d’obtenir une régularisation de leur statut. Depuis ce vendredi, plusieurs d’entre elles ont également décidé de mener une grève de la soif face aux mesures du gouvernement fédéral qu’ils jugent insuffisantes.

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Démission du PS ?

Cette grève de la faim et de la soif interroge dans le monde politique. Si le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Sammy Mahdi (CD&V) campe sur ses positions, et affirme que “personne ne veut un drame”, les partis sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter de la situation de ces sans-papiers. Après le PTB, le PS et Ecolo qui plaident pour une solution rapide concernant le statut des grévistes, l’Open VLD, par la voix de son président Egbert Lachaert sur les ondes de la VRT, a exhorté les communes à mettre en place des mesures pour soutenir les grévistes, tout en excluant toutefois l’idée d’une régularisation collective. “S’il risque d’y avoir des morts, on doit peut-être envisager d’autres initiatives pour mettre fin à cette action. La vie de personnes est en jeu, on doit envisager toutes les actions”, dit-il. “En ce moment, tout doit être évalué pour aider ces gens le plus vite possible”.

Selon le quotidien Le Soir, le ministre de l’Économie et du Travail Pierre-Yves Dermagne (PS) aurait confirmé en bureau de parti qu’en cas de décès d’un gréviste, “les ministres et secrétaires d’État PS remettraient leur démission (du gouvernement fédéral) dans l’heure“.

Face à ces réactions, Sammy Mahdi a désigné un envoyé spécial pour orienter les demandeurs d’asile en grève de la faim vers les procédures existantes. Il s’agit de Dirk Van den Bulck, commissaire général aux réfugiés et aux apatrides au sein du CGRA.

“L’état de santé des grévistes fait obstacle à toute expulsion”

Enfin, Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les Droits de l’Homme, et Felipe Gonzalez, rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, ont adressé une “lettre ouverte” au gouvernement belge, et plus précisément au secrétaire d’État à l’Asile et la migration Sammy Mahdi. Ils y rappellent l’obligation de protéger les droits humains des migrants, qu’ils soient ou non en situation légale de séjour.

“Il serait souhaitable que le gouvernement confirme que l’état de santé des grévistes de la faim fait obstacle à toute expulsion”, estiment les deux rapporteurs de l’ONU. Ils conseillent aussi que le gouvernement “envisage l’octroi d’un titre de séjour provisoire, permettant l’exercice d’une activité économique, à toute personne” qui demande une régularisation en invoquant l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980. Cet article permet de demander une régularisation depuis le territoire belge, en invoquant des circonstances exceptionnelles empêchant un retour au pays d’origine. Cette base légale est cependant trop vague et problématique, et nécessiterait d’être réformée à moyen terme, développent Olivier De Schutter et Felipe Gonzalez.

Gr.I. avec Arnaud Bruckner et Belga – Photo : Belga