Permis d’urbanisme : pourquoi tant de disparités entre les 19 communes ?

Le collectif citoyen Plan B réalise actuellement un cadastre global des frais administratifs dans les 19 communes. Le premier volet concerne les services d’urbanisme, en l’occurrence les frais liés aux demandes de permis. Les disparités peuvent être… très grandes, allant parfois du simple au double en fonction de la commune, pour le même service. Dis-moi où tu habites, je te dirai combien tu payes…

Vous voulez abattre un arbre ? Il vous faut un permis d’urbanisme. Vous en aurez pour 100 euros de frais si vous déposez votre demande à Anderlecht. Mais seulement 30 euros si vous habitez à Jette et 50 euros si vous êtes à Ganshoren. Pour un dossier concernant une nouvelle construction ? 353,23 euros pour une maison unifamiliale à Jette, 120 euros à Molenbeek. Si vous comptez entreprendre des travaux de transformation de votre bien, les frais de dossiers s’élèveront à 176 euros à Jette, 161 euros à Berchem-Sainte-Agathe, 45 euros à Etterbeek, 250 euros à Schaerbeek ou encore 150 euros à Ixelles. Le collectif Plan B a collecté les données de chacune des 19 communes.

Pourquoi de telles disparités ? Parce que 19 communes, ce sont 19 pratiques différentes. Exemple : à Anderlecht, les frais d’ouverture de dossier sont fixés à 100 euros. Mais ils n’incluent pas tous les montants dont le demandeur devra s’acquitter au cours de la procédure, explique Audrey Dussart, la cheffe de cabinet de l’échevin de l’Urbanisme, Alain Kestemont (DéFI). Par exemple, la taxe urbanistique n’est réclamée qu’en fin de parcours.

« Le traitement des dossiers d’urbanisme implique un travail considérable pour les fonctionnaires communaux. Les frais demandés en sont le reflet », répond de son côté Hervé Doyen (cdH), bourgmestre de Jette. Ils dépendent aussi de la santé financière des communes. Les taxes et redevances sont fixées en fonction des budgets communaux. « Nous devons équilibrer notre budget. Toutes les communes ne sont pas financées de la même manière », ajoute le Jettois.

Notons encore qu’en cas d’infraction, les redevances appliquées sont elles aussi variables.

Manque de clarté

Question aussi de philosophie. À Anderlecht, par exemple, « nous préférons pratiquer des tarifs abordables, afin d’encourager les habitants à suivre les règlements urbanistiques ou, le cas échéant, à régulariser leur situation. » Ainsi, à Jette, les frais réclamés pour une demande d’installation d’une publicité dans l’espace public (286 euros) reflètent la volonté de la commune de les limiter.

Mais les différences entre communes ne concernent pas que les tarifs pratiqués. Quentin Parete, l’auteur du volet urbanisme du cadastre réalisé par Plan B, relève aussi des disparités dans l’information à la disposition des citoyens. Les sites internet varient fortement en la matière d’une localité à l’autre. Et seules neuf communes ont répondu à ses demandes d’éclaircissements, et pas toujours de manière satisfaisante. Quentin Parete note encore que les critères pris en compte dans la tarification ne sont pas les mêmes. Certaines communes prévoient une tarification spécifique pour le bureau, d’autres pas.

Du travail en plus pour les architectes? 

Plus globalement, les fonctionnements disparates des services d’urbanisme bruxellois compliqueraient le travail des architectes. « Les documents demandés lors du dépôt d’un dossier varient d’une commune à l’autre », explique Frédéric Lapôtre, architecte et secrétaire général du conseil francophone et germanophone de l’ordre des architectes. Et ce n’est pas tout : l’interprétation des règlementations et de la législation urbanistique diffère également, assure-t-il. « Il y a de grandes différences d’une commune à l’autre, sans que celles-ci soient justifiées. » Sans parler du nombre d’exemplaires du dossier exigés, qui n’est lui non plus absolument pas uniforme, sans que le demandeur comprenne pourquoi.

Le secrétaire général de l’ordre pointe un autre écueil pour les architectes : un projet peut respecter le cadre réglementaire, mais être rejeté pour des raisons esthétiques, ou architecturales, qui seront bien évidemment très diversement appréciées d’une commune à l’autre. «Les communes ont un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et ce n’est pas leur rôle », estime-t-il.

Enfin, et les Bruxellois qui l’ont expérimenté le savent :  les délais de traitement sont variables. Et dans leur immense majorité, beaucoup sont trop longs, déplore Frédéric Lapôtre. Un à deux ans, parfois plus. À cet égard, la Flandre et la Wallonie sont, selon lui, plus raisonnables. Vous voulez construire une terrasse en intérieur d’îlot ? Un à deux ans, au minimum, pour obtenir un permis. Conséquences ? Soit les demandeurs renoncent à leur projet, soit ils le font sans permis.

Recommandations

Depuis longtemps, l’ordre des architectes demande une harmonisation dans le traitement des dossiers. En particulier dans l’interprétation des réglementations et la mise en place d’un ombudsman, pour jouer les arbitres en cas de désaccords. L’ordre propose également la digitalisation des demandes de permis, comme c’est déjà le cas en Flandre, pour accélérer les procédures. Plan B réclame en outre uniformisation des frais administratifs pratiqués, car au bout du compte c’est le citoyen qui se trouve lésé, juge le collectif.

S.R. – Photo : BX1