L’entreprise bruxelloise DevSide, et Ixor, choisis pour développer l’application belge de traçage

L’entreprise bruxelloise DevSide et l’entreprise malinoise Ixor ont obtenu le contrat pour la conception de l’application belge de traçage du Covid-19, informe L’Echo vendredi, qui relève que SAP et Proximus se sont, quant à eux, fait coiffer au poteau.

Le développement de l’application belge de “contact tracing” (traçage de contacts) peut enfin démarrer. Le groupe de travail interfédéral chargé de la question a en effet proposé aux ministres de la Santé et au comité interministériel d’attribuer le marché à un groupe de PME belges.

Le leader du projet est le concepteur bruxellois d’applications mobiles DevSide. Il sera aidé par l’éditeur de logiciels malinois Ixor, qui travaillera en sous-traitance. Les entreprises belges devront toutefois se baser sur l’application allemande “Corona-Warn”, du géant informatique d’outre-Rhin SAP. Une issue qui étonne, car il y avait pourtant deux autres offres sur la table : ce géant informatique allemand SAP en question, mais aussi Proximus. Un jury de trois professeurs – dont le cryptographe et expert Bart Preneel et le professeur Axel Legay (UCLouvain) – leur a préféré une coalition de “petits Belges”.

Voir aussi : Le dispositif bruxellois de traçage se prépare à une éventuelle deuxième vague (vidéo)

Un bilan léger sur LinkedIn

Une décision qui a provoqué une volée de critiques au vu de la taille réduite de DevSide en l’occurrence : sur LinkedIn, l’entreprise, basée à Woluwe-Saint-Pierre, près du rond-point Montgomery, indique employer cinq personnes, le total bilantaire ne dépasse pas 700 000 euros, quand le nom de la société était encore jusqu’en juin JPDVDG.com, du nom de son propriétaire Jean-Paul De Ville de Goyet. Axel Legay (UCLouvain) répond que DevSide dispose “d’une expérience exceptionnelle”, grâce au développement “de plus d’une centaine d’applications déjà, dont celle de DKV”. “Moi-même, je ne suis pas sur LinkedIn malgré plus de 400 publications sur la cybersécurité”, nous précise le professeur. DevSide annonce sur son site avoir participé au développement du site de Kiosk Radio ou de l’application de planification intermodal Jeasy.

De son côté, le groupe malinois de progiciels Ixor, avec 70 collaborateurs et un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros, semble avoir un peu plus de “coffre” pour relever le défi. L’application développée par ces deux groupes sera basée sur la solution “Corona-Warn” de SAP “aussi étrange que cela puisse paraître”, note L’Echo.

“Une partie de ce qu’il reste à faire”

Contacté par BX1, le professeur Axel Legay indique que ces informations sont “imprécises”. “Le code de la solution “Corona-Warn” est un code international, disponible en open source. Ce n’est qu’une partie de ce qu’il reste à faire pour que l’application belge soit prête”, explique-t-il. “Il faut y ajouter la coordination avec le système de santé belge, réaliser des tests de cybersécurité, assurer la protection des données. Cela demande du travail auprès de services spécifiques à la Belgique. Et puis, imaginez-vous que si la Belgique avait été plus vite et développer une application avant l’Allemagne, l’Allemagne aurait décidé de reprendre la même application ? Non, car chaque pays souhaite garder la souveraineté de sa cybersécurité”.

Pas prêt pour septembre

Pour rappel, l’application dédiée au suivi de contacts devait être prête pour septembre, selon les informations confirmées par Karine Moykens, présidente du comité interfédéral “Testing & Tracing”. Mais au vu du timing déjà serré, la date du 1er septembre est impossible à tenir : selon Bart Preneel, il faudra huit à neuf semaines pour conclure un tel projet. Cette application doit permettre, grâce à l’échange de données via Bluetooth, de savoir quelles personnes ont eu des contacts rapprochés avec d’autres, et ainsi vérifier les contacts à risque en cas de test positif au Covid-19.

“Quatre mois au lieu de trois ans”

Vu le retard annoncé, pourquoi le choix des entreprises chargées de développer cette application de traçage a-t-il pris tant de temps ? “Parce que l’application doit être parfaite et n’aura pas de deuxième chance”, nous explique Axel Legay. “Nous ne pouvons pas laisser le moindre bug. Cela nous oblige à tout vérifier, tout en assurant la transparence de chaque étape du développement. Le code sera par exemple public avant même que l’application soit sortie. Nous voulons que tout soit parfait”. Le délai reste, de fait, très court, même dans le monde de l’informatique : “En mars, nous n’avions aucune de ces solutions. Et en quatre mois, nous avons des développements de nombreux outils informatiques qui doivent en outre se coordonner. Le développement de l’application aurait normalement demandé trois ans. Et plusieurs personnes travaillent en outre bénévolement pour assurer la mise en place de ces solutions technologiques”.

L’application développée par DevSide et Ixor pourrait-elle être réutilisée à l’avenir en cas de nouvelle épidémie ? “Quand on s’est lancé sur ce projet, on s’est pris le RGPD dans la face”, raconte Axel Legay. “Un arrêté royal a dû être pris et un cadre légal mis en place pour permettre ce traçage en respect avec le RGPD. Désormais, en cas de deuxième épidémie, on peut reprendre la base du code qui sera développé, mais on ne pourra pas utiliser la même application. Il a en effet été décidé que l’application sera désactivée à la fin de cette épidémie de coronavirus, pour protéger les données de chacun”.

■ Reportage de Thomas Dufrane, Béatrice Broutout et Pierre Delmée

Grégory Ienco avec Belga – Photo : illustration Belga/Thierry Roge