Neo2, en pause jusqu’en septembre 2020, est sérieusement remis en question
Cela fait des mois que le projet de centre de convention sur le plateau du Heysel, communément appelé Neo2, est remis en question par plusieurs professionnels du secteur. Cette fois, le dossier est mis au frigo pendant un an. C’est la décision prise par le gouvernement bruxellois lors du conseil des ministres de ce jeudi matin.
L’annonce n’est pas tout à fait surprenante mais mérite quelques explications. Par rappel, le projet de réaménagement du plateau du Heysel, Neo, est constitué de plusieurs phases. La première concerne la construction d’un centre commercial de 72 000m², une zone de loisirs, des logements, deux crèches, une séniorie, un pôle de bureaux, mais également 3 700 places de parking en souterrain et 1 200 places de parking pour les vélos. Pour cette partie du dossier, les permis devraient bientôt être délivrés même si la Région attend toujours l’arrêt du conseil d’État sur la validité ou non du Pras (plan régional d’aménagement du sol). Au cas où le conseil d’État annulerait le Pras, la Région travaille déjà sur l’élaboration du plan d’aménagement directeur (PAD) afin de contourner les difficultés juridiques et ne plus retarder ce projet.
Il faut savoir aussi que c’est Neo1 qui financera Neo2. Cette seconde phase consiste en la construction d’un centre de congrès de 5 000 personnes et d’un hôtel.
Une réelle nécessité ?
Actuellement, pour les congrès organisés en Région bruxelloise, il existe Square, le centre de convention du Mont des Arts. Depuis 2007 et sa rénovation profonde, le centre est géré par une société française, un gros groupe international présent dans une quarantaine de pays. GL Events propose ainsi 5 lieux qui peuvent accueillir entre 2 200 personnes et 150 selon les configurations. Square, ce sont 7 halls et 25 studios qui permettent l’organisation d’événements allant jusqu’à 6 000 personnes. Square n’est toutefois pas plein. Il reçoit 200 000 visiteurs par an alors qu’en 2000, il avait reçu 150 000 participants auxquels doivent s’ajouter les 70 000 visiteurs de la foire du livre déplacée depuis à Tour&Taxis. “On n’a pas réellement augmenté le nombre de visiteurs en chiffres absolus malgré les investissements alors qu’en 2017 et 2018, le nombre de journées de congrès a doublé à Bruxelles”, explique un administrateur de Square.
Du côté de Visit.brussels, on a toujours expliqué l’importance d’avoir un grand centre de conventions avec une salle d’au moins 5 000 places afin d’accueillir les grandes manifestations. Il faut savoir qu’un congressiste dépense en moyenne 450 euros par jour contre 150 euros pour un touriste qui vient pour son plaisir. On comprend alors l’importance de ce secteur pour l’économie bruxelloise.
Un besoin de rénovation des palais des expositions
En plus de Square et de Tour&Taxis, il y a aussi les palais de Brussels Expo sur le plateau du Heysel. Ceux-ci sont aujourd’hui vétustes et il serait nécessaire de les rénover. À plusieurs reprises, des voix se sont élevées pour dénoncer la future concurrence d’un centre de convention à deux pas des palais. La première est celle du directeur de Brussels Expo, Denis Delforge. Le départ du plus gros salon organisé au Heysel pour Barcelone, à savoir Seafood, a conforté son discours. Il est indispensable de rénover les palais du Heysel si Bruxelles veut encore pouvoir accueillir de grands congrès internationaux, martèle-t-il depuis des mois.
Il a fini par être entendu par le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close (PS), également président du conseil d’administration de Brussels Expo. La Ville a demandé la réalisation d’une étude indépendante portant sur l’analyse de plan d’exploitation et sur les synergies possibles avec le futur centre de Neo2. En avril 2019, la SCRL Neo, composée de représentants régionaux et de la Ville de Bruxelles, a lancé un marché public pour désigner un consultant réalisant cette étude. C’est l’entreprise allemande JWC, spécialisée dans le secteur des foires et salons, qui a été désignée. Le rapport, qui n’a jamais été rendu public, annonce deux options.
La première consisterait à développer l’ambition du Plan de développement international de Bruxelles via le développement de l’offre de congrès via Brussels Expo. “Ceci implique de repenser et rénover substantiellement l’infrastructure existante de manière à y intégrer, en synergies avec les activités existantes, les activités de congrès”, peut-on lire dans un document du conseil d’administration de Brussels Expo. La seconde consisterait à “maintenir la construction de l’infrastructure séparée mais en améliorant de manière substantielle l’intégration avec les infrastructures de Brussels Expo qui devraient être adaptées partiellement.”
L’étude de l’étude
Afin de trancher entre ces deux options, fin décembre, Denis Delforge a demandé en urgence aux administrateurs de Brussels Expo, qui n’ont pas pu consulter la première étude réalisée par JWC GmbH, de mandater un bureau de consultance afin de réaliser un master plan décrivant de manière plus précise comment Brussels Expo devrait être rénové et restructuré. Le plan doit aussi expliquer la pertinence stratégique, la faisabilité commerciale, opérationnelle et financière d’un tel projet.
Sans attendre la réponse de ses administrateurs, Brussels Expo a décidé de ne pas ouvrir d’appel d’offre et a désigné JWC GmbH pour élaborer ce master plan. En interne, on nous explique que ce bureau semblait être la meilleure option car il connaît déjà bien le secteur et les spécificités du Heysel. Il serait aussi impensable de perdre plus de temps. Coût de ce nouveau master plan : 300 000 euros.
A la Ville, l’opposition n’a pas tardé à se faire entendre. “Je plaide depuis 6 mois pour qu’on remette ce dossier à plat, explique David Weytsman, chef de file MR. Après avoir demandé un conseil communal extraordinaire, j’ai enfin obtenu une réunion spéciale ce lundi 27 janvier qui doit permettre au bourgmestre de nous présenter sa nouvelle stratégie dans le cadre de déménagement du Plateau du Heysel et de présenter enfin la rapport du consultant allemand JWC. Cela fait pourtant des mois que tous les indicateurs sont dans le rouge! Les études, les avis d’experts et consultants ainsi que le départ de Seafood démontrent l’intérêt de financer une rénovation, en priorité, des Palais !”
Une mise au frigo jusqu’au 15 septembre 2020
C’est donc en juillet 2020 que JWC GmbH devra rendre ce master plan au conseil d’administration de Brussels Expo. La Ville de Bruxelles pourra alors objectiver sa décision. En attendant, il est apparu plus sage au gouvernement bruxellois qui est également représenté au sein de la SCRL Neo, de mettre au frigo le projet Neo2 jusqu’au 15 septembre prochain.
Évidemment, une telle décision a des conséquences. Le projet Neo2 avait déjà été attribué à un consortium privé composé de CFE et Cofinimmo pour un montant de 300 millions d’euros. L’architecte Jean Nouvel avait même vu son projet accepté. Le consortium avait la promesse que Neo2 se ferait dès que Neo1 pourrait le financer.
En septembre, il faudra donc que la SCRL Neo, et donc la Région et la Ville, décide de la piste à suivre. Si la SCRL choisit de ne pas construire de centre de convention, l’opposition pourrait alors remettre totalement en question le projet de Neo, en ce compris le centre commercial. Rappelons tout de même que ce programme date d’une dizaine d’années et que l’environnement et les visions de la ville ont évolué.
Abandonner Neo2 pourrait coûter beaucoup d’argent et ouvrir la boîte de Pandore du plateau du Heysel.
Vanessa Lhuillier – Photo : La maquette de NEO2 réalisée par l’architecte Jean Nouvel / © SCRL Neo