Rue de la Loi : les informateurs élaguent et tentent une gentille pression (J+11)

Didier Reynders prend la parole en premier. Il commence par confirmer ce que tout le monde sait déjà (le communiqué du Palais Royal est tombé quelques minutes plus tôt)  : les deux informateurs ont vu leur mandat prolongé, et leur prochain rendez-vous avec le roi est fixé au 17 juin.  Pour cette conférence de presse, les deux informateurs se sont installés dans la partie moderne du palais d’Egmont. La salle est immense et accueille habituellement forums, séminaires, ou conférences diplomatiques organisées par le département des affaires étrangères. Deux travées se font face. D’un coté Didier Reynders et Johan Vande Lanotte, de l’autre une trentaine de journalistes, photographes et cameramen.

Puisque l’information est déjà connue la presse surveille le style, la tonalité, tente de jauger l’état d’esprit et les chances de réussite des deux négociateurs. En face, les vieux briscards affichent une attitude flegmatique, surtout  pas de triomphalisme, l’austère sérieux des bons pères de famille. “Vos chances de réussite entre 1 et 10 ? “ demande un jeune confrère. “Entre 1 et 10” répond le ministre des Affaires étrangères. Lui se charge des parties en français, son collègue d’Ostende répète à peu près la même chose en néerlandais. Sur l’échelle de l’optimisme le socialiste flamand sera quand même un poil plus chaleureux sur le libéral francophone “s’il n’y avait aucune chance de réussite nous serions déjà partis pour une destination exotique”. 

De cette conférence de presse, on retiendra quand même que les deux informateurs n’ont pas reçu les présidents du PTB et du Vlaams Belangparce qu’il n’y a pas de majorité possible à construire autour d’eux” et qu’ils ne rencontreront plus le CDH, prenant acte de la décision de ce parti de rester dans l’opposition. On élague, donc.  Et on continue avec 8 des 11 formations politiques représentées au parlement fédéral  : NVA, PS, SPA, Open VLD, MR, Ecolo, Groen et CD&V.

On met gentiment un premier petit coup de pression. En rappelant que la situation de 2019 ne ressemble pas à celle de 2010 ou de 2014 : “l’actuel gouvernement minoritaire n’a pas le même pouvoir, il y a une forte conscience de cela chez les partenaires politiques, économiques, sociaux”. En d’autres termes, le gouvernement de Charles Michel, devenu ultra minoritaire (38 sièges sur 150 dans la prochaine chambre des représentants), n’aura pas de capacité de réaction en cas de crise majeure. Les conséquences du Brexit,  un attentat, ou un dégradation de la notation de la Belgique par les grandes agences de crédit plane sur la salle.

Didier Reynders égrène la liste des services déjà rencontrés dans le cadre de sa mission (la Banque Nationale, les partenaires sociaux, la police fédérale, le SPF Justice). Dans les prochains jours, ce seront le bureau du plan, le réseau wallon de lutte contre la pauvreté qui seront au menu des négociateurs. Sur le contenu, pas d’indiscrétion. Avez-vous parlé de communautaire ou de réformes institutionnelles ?  “Nous ne parlerons pas du contenu, ce n’est pas la chose à faire, la situation est compliquée”. 

Les deux informateurs seront à peine plus précis sur le timing “on a un peu de temps, on peut donc regarder ce qui se fait entre les différents niveaux de pouvoir” est-il glissé lors de la séance des questions-réponses. Alors que, quelques minutes plus tôt, ils avaient indiqué que “dans l’intérêt de nos concitoyens, il est important que l’on puisse discuter en vue de former un gouvernement dans un délai rapproché”. Entre “un peu de temps” et “un délai rapproché”, il y a une nuance, que les commentateurs et analystes vont maintenant pouvoir commenter.