Procès des attentats de Bruxelles : les images des dégâts et des victimes à Brussels Airport dévoilées aux jurés
Ce jeudi, l’audition des enquêteurs et services de sécurité se poursuit pour dérouler le fil des attentats du 22 mars 2016 et l’enquête qui a suivi.
Le procès des attentats du 22 mars 2016 a repris ce jeudi avec l’audition des enquêteurs et services de sécurité. L’audience a débuté en l’absence de Salah Abdeslam, toujours excusé par un certificat médical depuis lundi. Parmi les accusés détenus, Mohamed Abrini et Osama Krayem ont décidé de ne pas assister aux débats. Ceux-ci protestent depuis la semaine dernière contre leurs conditions de détention et de transfert. L’action en référé déposée par leurs avocats concernant ces conditions sera débattue ce vendredi, toujours au bâtiment Justitia.
La présidente de la cour d’assises Laurence Massart a également communiqué sur le fait que la dernière jurée suppléante a reconnu le visage d’un témoin, prévu ce jeudi. Elle ne connait toutefois que son prénom car elle lui a servi des repas à son lieu de travail. Mais affirme ne pas connaître d’autres informations à son sujet. Aucune partie ne s’est opposée à ce que la dernière jurée suppléante reste en place.
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9h30 – “Des images très dures”
L’audience s’est poursuivie avec les auditions des enquêteurs arrivés pour constater les faits, juste après les attentats de Zaventem, le 22 mars 2016. Ils ont présenté les constatations réalisées à leur arrivée dans le hall des départs de Brussels Airport. Tout en prévenant aux jurés, parties civiles et accusés que les images de cette scène de crime peuvent être très dures.
Outre des explications techniques sur les périmètres à mettre en place et sur les équipes présentes, le premier enquêteur a confirmé le caractère atypique de cette scène de crime, vu les nombreuses traces à baliser et à vérifier, que ce soit des traces de sang, d’objets, d’explosifs… Il confirme également que vu la panique après les attaques et les interventions de la police, des militaires et des pompiers, de nombreuses traces et de nombreux objets retrouvés ont pu être déplacés par rapport à la scène de crime initiale. “Certaines victimes décédées à l’intérieur du bâtiment ont ainsi pu être déplacées et retrouvées sur des civières à l’extérieur du hall des départs”, explique-t-il.
9h47 – “Une scène de guerre”
Le deuxième enquêteur est revenu sur l’organisation judiciaire d’une scène de crime, et sur les différentes zones mises en place pour éviter toute entrée intempestive et toute altération de la scène. La zone d’exclusion judiciaire, soit le périmètre dans lequel la scène de crime est scellée et l’enquête peut démarrer, est ainsi limitée au bâtiment du hall des départs de Brussels Airport. L’enquête a ainsi eu lieu 24 heures sur 24 jusqu’au 24 mars, avant de prendre de manière fragmentée jusqu’au 31 mars 2023, pendant que l’aéroport était encore fermé.
L’enquêteur est revenu sur la répartition du travail des équipes en charge de l’analyse de cette scène de crime. Il confirme que les équipes sont parties dès 8h20 après avoir entendu à la radio ces explosions. Il décrit également, à l’arrivée sur place, “une scène de guerre”. Il parle également de collègues “sous le choc” : “Cette situation était différente” d’autres scènes de crime, décrit-il.
10h05 – Répartition des tâches
L’enquêteur rappelle la répartition des tâches à mener en peu de temps comme la collection des traces et pièces à conviction, l’identification des personnes décédées et le scan en 3D de l’ensemble de la scène. Il confirme que ce travail a été perturbé par de multiples fausses alertes, mais qu’il n’a été informé que vers 12h10 de la présence d’un troisième explosif dans l’aéroport. Les équipes n’ont pu reprendre leur travail que vers 14h25.
Vu le nombre important de pièces à conviction à numéroter et à collecter, les enquêteurs ont délimité six zones, elles-mêmes divisées en secteurs plus petits. Les enquêteurs ont même dû utiliser des post-it au lieu des habituelles plaques jaunes, face au nombre trop important de pièces à identifier.
10h25 – Les photos témoignent de la violence des explosions
Le premier enquêteur revient à la barre pour raconter les premières constatations sur la scène de Brussels Airport. Il montre des photos des dégâts matériels depuis l’extérieur et depuis l’intérieur. Mais aussi des photos de sang sur les sols et les trottoirs devant le hall des départs. Des photos des corps au milieu des débris, des images très dures pour les personnes présentes en salle d’audience.
L’enquêteur rappelle que les contacts sur place étaient très compliqués, vu le nombre de services de secours et de sécurité sur place et car le service de communication Astrid était en panne durant près de deux heures. Il rapporte une situation tout aussi chaotique au poste médical avancé, avec notamment une personne décédée des suites de ses blessures, avec une jambe arrachée et de graves blessures à l’autre jambe et au visage. Il s’agissait de l’Américaine Gail Martinez-Minglana.
10h37 – Trois victimes à l’extérieur
L’enquêteur poursuit le parcours des photos de la zone A, celle concernant la route devant le hall des départs. Il montre les corps des victimes retrouvées à l’extérieur, l’une devant le “diamant”, les deux autres devant la zone du terminal low cost : le Français André Adam, la Belge Adelma Tapia Ruiz (qui se trouvait dans l’espace de jeu pour enfants, en face de la rangée 11, avec ses deux enfants, blessés), et l’Américaine Stéphanie Shults-Moor. Ces deux dernières victimes étaient certainement dans le terminal low cost, lieu de la première explosion.
Il dévoile également que dans l’urgence, des personnes blessées étaient soignées à proximité même des personnes décédées.
10h50 – Neuf morts près de la première explosion
Place désormais aux constatations dans le terminal low cost, dite “zone 11” par les enquêteurs car la première explosion a eu lieu près de la rangée de check-in numéro 11.
L’enquêteur rapporte notamment l’effondrement du mur dans le fond du bâtiment, ce qui a rendu le travail d’analyse plus difficile. “Nous ne savions pas qu’il y avait encore des valises en-dessous, et nous ne savions pas si ces valises pouvaient être des explosifs”, explique-t-il. L’explosion a été si forte que des impacts de boulons, vis étaient largement visibles sur les murs, alors que des vêtements et valises ont même été retrouvés au niveau du faux plafond.
Dans cette zone, on retrouvera sept victimes près de l’espace de jeu en face de la rangée 11. Soit des personnes à proximité immédiate de l’explosion, les corps grièvement brûlés, sous les débris. Il s’agissait de l’Américain Bruce Baldwin, l’Allemande Jennifer Scintu-Waetzmann, l’Américain Justin Shults, le Belge Bart Migom, le Néerlandais Alexander Pinczowski, la Néerlandaise Sascha Pinczowski et le Belge Rosario Valcke. Les documents d’identité de la Néerlandaise Elita Weah, décédée des suites de ses blessures à l’hôpital, ont également été retrouvés.
Le buste du premier kamikaze, Ibrahim El Bakraoui, sera retrouvé sous le mur qui s’est effondré dans le fond du bâtiment. D’autres parties de son corps ont été découverts après de plus amples recherches.
Les photos sont terribles, et montrent la force dévastatrice de l’explosion. Dans la salle d’audience, le silence est lourd. Les jurés et les quatre accusés encore présents continuent de scruter les écrans, mais les regards confirment la difficulté de suivre ces images.
11h04 – Des personnes cachées
Toutes les victimes blessées avaient, elles, été évacuées avant l’arrivée du laboratoire. Mais les services expliquent avoir même rencontré dix à vingt personnes qui s’étaient cachées dans un autre étage ou dans les bandes de transport des bagages, apeurés par la situation. “Certains ont essayé d’aller sur le tarmac ou tentaient de se cacher, même blessés”, dit l’enquêteur.
12h05 – La deuxième explosion
Après une suspension de séance principalement destinée à reprendre ses esprits, l’audience a repris vers 12h00 avec le retour dans le box des accusés de Mohamed Abrini. Ce dernier a expliqué, via son avocate, se “sentir mieux”. Ibrahim Farisi a pour sa part exprimé son désir de ne pas être exposé à ces images, rappelant qu’il n’était pas accusé d’assassinats et de tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste. Lui et son frère Smail Farisi n’ont pas assisté aux images des victimes ce jeudi matin.
L’audience a repris avec le récit des enquêteurs sur les premières constatations dans la zone où a eu lieu la deuxième explosion, près de la rangée de check-in 4, entre les escalators et ascenseurs et l’une des entrées du hall des départs. Les photos sont toujours crues, confirmant une violence terrible. On découvre les corps de quatre autres victimes : le Chinois Deng Jingquan, la Suédoise Berit Viktorsson, la Britannique Fabienne Vansteenkiste et le Belge Nic Coopman.
Le corps du deuxième kamikaze Najim Laachraoui a été retrouvé en divers morceaux dans le hall des départs : une hanche a même été retrouvée dans un panneau publicitaire à plusieurs mètres de hauteur.
Pour finir, les inspecteurs ont présenté des éléments balistiques mentionnant notamment les armes retrouvées sur place et les dégâts engendrés par les vis et boulons projetés par les détonations. Une image d’un boulon incrusté dans la statue en bronze qui ornait le hall de l’aéroport est venue illustrer la puissance de la deuxième bombe.
14h58 – L’identification des victimes
Après les enquêteurs du laboratoire de police qui ont réalisé les premières constatations des explosions à Brussels Airport, ce sont les services d’identification des victimes de la police fédéral qui ont pris la parole ce jeudi après-midi.
Un ancien commissaire et la première inspectrice du Disaster Victim identification (DVI) ont confirmé le chaos qui a régné dès les premières minutes de leur arrivée à l’aéroport de Zaventem, au matin du 22 mars 2016, alors que des blessés étaient encore évacués du hall des départs de l’aéroport. “C’est une situation unique, c’est chaotique. Tout le monde connait Zaventem et son agitation mais, là, la vie s’est arrêtée”, témoigne la première inspectrice du DVI.
“On voit encore les GSM abandonnés sur des points de recharge. Pendant trois jours, certains sonnent. On entend aussi les alarmes des bandes pour valises qui bloquent. Et puis il y un nuage de poussière qui s’est posé sur tout: dans les oeufs au plat, sur les cafés, les PC…”, a-t-elle décrit.
Lors de l’opération de récupération des corps à l’aéroport, qui a duré trois jours, le DVI a récupéré 14 dépouilles et plus de 600 fragments humains. “En 17 ans de carrière, je n’ai jamais vu ça”, a dit l’inspectrice. Les corps de deux autres victimes, décédées à l’hôpital, ont été récupérés par après.
Le DVI a ensuite procédé à l’identification post-mortem des corps, conduits à la morgue de l’hôpital universitaire de Louvain. Cette identification se base principalement sur l’ADN, les dents ou les empreintes digitales. Les descriptions physiques, les tatouages, les bijoux, etc., ont également aidé à l’identification formelle des dépouilles. Une identification ante-mortem, auprès des proches des victimes, a été menée en parallèle. Le commissaire du DVI de l’époque a également détaillé les éléments qui ont permis d’identifier chacune des 16 victimes.
15h30 – Portrait des victimes
Les trois juges d’instructions chargés du dossier à l’époque ont pris le relais pour cette fin d’audience. Ces derniers présentent désormais l’enquête de moralité à Brussels Airport, qui démarre ainsi par le portrait de chacune des victimes.
15h45 – Ibrahim Farisi évacué
Ibrahim Farisi, l’un des deux accusés comparaissant libres, a été évacué de la salle d’audience de la cour d’assises par la police, sur ordre de la présidente Laurence Massart.
À la reprise de l’audience de l’après-midi, l’accusé semblait en effet de plus en plus agité. Après s’être levé une première fois durant le témoignage des enquêteurs du DVI, le service d’identification des victimes de la police fédérale, pour quitter la salle, il y est ensuite revenu. Pour très rapidement mieux en repartir, en chiffonnant au passage la feuille de papier qui se trouvait devant lui. Il a alors interpellé la présidente à travers la salle pour lui dire qu’il quittait la salle. Laurence Massart lui a répondu qu’il s’agissait de son procès et qu’il était libre de partir s’il le souhaitait, puisqu’il peut être représenté par un avocat. “Ce n’est pas le marché ici ! Vous n’avez pas la parole !”, lui a-t-elle lancé.
Loin de se calmer, Ibrahim Farisi a voulu continuer à interpeller la présidente utilisant un des micros placés devant les parties civiles, celle-ci a demandé aux policiers d’escorter l’accusé hors de la salle , car il “perturbait” les débats. L’homme a donc été emmené par plusieurs agents. Son frère Smail Farisi, qui a sous-loué son appartement à Etterbeek aux terroristes et demandé à Ibrahim de l’aider à nettoyer les lieux au lendemain des faits, a essayé d’aller parler à son frère alors qu’il interpellait la présidente. La police l’en a cependant empêché. Il semblait par la suite très marqué par ce départ.
16h15 – L’audience terminée, retour en janvier
Le compte-rendu de l’enquête sur les attentats du 22 mars 2016 se poursuivra à partir du mardi 3 janvier. L’audience est en effet suspendue jusque-là, pour permettre aux jurés, à la cour et aux parties de se reposer à l’occasion de la pause de Noël.
La cour d’assises s’arrête pour une dizaine de jours, comme cela était prévu, après le début des témoignages, mercredi et jeudi, des juges d’instruction et des enquêteurs, avec notamment la diffusion d’images explicites et très dures des corps des 16 victimes décédées retrouvées à Zaventem dans et en dehors du hall des départs. Les débats reprendront début janvier et aborderont alors les faits survenus dans la station de métro Maelbeek, où 16 autres personnes ont perdu la vie. Des images tout aussi dures que celles projetées jeudi devraient être diffusées devant la cour.
Ce vendredi, le référé introduit par six accusés détenus contre le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) quant à leurs conditions de transfert de la prison de Haren jusqu’au palais de justice installé dans l’ancien siège de l’Otan sera examiné. Les six accusés en question, Mohamed Abrini, Sofien Ayari, Salah Abdeslam, Bilal El Makhouki, Ali El Haddad Asufi et Hervé Bayingana Muhirwa, demandent au juge d’enjoindre l’État à utiliser des méthodes de transfert dignes, respectueuses des droits humains lors de leurs transferts.
En début de semaine, les conseils de Mohamed Abrini et d’Ali El Haddad Asufi avaient d’ores et déjà déclaré que leurs clients ne répondraient pas aux questions tant que le juge des référés n’aura pas rendu sa décision au sujet de leurs conditions de transfert. Raison pour laquelle la présidente a modifié le planning des témoignages devant la cour, faisant d’abord passer les enquêteurs et juges d’instruction, puis les parties civiles et, enfin, les accusés.
Gr.I. avec Belga – Photo de couverture : archive Belga/Dirk Waem
DUPLEX : Camille Tang Quynh et Yannick Vangansbeek