Procès des attentats de Bruxelles : les enquêteurs font le portrait de Sofien Ayari, Salah Abdeslam et Oussama Atar

Leur présentation, commencée le 21 décembre dernier, se termine avec les portraits des trois dernières “entités” que sont les accusés Sofien Ayari, Salah Abdeslam et Oussama Atar.

Oussama Atar, cerveau présumé des attaques, est toutefois présumé mort en Syrie et fait donc défaut devant la cour d’assises. Suivra ensuite le début de la longue séance de questions-réponses des parties aux enquêteurs. Les premiers intervenants à l’aéroport de Zaventem et à la station de métro Maelbeek seront les premiers à se prêter à cet exercice.

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L’exposé des enquêteurs de mercredi commence donc avec la personnalité et le rôle de Sofien Ayari, qui avait été arrêté à Molenbeek-Saint-Jean, en compagnie de Salah Abdeslam, le 18 mars 2016, soit quatre jours avant les attaques.

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9h37 – Salah Abdeslam absent

L’accusé Salah Abdeslam a décidé de ne pas assister à l’exposé des enquêteurs le concernant. Il a en effet décidé de retourner en cellulaire et de quitter la salle d’audience, comme il en a pris l’habitude depuis plusieurs semaines. Ses co-accusés Mohamed Abrini et Osama Krayem en ont fait de même.

Depuis plusieurs semaines, Salah Abdeslam retourne systématiquement en cellulaire au début de l’audience, cela afin de protester contre les conditions de transfert des accusés détenus depuis la prison de Haren au Justitia, où a lieu le procès. Ces derniers dénoncent les fouilles à nu avec génuflexion auxquels ils sont soumis chaque jour.

Restent donc dans le box des accusés, ce mercredi, Sofien Ayari, dont le portrait est dressé ce mercredi matin, Ali El Haddad Asufi, Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa.


10h16 – La défense dénonce des questions “légèrement tendancieuses”

La défense a souhaité dénoncer des questions parfois “légèrement tendancieuses” de la cour au procès des attentats du 22 mars 2016. “La cour (c’est-à-dire la présidente et ses deux assesseurs, NDLR) doit aussi se montrer impartiale dans ses questions”, a ainsi souligné Xavier Carrette, l’avocat d’Ibrahim Farisi.

Depuis le début du témoignage des enquêteurs, le 21 décembre, la présidente de la cour se montre très attentive à la manière dont les jurés leur posent des questions. Cela afin d’éviter toute demande de récusation à l’encontre de l’un d’entre eux. “Je rappelle qu’au-delà du jury, il y a également la cour. Elle ne vote pas au délibéré (sur la culpabilité des accusés) mais elle y participe. La cour doit donc aussi se montrer impartiale dans ses questions”, a insisté Xavier Carrette, qui avait déjà souhaité prendre la parole mardi, sans succès. L’avocat a précisé ne pas s’adresser à la présidente elle-même, mais a déclaré que certains juges étaient quelque peu “fougueux” dans leurs demandes. “Certaines questions sont légèrement tendancieuses”, a-t-il déploré.

Me Carrette a également demandé pourquoi les enquêteurs n’ont pas clarifié certains éléments plus rapidement au cours de l’audience. Il faisait référence à une question d’un juré suppléant mardi. Celui-ci voulait savoir pourquoi les enquêteurs n’avaient pas interrogé Smail Farisi sur le port, durant quelques minutes, d’un gant par son frère Ibrahim le jour où ce dernier a vidé l’appartement “conspiratif” de l’avenue des Casernes à Etterbeek. “Smail Farisi n’était pas là, donc il ne pouvait tout simplement pas savoir”, a pointé l’avocat. “Certaines choses peuvent être précisées sans que nous voulions nécessairement intervenir”, a-t-il conclu.

À leur grand regret, les avocats des neuf accusés présents devant la cour “rongent leur frein” depuis le 21 décembre et le début de l’exposé des enquêteurs et des juges d’instruction. Celui-ci doit se terminer ce mercredi après-midi. La défense pourra alors enfin poser des questions aux nombreux témoins qui se sont succédé depuis lors. “C’est vrai que ce témoignage est long”, a reconnu la présidente. “On peut comprendre que, pour toutes les parties, ce soit compliqué”, a-t-elle ajouté. Elle n’a cependant pas réagi à la remarque sur le côté tendancieux de certaines questions de la cour. Elle a assuré les parties qu’elles auraient le loisir de poser toutes les questions qu’elles le souhaitent dès la fin de l’exposé des enquêteurs et juges d’instruction.


12h30 – Sofien Ayari a déclaré ne pas se sentir impliqué dans les attentats à Paris et à Bruxelles

Ce n’est qu’en mai 2018 et sur réquisition du parquet fédéral que l’enquête se penchera sur le cas du Tunisien Sofien Ayari. “Sofien Ayari et Salah Abdeslam étant détenus au moment des attaques, leur implication immédiate éventuelle n’était donc pas évidente”, a justifié la juge d’instruction Berta Bernardo Mendez.

Sofien Ayari a en effet été arrêté, aux côtés de Salah Abdeslam, le 18 mars 2016 à Molenbeek-Saint-Jean. Trois jours plus tôt, les deux accusés avaient fui de l’appartement de la rue du Dries à la suite d’une perquisition qui débouchera sur une fusillade entrainant la mort de Mohamed Belkaid. Le Tunisien sera condamné pour ces faits à 20 ans de réclusion par le tribunal correctionnel de Bruxelles en avril 2018, puis à 30 ans de prison par une cour d’assises française dans le cadre des attentats de Paris.

Né à Tunis en 1993, celui qui porte la kounia (nom de guerre, NDLR) d’Abou Hamza et, selon Osama Krayem, d’Abou Ahmed, part pour la Turquie fin 2014 en faisant croire à sa famille qu’il compte y monter un commerce. Sa véritable intention est en fait de passer en Syrie où il veut combattre le régime. Il y restera peu de temps avant d’entreprendre un voyage vers l’Europe via une route migratoire très empruntée.

Sofien Ayari - Procès Attentats 22 mars 2016 - Belga Jonathan De Cesare
Sofien Ayari lors du procès des attentats du 22 mars 2016 – Photo : Belga/Jonathan De Cesare

Les enquêteurs notent que, depuis leur rencontre en Syrie ou sur la route du retour (selon les déclarations fluctuantes d’Osama Krayem), le parcours en Europe de Sofien Ayari est intrinsèquement lié à celui du Suédois : les deux font la route de retour ensemble, sont récupérés en Allemagne par Salah Abdeslam et fréquentent les mêmes planques en Belgique. “Je suis resté avec lui, sauf à Jette, jusqu’à Forest”, a d’ailleurs également déclaré Osama Krayem.

Si Sofien Ayari n’a vraisemblablement pas participé à la fabrication des bombes utilisées pour les attentats à Bruxelles, comme le confirme l’absence de traces ADN déterminantes de l’accusé dans l’appartement “conspiratif” de la rue Max Roos à Schaerbeek, son arrestation en compagnie de Salah Abdeslam a néanmoins fortement perturbé le fonctionnement de la cellule bruxelloise. Il est d’ailleurs probable que cet événement ait poussé les kamikazes à finalement attaquer la capitale belge.

Des enregistrements retrouvés dans le PC Max Roos montrent en effet que la cellule doit travailler dans l’urgence de peur de “pourrir en prison”. Osama Krayem a également confirmé qu’à la base “la Belgique n’était pas visée”.

Les enquêteurs ont terminé leur présentation par une courte enquête de moralité reprenant une audition des parents de Sofien Ayari qui affirment avoir vu un changement dans son comportement en 2013. À cette époque, il commence à prier assidument, arrête de fréquenter les cafés, porte des vêtements traditionnels et se laisse pousser la barbe, ce qui est “suspect en Tunisie”, selon Berta Bernardo Mendez. Interrogé sur son rapport à la religion, l’accusé a cependant affirmé ne pas être radical, mais ne pas aimer les injustices.


13h20 – Une jurée se sent mal

Alors que les enquêteurs débutaient la présentation suivante, dédiée à Salah Abdeslam, la présidente de la cour a suspendu l’audience pour permettre a une jurée, qui se sentait vraisemblablement mal, de sortir de la salle. Afin de permettre à cette dernière de prendre le temps de se remettre, Laurence Massart a choisi d’en profiter pour observer la pause de midi.

L’après-midi devrait donc être consacrée à la fin de l’exposé sur Salah Abdeslam, suivi des questions aux pompiers. La présidente de la cour a en effet demandé aux parties d’interroger les intéressés avant l’ultime présentation, sur l’accusé Oussama Atar, afin qu’ils puissent retourner chez eux ensuite. “Ils sont dans un état émotionnel très difficile“, a justifié Laurence Massart.


14h30 – Une panne d’électricité

Situation surprenante ce mercredi après-midi au Justitia, où a lieu le procès en assises des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles. Alors que l’audience aurait dû y reprendre à 13h15, après la pause déjeuner, elle n’a repris qu’à 14h30 et dans la pénombre dans un premier temps, le courant revenant finalement quelques minutes plus tard.

Plus de détails sur cette situation étonnante


15h43 – Quelques questions rapides

Les tout premiers intervenants sur les lieux des attentats du 22 mars 2016 à l’aéroport de Zaventem et dans la station de métro Maelbeek sont revenus ce mercredi afin que les parties (parties civiles, défense et ministère public) puissent leur poser d’éventuelles questions concernant leur témoignage, qui a eu lieu au début de la présentation de l’enquête, en décembre et début janvier.

Visiblement fort affectés, quatre policiers et pompiers, dont l’un avait demandé à être accompagné du chien d’assistance aux victimes, se sont présentés devant la cour. Le cinquième témoin prévu a déposé un certificat médical et n’était donc pas présent. La présidente de la cour, Laurence Massart, a indiqué qu’elle réfléchirait à un moyen de le faire éventuellement venir une fois qu’il serait rétabli.

Le parquet, premier à être invité à questionner les quatre hommes, leur a simplement demandé si ceux-ci acceptaient d’être remerciés. Me Aline Fery a ensuite pris la parole au nom des parties civiles pour s’assurer que les premiers intervenants avaient bien agi dans un périmètre qui n’était pas encore sécurisé. Ce à quoi les intéressés ont répondu par l’affirmative. La défense n’avait aucune question pour ces témoins.

Au terme de cette séance de questions d’à peine quelques minutes, la présidente de la cour a définitivement clôturé le témoignage de ces premiers arrivants, en les remerciant profondément pour leur présence. “Merci d’être venus et d’être revenus, je sais à quel point cela vous a été pénible”, a-t-elle conclu.


17h41 – Salah Abdeslam manipulé, selon des proches

Salah Abdeslam, directement impliqué dans les attentats de Paris du 13 novembre 2015, a été manipulé par son voisin molenbeekois Abdelhamid Abaaoud, ont estimé le père et la fiancée de l’accusé lors de l’enquête de moralité le concernant. C’est ce qu’ont expliqué les juges d’instruction et enquêteurs dans leur présentation du terroriste français devant la cour d’assises.

Celui qui fut connu comme l’ennemi public n°1 au lendemain des attaques à Paris, où il était censé se faire exploser au Stade de France, était une personne aimant faire la fête, sortir avec ses amis, fréquenter des boîtes et aller danser, selon la description de ses proches. Aucun ne le reconnait dans ce qui s’est passé à Paris et dans la foulée.

Aux yeux du père et de la fiancée de l’époque de Salah Abdeslam, ce dernier et son frère Brahim, l’un des terroristes du commando des terrasses le 13 novembre 2015 (où il se fera exploser), ont été manipulés par Abdelhamid Abaaoud. Le coordinateur des attentats parisiens était un voisin des Abdeslam à Molenbeek.

Belga/Janne Van Woensel Kooy
Salah Abdeslam lors du procès – Photo : Belga/Janne Van Woensel Kooy

L’accusé, que sa famille n’avait auparavant jamais connu comme quelqu’un de pratiquant, a changé dans l’année précédant le 13 novembre 2015. Il s’est mis à prier, ce qui était une bonne chose pour son père, car cela l’écartait des voyous, dira-t-il.

Selon le rapport d’une enquête psychiatrique à laquelle Salah Abdeslam s’est plié en France en décembre 2021, il considère l’année 2010 comme un moment de bascule. Avec Abdelhamid Abaaoud, ils tentent de cambrioler une concession automobile et sont condamnés. C’est alors la première fois que le Français est incarcéré et qu’il a affaire à la justice. Il perd son emploi à la Stib, dans la maintenance, à sa sortie de prison.

Il confie avoir préféré abandonner le mode de vie facile à l’occidentale et de “peut-être rencontrer la mort”. “Moi, j’ai envie de vivre dans un État islamique où on applique la charia”, dira-t-il en conclusion de cette enquête psychiatrique.

■ Reportage de Thomas Dufrane, Charles Carpreau et Pierre Delmée.

Avec Belga – Photo de couverture : Belga/Jonathan De Cesare