Phase 1B dans les hôpitaux bruxellois : quel impact concret ?
Les hôpitaux bruxellois passent en phase 1B, pour faire face à la recrudescence des contaminations au coronavirus. Suite à cette annonce, mercredi, les hôpitaux ont 48 heures pour passer à cette phase. Concrètement, quel impact ce passage a sur les hôpitaux bruxellois ?
“Le passage de la phase 1A à la phase 1B nous impose de doubler notre capacité de lits en soins intensifs, de 10 lits à 20, et on multiplie par quatre au niveau des étages, pour les soins COVID non-intensifs“, explique Jean-Michel Hougardy, directeur médical de l’Hôpital Erasme, “très concrètement, nous avons pu récupérer des lits et organiser nos unités COVID aux étages, mais aux soins intensifs, c’est plus compliqué aujourd’hui, car effectivement les lits sont occupés par des patients, il faut donc évaluer la possibilité soit de trouver des lits supplémentaires, via des transferts mais qui sont très compliqués particulièrement pour des patients COVID. C’est donc un défi quotidien“.
Un impact sur les interventions
Le passage à la phase 1B signifie également une série d’annulation ou de report d’interventions et de traitement considérés comme moins urgents. “Nous n’avons pas encore annulé d’interventions, mais on y réfléchit. On visera d’abord le moins urgent, la chirurgie esthétique, la chirurgie de l’obésité, l’orthopédie non-urgente, tout en continuant bien sûr à s’occuper des cancers, etc“, explique Philippe El Haddad.
“C’est du travail sur mesure, il n’y a pas du tout ou rien. Chaque histoire doit être regardée de près, par le médecin prescripteur, qui doit voir, dans le contexte actuel, si on peut encore un peu attendre“, ajoute Jean-Michel Hougardy, “sachant que nous sommes toujours en train de récupérer notre rattrapage lié à la première vague, et que des interventions qui étaient à ce moment-là moins urgentes le deviennent tout doucement. La possibilité de reporter sans cesse les interventions n’est pas infinie. À un certain moment, si on n’est plus capable de reporter, on pourrait être face à un vrai défi de santé publique“.
À l’Hôpital Erasme, “on a une analyse quotidienne sur l’ensemble des cas qui ont été programmés. En fonction de cette programmation, et du nombre de places, qui est déterminé par notre capacité à libérer des lits, on revoit si oui ou non, on peut faire cette intervention, cet examen ou ce diagnostic“, explique Jean-Michel Hougardy, “Clairement, c’est une gestion proactive. On essaie clairement de ne pas reporter, c’est notre règle première, mais dans certains cas on sera amené à devoir reporter des interventions si ce plan capacitaire se maintient ou devait encore augmenter, pour passer par exemple en phase 2“.
Le passage en phase 1B a également un impact sur le personnel, nous confirme le directeur médical de l’Hôpital Erasme, “un personnel qui est déjà dans un état fatigué, et émotionnellement lourd. De voir arriver une deuxième vague, cela va nécessairement avoir un impact sur nos soignants“.
Les hôpitaux seront-ils prêts à temps pour le passage en phase 1B ?
D’ici quelques dizaines d’heures, les hôpitaux bruxellois doivent être prêts au passage en phase 1B. Un défi important, “vous imaginez que, maintenant, on est en plein régime d’activité : après les trois mois de confinement, puis les trois mois de retard des pathologies, on est à une activité, par rapport à l’année dernière, qui est d’environ 110% de l’activité normale. Tous nos lits sont quasiment remplis. Aux soins intensifs, nous avons 18 lits. Pour en consacre 9 au COVID, je fais quoi avec les autres malades ? Où est-ce que je dois les mettre ? Je ne peux pas les mettre à l’étage, puisqu’ils sont en soins intensifs. Je dois les transférer dans un autre hôpital ? “, s’interroge Philippe El Haddad, du CHIREC.
“Théoriquement, nous, à Erasme, on était sur le haut du plafond en phase 1A, donc on a anticipé ce passage en phase 1B. On sera prêt, oui. Mais l’impact sur nos activités aura lieu dans les jours suivants“, ajoute également Jean-Michel Hougardy.
Des directeurs d’hôpitaux dénoncent un manque d’homogénéité entre les différents hôpitaux du pays
“Le passage en phase 1B n’est pas justifié. Pourquoi ? Car dans le pays, actuellement on est à environ 250 lits de soins intensifs qui sont remplis, alors qu’on a une capacité d’environ 2.000 lits. On a reçu plein de circulaires qui disent que normalement, cette fois-ci, l’activité va être lissée sur tous les hôpitaux, que tout le monde aura sa part de malades COVID pour que l’activité programmée ne soit pas atteinte, ou qu’elle le soit de la même façon sur toutes les institutions. Pour le moment, ce n’est pas le cas : Bruxelles est en phase 1B, alors qu’en dehors de Bruxelles, on n’est pas au même stade”, explique Philippe El Haddad, directeur général médical du CHIREC.
“Et que va-t-il se passer ? En passant en phase 1B à Bruxelles, on libère nos lits, alors que les hôpitaux en phase 1A, qui veulent éviter de passer en phase 1B, peuvent demander un transfert de la province vers Bruxelles puisqu’il y aura des lits qui seront libérés exprès“, explique le directeur du CHIREC, qui a déjà été confronté à ce cas de figure, avec un hôpital limbourgeois souhaitant transférer l’un de ses patients vers Bruxelles “alors qu’au Limbourg, il y a 40 malades hospitalisés dans toute la province, et 12 malades aux soins intensifs… Ce n’est pas normal !“.
Un avis partagé par Jean-Michel Hougardy, de l’Hôpital Erasme. “On appelle à ce que l’application des plans soit homogène, notamment pour pouvoir distribuer au mieux l’impact de la vague sur l’ensemble des établissements hospitaliers, de façon à ce que certains hôpitaux ne se retrouvent pas complètement submergés et que d’autres puissent continuer de manière un peu plus normale“.
■ Les explications d’Arnaud Bruckner, dans Toujours + d’Actu