L’édito de Fabrice Grosfilley : une sortie de crise à l’avantage des néerlandophones
Assistons-nous à un petit miracle ou faut-il se préparer à une nouvelle douche froide ? À ce stade, la messe n’est pas dite. Nous sommes sur le fil, conscients que l’on peut basculer d’un côté comme de l’autre. Et il faut bien reconnaître que la proposition de sortie de crise est alambiquée, et très favorable à la minorité néerlandophone.
“Travaillons sur le fond ! Pour les alliances, on verra plus tard.” C’était le mantra répété pendant deux semaines par le facilitateur. Nous l’avions déjà écrit dans ces colonnes : on ne peut pas réellement négocier un programme si l’on ne sait pas qui va le soutenir. Cette équation a donc fini par rattraper Yvan Verougstraete, qui propose désormais de constituer une majorité à sept partis, sans la N-VA, mais au prix d’un nouvel équilibre entre francophones et néerlandophones.
Pour rappel, Yvan Verougstraete propose donc depuis hier de gouverner la Région Bruxelloise avec quatre partis néerlandophones : Groen, Vooruit, l’Open VLD et le CD&V. Pour que tout le monde puisse siéger au gouvernement, un poste de secrétaire d’État passerait du MR au CD&V – c’est cadeau. Et pour rétablir l’équilibre côté francophone, il est demandé au PS de renoncer également à son secrétaire d’État et de le céder à une personnalité issue de la société civile, avec un profil économique.
Sur les huit ministres et secrétaires d’État, on aurait donc :
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3 représentants des partis francophones (on pourrait même descendre à deux puisque le ministre-président est réputé être “asexué linguistiquement”
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4 représentants des partis néerlandophones,
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et 1 représentant du monde économique.
Mais toujours sans la N-VA. Une N-VA qui, malgré tout, pourrait assister aux réunions de la Cocom (la Commission communautaire commune), via un représentant du gouvernement flamand qui y serait invité avec voix consultative.
À ce stade, ni l’Open VLD ni le Parti socialiste n’ont donné leur accord. Ils prennent le temps d’analyser la situation. Pour l’Open VLD, il faut accepter qu’une majorité sans la N-VA se profile. Frédéric De Gucht, est-il prêt à l’endosser ? L’homme avait dit “jamais”, mais s’il persiste, il risque d’apparaître comme définitivement rigide et intransigeant.
Côté PS, deux problèmes se superposent :
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La rupture de l’équilibre institutionnel entre francophones et néerlandophones.
Dans une ville où plus de 8 habitants sur 10 se déclarent francophones, voir autant ou plus de ministres néerlandophones que francophones est un glissement difficile à avaliser. -
Une question de rapport de force politique.
Le secrétaire d’État issu du monde économique sera-t-il choisi par le PS et compatible avec sa vision ? Ou demande-t-on au PS de laisser la place à une personnalité clairement cataloguée à droite ? Rien n’est clair, et la réponse à cette question peut influencer profondément la dynamique de cette potentielle majorité. Autre flou : sur quelle base redémarrer les discussions ? Part-on de la note-cadre déposée il y a dix jours par Yvan Verougstraete ? Ce document a-t-il évolué la semaine dernière ? David Leisterh, désormais formateur, approuve-t-il les pistes de compromis imaginées par le facilitateur, ou veut-il droitiser la copie ?
En Belgique, comme vous le savez, il n’y a d’accord sur rien tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout. Pour l’instant, l’Open VLD et le PS hésitent à dire non – et à porter la responsabilité d’un nouvel échec (prendre “le valet noir”, c’est l’expression favorite des éditorialistes et commentateurs)
L’ingénierie partisane et institutionnelle proposée par Yvan Verougstraete a le mérite d’exister. C’est, à sa manière, créatif. Mais c’est aussi scabreux. Il est fort probable que les deux partis concernés ne s’engageront pas sans garanties fermes sur le contenu du programme. Faire le contraire, ce serait acheter un chat dans un sac, et s’exposer à avaler les couleuvres, les unes après les autres.
Fabrice Grosfilley





