L’édito de Fabrice Grosfilley : jobs, jobs, jobs
L’emploi, encore l’emploi, toujours l’emploi. Ou alors jobs, jobs, jobs. Ce sont les termes souvent employés par le monde politique, répétés comme un mantra, l’alpha et l’oméga des programmes de gouvernement… Derrière l’emploi, la prospérité économique, les bénéfices des entreprises, l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, les retombées fiscales pour l’État lui-même… et bien sûr, le salaire de ceux qui occupent ces emplois. À 3 jours de la fête du travail, le thème de l’emploi se décline au travers de l’actualité de cette fin avril : qu’il s’agisse des relations sociales, de grandes réformes à venir, ou de la santé des travailleurs.
Commençons par un conflit social, à la une de nos journaux ce matin encore, celui qui agite la chaîne de supermarchés Delhaize. Les syndicats ont bloqué une partie de la nuit le dépôt de Zellick, principal point d’approvisionnement des magasins du groupe. Nouvelle étape dans ce bras de fer qui n’en finit plus et dans lequel la justice est appelée à jouer régulièrement l’arbitre ou le censeur. C’est d’ailleurs pour se prémunir de condamnations en justice que les grévistes ont finalement accepté de laisser sortir un camion tous les quarts d’heure. C’est un barrage filtrant qui est donc mis en place, pas un barrage total, petite nuance, mais visiblement pour les huissiers de justice la nuance est importante. Il n’empêche que l’action syndicale tombe mal pour Delhaize, à la veille d’un weekend de trois jours. On sait que demain sera une grosse journée pour les clients, ceux de Delhaize risquent de tomber sur des rayons peu achalandés. Dans ce groupe, le fond du conflit porte ainsi le contrat de travail. Le salaire, les horaires, le travail du weekend… Ce n’est pas une opposition philosophie à la franchise que défendent les travailleurs, c’est l’impact que ce passage sous franchise aura sur leur rémunération et leur qualité de vie. À Delhaize, on se bat pour le travail, mais pour un travail de qualité.
Du côté des réformes, on est en pleine préparation d’une éventuelle réforme fiscale. Qui aura un impact sur la rémunération du travail. Augmenter la rémunération des uns, réduire les voitures de société des autres, ne pas détricoter le financement de la sécurité sociale. Le débat n’est pas simple. La FEB (Fédération des Entreprises de Belgique) dit d’ailleurs ce matin dans l’Echo qu’il est mal embarqué parce qu’on est déjà trop près des élections. Les élections, Conner Rousseau le président de Vooruit y pense … à quelques jours du premier mai le jeune président de parti flamand propose d’augmenter le salaire minimum… mais aussi et surtout de retirer les allocations de chômage à celui qui après deux ans refuserait de prendre l’emploi qu’on lui propose. Une suggestion qui fait hurler les socialistes francophones. On va quand même rappeler que le PS et Vooruit partagent le même bâtiment à Bruxelles, boulevard de l’empereur. Dans ce bâtiment, ce n’est pas deux salles, deux ambiances, mais deux étages, deux programmes. Et mon petit doigt me dit qu’on va beaucoup parler de Conner Rousseau lors des discours du premier mai.
Enfin, troisième information qui tombe ce matin, alors que nous célébrons la journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, les chiffres des arrêts maladies. En 2022 les arrêts de courtes et moyenne durées (cela veut dire jusqu’à un mois d’absence) ont atteint un record jamais atteint, d’après l’organisme Securex. Avec un taux de 2,7%, qui veut donc dire que sur 100 travailleurs, il y en a presque 3 qui sont en arrêt maladie. Pour les arrêts maladie de longue durée (plus d’un mois), on atteint le chiffre de 3,1% (en légère diminution). On additionne les deux, sur 100 travailleurs, on a donc 6 personnes qui sont en incapacité de travail. Cela résume toute la difficulté, toute l’ambivalence de notre rapport au travail. On a besoin de travailler pour gagner sa vie. Très souvent ce travail nous rend heureux ou très heureux. Mais il y a aussi beaucoup de cas ou ce travail nous épuise, nous démotive… parfois jusqu’à nous rendre malades.
Fabrie Grosfilley