L’édito de Fabrice Grosfilley : des gagnants et des perdants

L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Ce sont les gagnants qu’on retient, ceux qui arrivent en haut du podium. C’est le numéro 1 dont on va retenir le tube, le gagnant de l’élection dont on va garder le nom. Le vainqueur du championnat rentre dans l’histoire, pas son dauphin. Ce lundi, à Bruxelles, nous avons beaucoup de gagnants. Le RWDM, d’abord, qui va retrouver le championnat de division 1A. Avec ce 1-0 contre l’équipe des jeunes du Sporting d’Anderlecht, c’est beaucoup plus qu’un match de football que les joueurs de l’ancien Daring ont remporté. C’est un retour en grâce. Champion de Belgique en 1975, mais aussi au bord de la disparition en 2002. Plus de 20 années passées au purgatoire dans les divisions inférieures, et aujourd’hui, donc, le retour en pleine lumière.

Puisqu’on est dans le foot, l’autre grande gagnante du week-end, c’est évidement l’Union Saint-Gilloise. Victoire 3-0 contre Genk. Score large, domination éclatante. Il y a deux mois, Genk était leader du championnat, avec 10 points d’avance sur l’Union. Aujourd’hui, Genk est troisième avec trois points de retard sur l’Union Saint-Gilloise. Le leader, c’est l’Antwerp. Alors, bien sûr, l’Union n’est pas encore championne. On ne va pas vendre la peau des Anversois avant d’être monté sur la pelouse. Mais ça fait deux saisons que l’Union nous fait rêver… à tel point qu’être champion ou pas n’est presque plus la question. Bien sûr qu’un titre ferait plaisir aux supporters et aux amateurs de foot bruxellois. Mais si on leur avait dit il y a 4 ou 5 ans que leur club serait en deuxième position à quelques journées de la fin de la saison… tout le monde aurait signé.

Être champion, est-ce essentiel finalement ? Parfois, le panache consiste à accepter de ne pas l’être. Comme Remco Evenepoel contraint à l’abandon pour cause de Covid-19 alors qu’il vient de gagner un contre-la-montre et de reprendre le maillot rose de leader. L’histoire est déchirante et forcément profondément injuste. Il y a du Poulidor dans cette mésaventure, alors qu’on rêve d’une carrière à la Eddy Merckx. Mais Remco Evenpoel est sur ce coup-là un perdant magnifique. En cyclisme, il vaut mieux être un disqualifié de la malchance qu’un gagnant à l’insu de son plein gré.

Gagnant-perdant. Recep Erdogan qui vire en tête de l’élection présidentielle en Turquie pourrait paraître gagnant. Mais le simple fait de devoir affronter un second tour amène à relativiser cette position en apparence favorable. Le 28 mai, tout dépendra des voix qui se sont portés sur le troisième candidat et de la capacité que chacun aura à mobiliser dans son camp et au-delà. Gagnant-perdant, toujours. À l’Eurovision 2023, c’est la Suède qui l’emporte, mais c’est la Finlande et son “chachacha” qui marquera sans doute davantage nos mémoires. On se rappellera qu’une 1958 “Nel blu dipinto di blu” (plus connu par son refrain Volare) était arrivé 3e du concours, mais est entré dans le patrimoine alors que le titre primé ( “Dors mon amour” d’André Claveau) est passé à la trappe. Pour 2023, une septième place pour la Belgique nous ferait dire qu’on n’est pas complétement perdant.

Enfin, il y a la politique bien sûr. Avec des congrès de partis en rafale, côté néerlandophone, ce week-end. Et des déclarations, en veux-tu, en voilà. Il faut un virage confédéral. Non, il n’en faut pas. On veut un gouvernement d’urgence, installé rapidement. Non, nous, on veut un gouvernement de programme. Gagnant ou perdant, c’est quand même un peu tôt, messieurs-dames. Les élections ne sont prévues qu’au printemps de l’année prochaine. Et nous, à Bruxelles, on sera surtout attentif à ce que Flandre et Wallonie ne négocient pas un accord dont les Bruxellois seraient les grands perdants. En attendant, on vous souhaite déjà de passer modestement une bonne semaine. Avec, au choix : un moral de gagnant, ou le panache d’un grand perdant.

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Fabrice Grosfilley