L’édito de Fabrice Grosfilley : cherche partenaire désespérément

Où en sommes-nous des négociations en vue de former un gouvernement à la Région bruxelloise ?  Réponse : pas très loin. Peut-être même nulle part. Depuis près d’un mois maintenant, c’est le Mouvement réformateur qui a repris la main, avec un tandem composé de Georges-Louis Bouchez et David Leisterh. Les libéraux, après l’échec de la piste sans la N-VA tentée par Elke Van den Brandt et Christophe De Beukelaer, sont donc revenus à la formule précédente : celle qui consiste à avoir le parti de Bart De Wever et Cieltje Van Achter à bord.

Depuis trois semaines et demie, cette piste s’est clairement orientée vers un gouvernement sans le Parti Socialiste. Georges-Louis Bouchez a clairement annoncé, fin mars-début avril, qu’il œuvrait à la mise en place d’un gouvernement qui serait minoritaire dans le collège francophone. Problème : même un gouvernement minoritaire doit pouvoir s’appuyer sur une majorité au moment de son installation. Cette majorité, aujourd’hui, Georges-Louis Bouchez ne l’a toujours pas trouvée.

Hier soir, le président du Mouvement réformateur en a donc remis une couche en ciblant principalement le parti DéFI :

« Si DéFI dit oui, on a un gouvernement dans la semaine. À l’inverse, Bruxelles sera en crise », a commenté le chef de file des libéraux francophones dans l’émission Villa Politica de la VRT.
Une déclaration qui vise donc à mettre DéFI sous pression — à laquelle François De Smet, député fédéral, a d’ailleurs rapidement répondu sur le réseau X, dans un style très direct : « Enlève la N-VA de l’équation, et c’est même jouable en trois jours. »

Avec ou sans la N-VA, le clivage reste donc entier. Côté francophone, il n’y a actuellement que deux partis qui acceptent de monter dans une majorité régionale avec les nationalistes flamands à bord : le MR et Les Engagés. Depuis plusieurs mois, ils tentent donc de mettre tour à tour le PS, DéFI ou Écolo sous pression. Jusqu’à présent, sans succès.  Et il faut quand même préciser que, même si DéFI cédait, cela ne serait numériquement pas suffisant pour constituer une majorité.

Hier soir, il y avait un deuxième message dans cette émission de la VRT. Cette fois, cela concernait le Parti socialiste :

« Une majorité avec le PS n’est pas possible, car le parti a une attitude communautariste, ne veut pas de réforme budgétaire ou d’activation des chômeurs », ce sont les mots prononcés par Georges-Louis Bouchez. Une petite phrase qui confirme qu’une alliance MR-PS à la Région n’est donc plus du tout à l’ordre du jour. Le Parti socialiste s’en est d’ailleurs rapidement saisi :  « Cette déclaration a le mérite de la clarté : le MR n’a jamais eu l’intention de forger des compromis, ni avec le PS, ni avec aucun parti de gauche au Parlement bruxellois. Les derniers mois n’étaient donc qu’une mascarade »,  a ainsi commenté Ahmed Laaouej dans une réaction à l’agence Belga, avant d’enchaîner : « Le MR a pris Bruxelles en otage pour des intérêts partisans et s’enferme dans une stratégie du pourrissement visant à imposer par tous les moyens une politique d’austérité et de casse sociale. »

Vous avez compris le topo : le MR a gagné les élections. Mais il n’est pas en mesure de former une majorité tout seul. Pour l’instant, il a un allié : ce sont Les Engagés. Mais un seul allié, c’est insuffisant. Ensemble, ces deux partis totalisent 28 députés. Il en faut au minimum 37 pour avoir une majorité au Parlement bruxellois dans le collège francophone.  Cherche partenaire désespérément, c’est ainsi qu’on pourrait résumer ces dix mois de négociations où l’on tourne en rond.

Le fait que PS et MR actent de manière aussi ostensible leur incompatibilité gouvernementale est malgré tout une évolution qu’on doit noter. Parce que la communication autour de cette incompatibilité est de plus en plus explicite — à tel point qu’on pourrait penser que le travail que ces deux partis avaient fait ensemble au début de l’été dernier (en actant leur entrée en négociation, en commençant à se mettre d’accord sur de grandes lignes budgétaires, en décidant ensemble de reporter l’application de la prochaine phase de la LEZ, la zone de basse émission) appartient désormais au passé.

Si PS et MR renoncent effectivement, pour de bon, à gouverner ensemble, il faudra donc imaginer des majorités où ils ne sont pas ensemble. En penchant soit vers la droite, sans le PS, soit vers la gauche, sans le MR. Cela place désormais les autres partis face à leur propre responsabilité.

Pour sortir de la crise :
– Les Engagés peuvent-ils se séparer du Mouvement réformateur ?
– Écolo peut-il gouverner soit avec la gauche, soit avec la droite ?
– DéFI veut-il y aller aussi ?
– Le PTB peut-il accepter de sortir des confortables bancs de l’opposition ?

Il va falloir que tout le monde réponde à ce qui semblait, jusqu’à présent, n’être que des hypothèses théoriques. Dire qu’on veut bien y aller si Pierre, Paul ou Jacques viennent aussi, ce n’est pas une réponse. Vous avez obtenu des suffrages, transformez-les en action de gouvernement.  Ça fait dix mois qu’on tourne en rond. La partie de poker menteur, où chacun se cache derrière son petit doigt, a assez duré.

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25 avril 2025 - 10h34
Modifié le 25 avril 2025 - 10h34