L’édito de Fabrice Grosfilley : capitaine cherche équipage
Comment ne pas confesser une forme de découragement ? Une lassitude, voire une forme de démoralisation. Qu’elles sont longues, qu’elles sont lentes, qu’elles sont laborieuses, ces négociations pour former un gouvernement bruxellois. Et j’avoue qu’en préparant chaque matin cet éditorial, moi qui suis journaliste politique, passionné par mon métier, très attaché à la région bruxelloise que j’ai appris à connaître et dont je me suis donné pour mission de faire comprendre le fonctionnement, je me pose régulièrement la question : dois-je encore, ce matin, vous parler de ces négociations où il ne se passe rien ? Faut-il encore une fois vous expliquer les raisons du blocage ou considérer que ces raisons deviennent déraisonnables ? Que finalement, il n’y aurait pas d’autres informations à vous donner que celles d’hommes et de femmes politiques manquant de courage politique et de sens du compromis. D’hommes et de femmes politiques qui s’enferment dans des calculs partisans et sont incapables de se dépasser pour avancer.
« Ce n’est pas normal que nous n’ayons pas encore un accord de gouvernement. » C’est par ces mots que David Leisterh a commencé son interview hier soir à la RTBF. Le chef de file des libéraux bruxellois y est apparu sur la défensive, aussi désabusé que nous, et sans pouvoir proposer de pistes de solution. « J’ai une table avec une chaise vide, » a-t-il répété à plusieurs reprises.
David Leisterh a donc renvoyé la responsabilité du blocage vers le Parti Socialiste. Pressé par Nathalie Maleux et Laurent Mathieu, David Leisterh a quand même dû reconnaître que d’autres vétos avaient été émis, notamment par son propre parti, contre la liste Team Ahidar. Il a aussi dû constater que le CD&V refusait toujours de venir à la table de négociation. « On peut insister dans toutes les langues, c’est non. » Puis il a regretté qu’Ecolo n’ait pas souhaité entrer en négociation non plus. « Ils sont nombreux, en réalité, à voir Bruxelles qui brûle, mais à rester sur le balcon, » a regretté David Leisterh. « Si c’est difficile, mettons-nous à table, » indiquait-il, mais sans préciser quelles concessions il serait prêt à faire pour convaincre les uns ou les autres de rejoindre cette table de négociation.
Il y a aussi une piste que David Leisterh a enterrée hier soir : celle de gouverner au départ du gouvernement en affaires courantes, en remplaçant les ministres francophones. Techniquement et légalement possible. « C’est inacceptable, » disait David Leisterh. « Ce que je veux, c’est devenir président de tous les Bruxellois avec un gouvernement qui a une majorité suffisamment forte et un accord de gouvernement qui est clair. » Pour lui, cette piste créerait donc « un problème communautaire », et voici une nouvelle porte refermée. C’est bien de fermer des portes. Le problème, c’est qu’il faudrait aussi en ouvrir.
À la sortie de cette interview, il n’y avait donc pas plus d’informations qu’avant. Si ce n’est que David Leisterh n’avait pas l’intention de quitter son poste. « Je ne vois pas qui reprendrait après moi et, jusqu’au bout, je resterai à la barre. » Fort bien. Si le capitaine – et il n’est pas contesté – reste à la barre, il faudrait malgré tout qu’il réussisse coûte que coûte à compléter son équipage. Au-delà des constats, nous avons besoin d’une nouvelle initiative. Bougez-vous et sortez de vos zones de confort. Le problème n’est pas de savoir qui bloque. En réalité, c’est un peu tout le monde. La question est de savoir comment en sortir. Avoir un capitaine, ça ne suffit pas. Parce qu’un bateau qui reste à quai, ça ne sert à rien. Surtout quand l’avis de tempête budgétaire est annoncé depuis longtemps.
►L’Edito de Fabrice Grosfilley