“Le risque d’un accident nucléaire grave ne peut être exclu”, selon le Conseil supérieur de la santé

L’énergie nucléaire, telle qu’actuellement déployée, ne répond pas, sur le plan environnemental, éthique et sanitaire, aux principes du développement durable, estime dans un avis le Conseil supérieur de la Santé (CSS).

L’organe y juge également que l’arrêt des centrales nucléaires est possible en Belgique pour un coût relativement limité, y compris en termes d’impact CO2. La publication de cet avis intervient alors que le gouvernement fédéral doit décider dans le courant du mois de novembre de la fermeture partielle ou totale des réacteurs nucléaires belges à l’horizon 2025.

Peu émettrice de CO2, l’énergie nucléaire est régulièrement présentée comme une alternative idéale pour remplacer les combustibles fossiles dans la production d’électricité, mais “la réalité est plus complexe“, souligne le CSS, soulevant notamment la question des déchets radioactifs de très longue durée de vie, susceptibles d’impacter plusieurs générations, ainsi que les risques terroristes et d’accident grave.

Le risque d’un accident nucléaire grave ne peut être exclu, même dans les meilleures centrales nucléaires, et la Belgique présente à cet égard une vulnérabilité spéciale en raison des caractéristiques des sites concernés : situés près de grandes villes et axes de trafic international, réseau routier saturé et populations denses“, relève le CSS.  L’organe d’avis scientifique du SPF Santé publique estime dès lors que “la poursuite de ce risque pendant 10 ou 20 années supplémentaires pose des questions d’ordre environnemental, sanitaire et éthique“.

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L’arrêt des centrales ? “Possible pour un coût relativement limité”

Le CSS se dit conscient des développements technologiques accélérés pour réaliser des réacteurs plus petits, plus sûrs, avec moins de déchets et moins de risque de prolifération. “Mais ils sont pour la plupart encore en phase de développement et des évaluations approfondies doivent encore être réalisées entre autres en matière de sûreté“, note-t-il. “Ces réacteurs ne constituent pas une solution aux choix actuels à réaliser par la Belgique“, poursuit-il.

Se fondant sur les études menées notamment par EnergyVille et le Bureau fédéral du Plan, le CSS ajoute par ailleurs que “l’arrêt des centrales nucléaires est possible en Belgique pour un coût relativement limité, y compris en termes d’impact CO2“.

L’une des priorités, aux yeux du CSS, consiste à disposer à temps des centrales à gaz à cycle combiné et de prévoir leur transition vers l’hydrogène bleu (produit avec des combustibles fossiles, mais avec captage du CO2 émis). L’organe préconise également d’investir dans le domaine du stockage de l’énergie, de la gestion du réseau, des interconnexions, du développement de la filière hydrogène et de la durée de vie et du recyclage des biens de consommation critiques pour les matières premières.

Et de conclure : “la transition énergétique nécessaire (…) doit rester compatible avec les principes du développement durable et ne pas conduire à de nouveaux déséquilibres et de nouveaux risques“. Pour le CSS, “cela ne sera possible qu’en acceptant de remettre en cause, dans un esprit de modernité critique et d’équité, le paradigme de la croissance illimitée“. (avec Belga)

■ Interview de Patrick Smeesters, expert scientifique pour le Conseil Supérieur de la Santé, par Fabrice Grosfilley dans Toujours + d’Actu.