Le patrimoine carcéral de la capitale se dévoile à travers le projet “Bruxelles en prison”
Cette initiative invite les citoyens à s’interroger sur la place de la Justice au sein de la ville.
■ Reportage de Jeanne Pastre, Olivia Bronsart et Hugo Moriamé
L’Atelier de Recherche et d’Action Urbaines (ARAU) et l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles ont mis sur pied une nouvelle carte exploratoire mettant en lumière le patrimoine carcéral et le monde pénitentiaire au cœur de la capitale. Cette initiative, qui offre une perspective historique inédite, invite également les citoyens à s’interroger sur la place de la Justice au sein de la ville et pose la question de la gestion foncière d’un patrimoine confronté à de nombreux défis. Vétusté, surpopulation, conception dépassée de la Justice, reconversion de sites sont autant de questions abordées par le parcours “Bruxelles en prisons”.
La brochure de la visite, conçue, notamment, par des chercheurs en criminologie, sociologie et urbanisme, emmène, dans un premier temps, le visiteur face à l’impressionnante et austère prison de Saint-Gilles. Qualifié à l’époque de “prison moderne”, cet édifice de style néo-Tudor, ouvert en 1884, occupe une surface de 6,4 hectares en pleine ville. Avec son plan en étoile, ce complexe carcéral illustre une conception de la justice basée sur la surveillance permanente des détenus. En effet, cette forme permet aux gardiens, placés dans une tour centrale, de contrôler les moindres faits et gestes des prisonniers.
Des préoccupations bien actuelles
La visite aborde également des préoccupations bien actuelles. La prison de Haren, inaugurée en 2022 dans l’optique de permettre la fermeture de Saint-Gilles, n’a jusqu’à présent pas permis de tirer un trait sur cette infrastructure dépassée. Présentée par les autorités comme un “village pénitentiaire” de 1.035 détenus répartis dans plusieurs unités de vie, l’infrastructure de Haren suscite bien des critiques.
Les associations dénoncent notamment sa situation géographique, de nature à renforcer l’isolement des détenus en complexifiant son accès aux familles, aux avocats et aux services d’aide aux détenus. Actuellement 500 détenus sont toujours incarcérés à Saint-Gilles. À l’arrière de la prison de Saint-Gilles, un autre lieu emblématique de l’univers carcéral bruxellois déploie ses façades en briques de style néo-renaissance flamande: la prison de Forest.
Ouverte en 1910, elle a pour particularités d’avoir accueilli une aile de détenues, encadrées par des religieuses, ainsi qu’un laboratoire d’anthropologie pénitentiaire et une annexe psychiatrique. La maison de détention de Forest étant désormais concentrée sur le site de Berkendael, ouvert en 1993, la question de l’avenir du bâtiment historique se pose tout naturellement.
L’ARAU souligne l’importance pour la Région de se saisir du dossier afin de ne pas perdre la main sur le développement de ces sites au profit de promoteurs privés. L’ASBL 9m², partenaire du parcours patrimonial, milite en faveur d’une transformation des édifices désaffectés en un espace culturel et citoyen pluridisciplinaire qui permettrait, notamment, de sensibiliser un large public à la question de l’enfermement et des politiques pénales. La brochure explicative et le plan du parcours “Bruxelles en prison” sont disponibles auprès de l’Atelier de Recherche et d’Action Urbaines. Des visites commentées à destination du grand public seront mises sur pied dès 2026.
Belga – Photo : Belga