La vaccination, sujet de tension parmi les députés du parlement bruxellois ?

À l’origine de débats parfois très vifs, la question de la vaccination suscite-t-elle des crispations au sein du parlement bruxellois ? Les députés, en tant que mandataires publiques, se doivent-ils de montrer l’exemple ? Ou ce geste relève-t-il de la liberté de chacun ? À l’heure où l’on discute de l’extension du Covid Safe Ticket (CST) à Bruxelles, et alors que l’idée d’imposer un CST dans l’enceinte de l’assemblée régionale a été proposée, petit tour des différents groupes politiques.

« À ma connaissance l’ensemble des mandataires PS et collaborateurs sont vaccinés, et cela n’a suscité et ne suscite aucune discussion entre nous », nous répond Ridouane Chahid, chef de groupe PS (16 députés, majorité). À entendre les présidents des groupes politiques qui composent le parlement, quelle que soit leur couleur politique (à l’exception de l’extrême-droite) et leur sexe linguistique, majorité, comme opposition, la question de la vaccination n’a pas fait débat, ni au sein des groupes, ni sur les bancs du parlement.

Les données de santé étant privées, les mandataires n’ont pas à rendre compte de leur situation vaccinale. Et aucune consigne n’a été donnée, la vaccination n’étant pas obligatoire. Mais la grande majorité des députés est vaccinée, ressort-il de notre sondage, et beaucoup l’ont d’ailleurs fait savoir sur les réseaux sociaux. Certains sans doute avec plus d’enthousiasme que d’autres.

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« Pour des raisons d’ordre déontologique, on ne peut pas demander à des collègues une information précise sur leur choix de vaccination, on ne discute pas des choix privés des uns et des autres, mais sur le plan politique, nous soutenons évidemment la politique de vaccination, et nous pensons que c’est le choix collectif le plus justeEt je n’ai pas connaissance de députés qui ne serait pas vaccinés », nous explique John Pitseys, chef de groupe Ecolo (15 députés, majorité). « Et ces rumeurs qui veulent que des antivax se cachent chez Ecolo sont complètement fausses. »

Les 10 élus DéFI (majorité) sont vaccinés, « à ma connaissance », indique Emmanuel De Bock, qui précise : « Même ceux qui n’étaient pas complètement pour l’ont fait. »

« Je n’ai pas connaissance de députés qui seraient opposés à la vaccination. Ce n’est pas un sujet qui pose problème, tout le monde est convaincu du bien-fondé de la vaccination », enchaîne Alexia Bertrand, cheffe de groupe MR (opposition), « mais ce sont des données privées, et j’estime que je n’ai pas à demander aux députés s’ils sont vaccinés ou pas », ajoute-t-elle.

Les 10 élus PTB, comme le député PVDA, (opposition), sont vaccinés : « Tout le monde était sur la même longueur d’onde, il n’y pas eu de débat, ni de consigne nécessaire. », indiquent Françoise De Smedt et Jan Bussele. Pareil au CDH (opposition), où les cinq députés sont vaccinés, ainsi que la quasi-totalité des collaborateurs, « il n’y a donc aucune tension au sein du groupe sur le sujet en l’état actuel des choses », indique Céline Fremault, la cheffe de groupe.

Victoria Austraet, qui siège comme indépendante (après avoir été députée pour Dier Animal), et vaccinée de la première heure, juge qu’il n’y a pas de voix discordantes sur les bancs du parlement. « On est unanime sur le fait que c’est une nécessité de santé publique. » Pour Pepijn Kennis (Agora), les tensions se manifestent dans le cas de débats spécifiques, comme les discussions en cours en bureau élargi sur l’idée d’imposer un CST au parlement.

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« Nous n’imposons pas de consigne, car la vaccination n’est pas obligatoire, mais on la recommande fortement. Et nos cinq élus sont vaccinés », assure Fouad Ahidar, pour one.brussels-Vooruit (SPA) (majorité), sans que le sujet soit le moins du monde sujet à tension. » Tout comme les quatre Groen (majorité), « nous étions tous convaincus dès le début, tout le monde l’a fait spontanément, cela n’a pas fait débat » ; les trois élus NVA (opposition), « Ils l’ont communiqué, ils l’ont fait savoir sur les réseaux sociaux. », se félicite Cieltje Van Achter, leur cheffe de groupe ; et l’élue CDV (opposition), Bianca Debaets.

Un devoir d’exemplarité ?

Au-delà de la situation individuelle de chacun, le sujet pose aussi la question du devoir d’exemplarité des élus en tant que mandataires publics. Dans le contexte sanitaire que nous connaissons et compte tenu d’un taux de vaccination encore très insuffisant à Bruxelles, les députés doivent-ils montrer l’exemple ?

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« Nous avons le devoir d’être exemplaire. Nous sommes face à un problème de santé publique, nous sommes des élus, nous nous devons de montrer l’exemple pour nous protéger et protéger ceux et celles que l’on représente », répondent PS et one.brussels. Un rôle d’exemple ? Oui aussi pour la NVA, Groen et pour le CDH qui considère que « nous devons être des porte-voix, à savoir veiller quotidiennement à convaincre celles et ceux qui sont encore hésitants en dialoguant respectueusement et sans tabou. » En évitant le risque de se transformer en donneurs de leçons, ajoute Emmanuel De Bock (DéFI).

« Question difficile », répond John Pitseys (Ecolo). « Je respecte les gens qui disent que cela relève de la sphère privée. Mais à titre personnel, je n’hésite pas à dire publiquement que je suis vacciné et que je pense que ce choix privé a aussi une dimension politique, et se justifie pleinement pour des raisons sanitaires, de sécurité collective et de solidarité. »

« Sujet complexe », pense également Alexia Bertrand (MR). Avant d’être une question d’exemplarité, c’est d’abord une question de conviction, soutient la cheffe de groupe réformatrice. « Oui, nous avons le devoir de convaincre du bien-fondé de la vaccination. »

Bianca Debaets (CDV), estime important d’en parler et de tenter de persuader les sceptiques, mais selon elle, le rôle des élus est à cet égard limité, car ils ne sont pas forcément les plus susceptibles de convaincre les plus récalcitrants. Des influenceurs et personnes relais vers les différentes communautés seraient plus efficaces, selon elle. Position partagée par Pepijn Kennis ou Victoria Austraet (indépendante, ex Dier animal) : « Il est important de montrer l’exemple, mais il y a une grande méfiance vis-à-vis du politique, surtout parmi les réticents aux vaccins, nos interventions peuvent s’avérer contre-productives. »

Communiquer sur sa situation vaccinale, c’est bien, mais ce n’est pas cela qui va changer les choses, observe Françoise De Smedt (PTB). En revanche, il est important d’aller à l’écoute des gens et tenter de les comprendre pour mettre en place des solutions. La défiance est forte à Bruxelles. Pour résoudre cela il faut favoriser les contacts avec des personnes susceptibles de susciter la confiance : comme les médecins généralistes, les pharmaciens, les proches, …

S.R.

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16 septembre 2021 - 10h00
Modifié le 16 septembre 2021 - 10h46