Delhaize veut franchiser tous ses magasins : les travailleurs s’inquiètent, des supermarchés fermés ce mardi

Un conseil d’entreprise extraordinaire s’est tenu à 8h ce mardi. Plusieurs magasins ont décidé de garder portes closes.

La direction de l’enseigne de supermarchés Delhaize a annoncé lors de ce conseil d’entreprise sa volonté de faire passer tous les magasins encore intégrés, soit 128 sur 764, sous franchise, a-t-on appris de sources syndicales.

Selon la direction, “il s’agit de la seule option pour continuer à investir dans un avenir durable pour Delhaize“. Elle assure qu’aucun collaborateur des magasins ne perdra ni son travail, ni ses conditions salariales, par contre “la transition progressive des supermarchés en gestion propre vers des magasins indépendants entraînera une réduction graduelle du nombre de fonctions au sein du siège“.

Rentabilité

Selon la direction, les magasins affiliés “ont vu leur part de marché augmenter de manière constante au cours des dernières années“, tandis que “les supermarchés en gestion propre (…) ont vu leur rentabilité et leur part de marché décliner au cours de la même période“.  Elle estime qu’en choisissant un seul modèle de magasins, Delhaize pourra s’adapter avec flexibilité à un marché en évolution rapide.

Des actions sont menées à Bruxelles “dans presque tous les magasins”, selon le secrétaire du syndicat libéral, Wislon Wellens. Le Delhaize de Fort-Jaco, notamment, gardera portes closes toute la journée.

L’annonce de la direction a fait l’effet d’une bombe, du côté syndical mais aussi directement chez les travailleurs. Le personnel d’une centaine de magasins était en arrêt de travail spontané ce mardi.

“Un séisme”

Une bande de personnes totalement incompétentes.” Myriam Delmée, présidente du Setca, n’avait pas de mots assez durs ce matin pour dire tout le mal qu’elle pensait de la direction de Delhaize. L’annonce de Delhaize a été faite “en deux minutes” sans aucun espace de négociations ou simplement de questions, alors même que l’entreprise “avait encore fait des déclarations dans la presse récemment disant qu’il n’y aurait pas de franchise“, relève Myriam Delmée.

Qu’importe les déclarations de la direction, selon laquelle les 9.000 travailleurs et travailleuses concernés par le passage sous franchise ne perdront ni leur emploi ni leurs conditions salariales. Pour la présidente du Setca, ces collaborateurs verront bien “leurs conditions de travail se dégrader de 20 à 25%“. Cela impliquera, selon son expérience, plus de travail, des baisses de salaire, la fin des suppléments salariaux pour les prestations au-delà de 18h00, du travail le dimanche… “Plus de flexibilité, du travail étudiant débridé (au préjudice des personnes à temps partiel, NDLR)…” Tous ces éléments, qui peuvent paraître anecdotiques séparément, forment, pris ensemble, “un séisme”, estime-t-elle.

Fin des négociations collectives ?

Cela signe aussi la fin des négociations collectives pour les travailleurs. Ce mardi matin, “on nous a bien fait comprendre que ce n’était pas négociable“, déplore encore la présidente. Sous franchise, dans de plus petites structures, il n’y aura pas de représentation syndicale. “Ce sera de l’individuel ou pas de négociation du tout, ça change fondamentalement le modèle social” de l’entreprise, note-t-elle encore.

■ Reportage de Marie-Noëlle Dinant, Nicolas Scheenaerts et Timothée Sempels.

Avec Belga – Photo : BX1/Marie-Noëlle Dinant