Insultes et menaces sur les réseaux sociaux : des propos difficilement condamnables en Belgique

La militante laïque et féministe Nadia Geerts, également enseignante, va porter plainte suite à des messages d’insultes et un harcèlement à son encontre, dénonce-t-elle dans Le Soir. Comme elle, de nombreuses personnes ont déjà tenté de passer par la justice pour se défendre face à ce type de campagne, mais la loi belge est pour l’instant peu claire.

L’affaire révélée par Le Soir confirme la difficulté de contrer le harcèlement et les insultes sur les réseaux sociaux : Nadia Geerts, militante et enseignante, dit recevoir de multiples messages d’insultes et subir une campagne de harcèlement sur les réseaux sociaux après des messages sur son compte autour du port du voile ou de l’assassinat de Samuel Paty. Elle va porter plainte pour harcèlement, menaces et diffamation, alors que son école a déjà fait suivre au parquet de Bruxelles plusieurs messages de haine.

Les personnes victimes de ce type d’insultes et de harcèlement sont malheureusement nombreuses sur les réseaux sociaux. Plusieurs personnes influentes ont quitté certains terrains, que ce soit Twitter ou Facebook, pour éviter le dénigrement permanent.

Mais cela ne suffit évidemment pas, et d’autres réseaux existent pour que les mal intentionnés poursuivent leur campagne de harcèlement. Alors, certains tentent d’aller devant la justice pour faire cesser ces insultes et ce harcèlement. Comme Nadia Geerts aujourd’hui, Corinne Torrekens, Rosanne Mathot ou Camille Wernaers par le passé. Et la démarche s’annonce alors difficile.

Car aujourd’hui, à part l’incitation à la haine raciale, ce qui est écrit sur le web relève du délit de presse, et doit donc être jugé par un jury populaire devant la cour d’assises. Ce qui ne se fait donc jamais, vu la difficulté d’organiser ce type de procès. C’est la cour de Cassation qui le dit, après une affaire qui traîne depuis 2014 entre les réseaux sociaux et les tribunaux.

“La Cour d’appel a violé la Constitution”

Entre 2014 et 2017, un entrepreneur liégeois se plaint d’une échevine de l’Urbanisme d’Awans, après le refus de la commune d’un permis d’urbanisme pour l’un de ses projets. Le quinquagénaire a été poursuivi par l’échevine, qui avait porté plainte après les nombreuses insultes reçues. En 2018, le tribunal correctionnel de Liège avait condamné l’homme à 100 heures de travaux d’intérêt général. Mais il avait interjeté appel, affirmant qu’il devait être jugé devant la cour d’assises car ses écrits sur les réseaux sociaux seraient considérés comme des délits de presse, une loi ancienne censée protéger la liberté d’expression des titres de presse.

La cour d’appel avait condamné l’homme à 10 mois de prison, avant que la Cour de cassation annonce que cette même cour d’appel avait violé l’article 150 de la Constitution concernant le délit de presse… Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Bref, tout est remis à zéro et c’est désormais aux élus de remettre de la clarté autour de cette notion de délit de presse. Qu’est-ce qui relève de l’insulte et doit être condamné ? Qu’est-ce qui relève de la liberté d’expression ? À ce sujet, ce n’est pas encore clair, et jusqu’à présent, seule la haine raciale peut être condamnée.

Un projet de loi PS sur le harcèlement groupé est en cours d’écriture, alors qu’un projet d’Ecolo autour du cyberharcèlement et de sa condamnation est également sur la table au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cela permettra déjà d’avoir des bases plus solides pour permettre aux personnes insultées et/ou harcelées de pouvoir compter sur la justice. Et qu’elles ne soient plus contraintes de quitter les réseaux sociaux…

Grégory Ienco