Formation bruxelloise : retour sur huit mois de négociations sans succès

Après huit mois de négociations pour tenter de former un gouvernement bruxellois, aucune coalition ne semble se dessiner. Le formateur David Leisterh (MR) s’était fixé un ultimatum à 17h avant de présenter sa démission en cas d’échec. Cette situation semble désormais inévitable. Rétrospective des négociations.

 

Il y a deux semaines, le formateur bruxellois, David Leisterh (MR) annonçait entamer ses “consultations de la dernière chance”, en vue de former un gouvernement bruxellois. Il affirmait à l’époque, être prêt à “tirer toutes les conclusions qui s’imposent au terme de ce processus”.

De son côté, le PS avait indiqué accueillir positivement l’initiative de David Leisterh. “Il est clair à présent que l’option poussée ces derniers mois de vouloir imposer la N-VA au gouvernement bruxellois ne recueille pas de majorité au Parlement bruxellois. Il est nécessaire de remettre sur la table de nouvelles formules. Le PS sera force de propositions dans ce cadre”, avait-il fait savoir dans un communiqué.

■ Reportage de Michel Geyer et Pierre Delmée 

 

"Je pense que je suis ministre-président"

Alors que les résultats des élections régionales du 9 juin sont connus, il y a un gagnant très clair : le MR qui devient ce soir le premier parti dans la capitale, avec une forte progression par rapport à 2019. Deuxième gagnant : le PTB, également en progression et qui va se hisser sur la troisième marche du podium. En deuxième position, un parti qui se stabilise et qui n’a pas perdu autant que ce que les sondages annonçaient : le PS. Ces trois partis dominent ce soir la politique bruxelloise. 

 

Si cette soirée a été stressante pour la tête de liste bruxelloise libérale, David Leisterh, il nous confiait à l’époque, se voir déjà “Ministre-président”. 

► Reportage | Hors Cadre – Le dimanche bleu de David Leisterh (14/06/24)

Parmi les perdants, difficile d’oublir Ecolo, qui a perdu une partie substantielle des électeurs qu’il avait réussi à conquérir il y a cinq ans. Revers aussi pour DéFI, qui connait une grande baisse par rapport à 2019.

Alliance MR - Les Engagés ​

Au lendemain du scrutin, le MR et Les Engagés entament des discussions en Wallonie et en Fédération Wallonie-Bruxelles et se présenteront en “bloc” au fédéral et dans le cadre des négociations bruxelloises.

► Reportage | Le MR et Les Engagés en binôme et “en bloc” à Bruxelles, en Wallonie et au fédéral (11/06/24)

Majorité francophone ​

Au terme de plusieurs semaines de tractations discrètes, le PS bruxellois a finalement marqué son accord jeudi 1er août pour entrer en négociation avec le MR et Les Engagés pour tenter de former un gouvernement bruxellois. En effet, depuis les élections du 9 juin, le MR avait entamé une phase d’information via son chef de file David Leisterh.

Mais fin juin, le bureau du PS Bruxellois avait acté “l’absence d’une note programmatique précise” à ses yeux, rencontrant les enjeux économiques, sociaux et environnementaux et s’appuyant sur une trajectoire budgétaire pluriannuelle qui “ne procède pas d’une austérité néfaste pour le corps social bruxellois”. Le chef de file du PS, Ahmed Laaouej en avait profité pour rappeler ses priorités politiques. 

Retrait d'Elke Van den Brandt ​

Mi septembre, la formatrice Elke Van den Brant annonçait ne pas vouloir poursuivre sa mission de formatrice néerlandophone dans l’état actuel des choses. Cette réaction fait suite notamment à un tweet du président du MR, Georges-Louis Bouchez, annonçant des “initiatives parlementaires” pour mettre fin au plan de mobilité Good Move dans la capitale. Les trois partenaires francophones que sont le MR, Les Engagés et le PS, avaient déjà déclaré début septembre vouloir reporter à 2027 la prochaine phase de la zone de basses émissions (LEZ). Cette annonce avait été reçu comme un coup de poignard dans le dos par la cheffe de file de Groen.
 
Alors que les négociations ont débuté côté francophone entre le MR, le PS et Les Engagés, côté néerlandophone, ça coince. La formatrice, Elke Van den Brandt a proposé une coalition à quatre partis avec Groen, Open Vld, Vooruit et CD&V. “Bien entendu, nous cherchons une formule qui permette à chaque parti d’avoir un poids suffisant, sachant qu’il n’y a que trois mandats pour quatre partis. Je compte sur leur sens des responsabilités”, affirmait-elle. Côté néerlandophone, Groen a remporté 4 des 17 sièges réservés aux néerlandophones, la Team Fouad Ahidar 3 sièges, la NVA, le Vlaams Belang, l’Open Vld et Vooruit ont obtenu 2 sièges chacun, tandis que le CD&V et le PVDA ont obtenu qu’un siège. Néanmoins, très rapidement dans les discussions, l’Open Vld et Vooruit se sont opposés à former une majorité avec la Team Fouad Ahidar.

Majorité côté néerlandophone​

Alors que la formation écologiste néerlandophone est sortie en tête des listes flamandes lors des élections régionales du mois de juin dernier, Elke Van den Brandt cherchait à nouer une coalition miroir de celle trouvée côté francophone (MR, Les Engagés et PS). Pour cela, elle misait sur l’Open Vld, Vooruit et le CD&V. Mais avec seulement trois postes de ministre pour quatre partis, une formation devait être prête à renoncer à un portefeuille. L’Open VLD était disposé à le faire, à condition d’une majorité avec la NVA.

Le CD&V quant à lui, refusait de se contenter d’un mandat de commissaire du gouvernement. Si Groen a réaffirmé sa préférence pour le parti chrétien démocrate, la NVA est finalement sur la table des négociations.

► Reportage | Que veut la NVA Bruxelloise ? (14/02/25)

Une "supernota" controversée​

Fin novembre, Elke Van den Brandt, chef de file de Groen avait présenté sa note de départ, aussi appelée “supernota” à ses partenaires de négociations Cieltje Van Achter (NVA), Frédéric De Gucht (Open Vld) et Ans Persoons (Vooruit). Celle-ci avait fuité dans la presse et n’avait pas fait l’unanimité. Le document évoquait entre autres choses la piste d’une fusion des zones de police, des CPAS et des communes qui seraient remplacées au niveau local par des districts où l’on conserverait un guichet d’accueil pour les citoyens. Il n’en fallait pas plus aux francophones pour réagir vivement. Ils qualifient la note de “vieux fantasmes flamands”, ou encore de “servir la soupe à la NVA”.

Veto du PS​

Depuis le début des négociations, plusieurs formations ont émis des vétos : le MR, l’Open Vld et Les Engagés à l’égard du PTB et la Team Fouad Ahidar, et surtout le PS vis à vis de la NVA.

En effet, après l’annonce de la présence de la NVA dans la majorité côté néerlandophone, le parti tiré par Ahmed Laaouej s’était tout simplement retiré des négociations. “Les conditions pour sa participation aux négociations actuelles pour la formation d’un gouvernement bruxellois ne sont plus réunies”, avait-affirmé le parti à l’époque.

Reportage | Formation bruxelloise : la réticence de certains partis face à l’arrivée de la N-VA (18/11/24)

Pour le Bureau de la Fédération, les conditions de l’accord entre Groen, la NVA, l’Open Vld et Vooruit, présentées par la formatrice néerlandophone, Elke Van den Brandt (Groen) : “remettent en cause les équilibres institutionnels de la Région bruxelloise et les intérêts des francophones, autant que les intentions de ce document menacent les politiques de proximité des communes en matière de prévention, de sécurité ou de cohésion sociale”, selon le PS.

La décision du PS de quitter la table des négociations a été largement dénoncée par les autres partis francophones. “La capitulation du PS bruxellois ressemble plus à un manque de courage face à l’ampleur des réformes à mener à Bruxelles”, affirmait Les Engagés.

Changement de cap

Afin de contourner la NVA, une option reste sur la table : le CD&V. Si le parti se disait prêt à revenir dans les négociations, un mandat ne suffit pas pour le parti flamand.

Pour Benjamin Dalle, chef de file du parti à Bruxelles, une participation du CD&V ne se fera que s’il y a un changement fondamental de cap et s’il peut exercer un rôle à part entière dans le gouvernement bruxellois. “Avoir un ministre ou un secrétariat d’Etat au sein du gouvernement, mais sans changement de cap substantiel par rapport à la législature précédente, n’est pas non plus une option : la consistance du projet a la priorité pour notre parti”, déclarait-il. 

Lors de ses consultations de la dernière chance, David Leisterh s’est entretenu avec Benjamin Dalle. “Il n’appartient pas au CD&V de fixer l’agenda des négociations. Il est également inacceptable que le PS veuille déterminer qui fera partie d’une majorité néerlandophone. C’est le travail des formateurs”, avait déclaré le formateur à l’issue de la réunion. 

 

► Revoir l’interview de Benjamin Dalle (12/02/25)

E.D