“Dans toutes les situations de harcèlement, il y a du cyberharcèlement”, constate Bruno Humbeeck

Le cyberharcèlement, ce n’est pas simplement un mot à la mode. Pour beaucoup d’adolescents, il s’agit d’une réalité qu’ils doivent confronter chaque jour. Bruno Humbeeck, psychopédagogue et auteur de “Comment agir face au cyberharcèlement”, était l’invité du 12h30.

Regarder ses likes, poster régulièrement pour gagner en popularité et se confronter aux commentaires déplaisants : voici le quotidien de nombreux jeunes adolescents. Un quotidien qui, parfois, peut complètement déraper et devenir ingérable. Quand les commentaires deviennent trop nombreux et trop incisifs, certains ne voient que le suicide comme échappatoire. Bruno Humbeeck, psychopédagogue, revient dans son livre “Comment agir face au cyberharcèlement” sur ce phénomène qui s’amplifie.

Le harcèlement scolaire n’est pas une nouveauté mais, auparavant, le harcèlement pouvait s’arrêter quand l’enfant rentrait chez lui. Maintenant, celui-ci s’introduit partout, tout le temps. Sur les réseaux, le cyberharcèlement ne prend pas de pause. Même dans leur propre maison, les adolescents ne se sentent plus en sécurité. Selon le psychopédagogue, le cyberharcèlement concernera, à l’avenir, des personnes “de plus en plus jeunes“. Il estime même que “dans toutes les situations de harcèlement, il y a du cyberharcèlement”.

Des parents souvent perdus

Une situation difficile à comprendre pour de nombreux adultes. Les parents se retrouvent très souvent démunis face au cyberharcèlement. Ils ne constatent pas de signes avant-coureurs, jusqu’au jour où leur enfant décide de s’ôter la vie. De plus, selon l’invité, les victimes de cyberharcèlement ont généralement le même profil : “des gens solaires, à qui on ne prévoyait pas la moindre difficulté“.  Pour les parents, l’adolescence est également bien souvent synonyme de renfermement sur soi. Il n’est donc pas toujours inquiétant de constater un changement dans le comportement de l’adolescent.

Le psychopédagogue conseille tout de même aux parents de ne pas diaboliser les réseaux sociaux. Même en les interdisant, il est fort probable que l’enfant y aille un jour. S’il finit par subir du cyberharcèlement, il n’osera pas le dire puisqu’il aura enfreint les règles. Il vaut mieux leur dire d’y aller, mais de prévenir en cas de problème.

Des mesures à prendre dans les écoles

Selon Bruno Humbeeck, il est également impensable que les professeurs soient aussi démunis que les parents. Pour lui, les écoles ont un grand rôle à jouer dans la lutte contre le cyberharcèlement. Les écoles ne doivent pas devenir des organismes judiciaires, mais devraient pouvoir fournir une réponse pédagogique. Selon l’auteur, l’idée tiendrait en quelques étapes :

  • 1/ L’élève fournirait des captures d’écran du cyberharcèlement subi.
  • 2/ L’école peut mettre en garde le cyberharceleur potentiel, pour éviter qu’il ne recommence. De cette façon, l’école casserait le sentiment d’impunité souvent ressenti par le harceleur. Il y aurait, à partir de ce moment-là, une garantie de sanction si la loi est enfreinte.
  • 3/ En cas de récidive, l’école pourrait émettre des sanctions réelles, sur base des captures d’écran, sans besoin de faire une enquête.

Selon Bruno Humbeeck, cela ne nécessiterait pas de faire des formations compliquées à suivre, mais plutôt de trouver des techniques utiles pour agir. “Les dispositifs existent, les applications sont mises en place, mais il faut que cela suive sur le plan numérique“, précise le psychopédagogue.

Un mutisme chez les victimes

Souvent, les victimes de cyberharcèlement ressentent un grand sentiment d’impuissance. En rentrant de leur journée, il est difficile pour les adolescents d’admettre à leurs parents que la journée s’est mal passée. C’est d’autant plus le cas, selon l’invité, quand il s’agit du “revenge porn”. Les adolescents entrent dans une période de leur vie où ils veulent tester les limites sur le plan sexuel et affectif, il est alors compliqué d’expliquer à un adulte que des images pornographiques d’eux tournent sur internet.

Enfin, l’auteur précise qu’il n’y a pas de spectateurs ou de témoins dans un cas de (cyber)harcèlement, mais qu’il n’y a que des participants.

Bruno Humbeek, psychopédagogue, interrogé par Vanessa Lhuillier et Arnaud Bruckner