“Après mon premier verre, black-out total”: des témoignages accablants contre deux bars du Cimetière d’Ixelles

Depuis ce dimanche soir, les témoignages de jeunes femmes s’accumulent sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram. Un point commun : elles disent avoir été droguées (GHB) et pour certaines agressées sexuellement par des employés de deux bars du Cimetière d’Ixelles. 

« Mon corps ne suivait plus. Après, c’est le black-out ! » Une phrase qui malheureusement résume tous les témoignages de victimes présumées que la rédaction de BX1 a reçu depuis dimanche soir. De très nombreuses jeunes filles disent avoir été droguées dans deux bars du Cimetière d’Ixelles. Certaines ont même été violées après qu’on ait « mis quelque chose dans leur verre. »

Après, le black-out ! Certaines jeunes filles ont pu compter sur un proche pour se rendre à l’hôpital. Suite à ces révélations, notre journaliste Marine Guiet, a pu recueillir de très nombreux témoignages. En voici quelques-uns.

> Enquête ouverte suite à plusieurs plaintes pour viol dans deux bars du Cimetière d’Ixelles

Réagir dans les 12h

Pour Jeanne, tout commence le 30 juillet au El Cafe: “C’était la première fois que je sortais après le confinement. Le serveur m’a donné une bière déjà décapsulée, avec un verre retourné dessus. Après une deuxième bière servie de la même manière, mes potes sont allés chercher une cruche à cocktail, j’ai bu un verre. Après un moment, on s’est levé et c’est là que je me suis sentie partir en arrière, tomber dans le vide et mes potes m’ont rattrapé. On m’a emmené aux toilettes, j’ai beaucoup vomi et c’est devenu flou. J’avais la sensation d’être consciente, que mon cerveau fonctionnait, mais mon corps ne suivait plus. Une amie qui n’avait pas bu est restée avec moi et j’ai juste réussi à dire « Emmenez-moi à l’hôpital ».”

Pour savoir si elle a été droguée, elle se rend chez sa médecin traitant: “En analysant les résultats de la prise de sang, elle a constaté qu’il n’y avait rien, mais l’hôpital n’a pas demandé à chercher la présence de drogue ou de GHB. Ma médecin a refait une prise de sang, ainsi que des analyses d’urine et de cheveux, rien n’a été détecté. Elle m’a dit que la présence de GHB n’était décelable que durant 12 heures, le délai était dépassé. Je ne pourrai jamais porter plainte parce qu’il n’y a aucune analyse probante, c’est ce que les policiers m’ont dit quand j’ai fait le récit de cette soirée.

Se rendre à la police

Pour Annick, voici 2 ans, un seul verre de vin change sa vie: “ Peu de temps après mon arrivée au El café, black out. Je me suis retrouvée dans la voiture d’un monsieur d’une trentaine d’années. Le lendemain matin, je me suis réveillée sans savoir réellement comment j’étais rentrée chez moi. Je n’avais plus mon téléphone qui avait sans doute été volé pour la énième fois au El café.”

Elle décide de se rendre à la police: “Je suis directement partie voir la police le lendemain et la réponse à laquelle j’ai eu droit : ” oui, nous avons souvent des plaintes de filles qui disent avoir été droguées et beaucoup de téléphones sont volés au El café“.

Des traces indélébiles

Pour Angèle, la soirée tourne au calvaire en décembre 2018 : “Après seulement 3 verres, black-out. Je me suis réveillée dans un lit inconnu, sans batterie, un mal de crâne, et zéro souvenir. Je me suis retournée et je l’ai vu, ce barman-là. Il m’a demandé si je me rappelais qu’on avait couché ensemble. Il m’a fallu plus de trois semaines pour me rendre compte que ce black-out n’était pas normal. Je n’ai jamais porté plainte à la police également, déjà qu’il m’a fallu plusieurs semaines pour m’en rendre compte et réaliser.”

Pour elle, cette soirée a laissé des traces indélébiles : “J’ai eu peur de l’accueil que je pouvais avoir en allant déposer plainte. Je n’ai jamais voulu de ce rapport sexuel, je n’étais pas en mesure d’en avoir, et je n’ai jamais donné mon consentement à me faire droguer et abuser.”

Ce traumatisme concerne des dizaines de filles comme Amélie aussi: “ Je suis traumatisée par cette nuit où je ne me souviens de rien. Début juin 2018, après mon 1er verre black out total jusqu’au petit matin où je me suis réveillée nue a un arrêt de tram (je n’avais que mon jeans, plus de culotte, plus de body de la veille, ma veste dans le sac). Je n’ai aucun souvenir de ce qu’il s’est passé, et cette histoire m’a profondément détruite et changée. Ça m’a traumatisé à un point inimaginable, j’avais plus envie de vivre.”

Un traumatisme qu’a vécu aussi Mélanie: “ Je n’avais bu que quelques verres ce soir-là, mais après avoir accepté des shots du gérant/serveur de l’époque, ma soirée et celle d’une amie à moi a viré au noir. »

Heureusement pour elle, son copain de l’époque est très vite venu “me chercher au El café après son shift, sur le chemin vers la maison (dans la voiture), j’étais bizarrement super euphorique. Mais très vite, je suis passé du rire aux larmes. C’est jusqu’à ce jour la nuit la plus dure que j’ai passé d’un point de vue physique et psychologique.

Agressions sexuelles

Pour d’autres, comme Sarah, le cauchemar est irréparable : “ Après une soirée au Waff, j’ai subi une agression sexuelle qui m’est arrivé il y a à peu près deux ans.”

Charline a aussi vécu l’enfer: “J ’ai eu un black out. Je me suis réveillée avec des bleus sur le corps et un gros trou au niveau de la mémoire. Une douleur aux parties intimes et un tampon qui a disparu

Des parents inquiets

Tous ces faits n’ont pas qu’un terrible impact sur les jeunes filles, ils inquiètent aussi les parents, comme l’explique Danièle, une maman vivant en France: “Ma fille de 20 ans a été victime avec ses amies au bar « El Café » dans la nuit du mardi 5 octobre au mercredi 6 octobre. En tant que maman, je tenais à témoigner moi aussi. Quelle atrocité de lire les messages d’appel au secours de sa fille à 6h45 du matin ! « Maman réponds moi, je me suis retrouvée à l’hôpital sans téléphone, sans rien ! Je ne me souviens plus de rien, je ne fais que pleurer, je suis rentrée en taxi, je t’écris depuis mon ordinateur, je n’ai plus mon téléphone.»

L’enquête se poursuit sur le terrain pour faire à présent toute la clarté sur les agissements décrits. Sur les réseaux sociaux, un appel au boycott des deux bars a été lancé. De son côté, Le Waff – l’autre bar incriminé – a réagit, assurant « prendre très au sérieux les commentaires sur les réseaux et avoir mis à pied la personne concernée par principe de précaution. »

V.Li. et M.Gu

• Une chronique radio de Marine Guiet