Anderlecht : quels sont les projets autour du bassin de Biestebroeck ?

Bassin de Biestebroeck - Canal Anderlecht - BX1

Une trentaine de personnes occupent depuis vendredi un bâtiment au bord du canal à Anderlecht pour manifester leur opposition au projet immobilier Key West/A’Rive. Les militants dénoncent un projet de logements de luxe en décalage par rapport au quartier. Ce quartier c’est celui du Bassin de Biestebroeck, à côté de Cureghem. Une zone promise à des transformations profondes : 4000 nouveaux logements doivent sortir de terre dans les prochaines années, amenant 12 à 15.000 habitants supplémentaires. Une densification hors norme, qui se traduira par de nombreux besoins en équipements, en espaces publics, en services, en mobilité. Et suscite des inquiétudes. 

Biestebroeck était jusqu’au début des années 2000 l’une des grandes zones d’industrie urbaine de la région bruxelloise. Un territoire de 47ha, à vocation industrielle et résidentielle, situé autour du bassin sud du canal, au niveau du pont de Cureghem, connecté au ring et à la voie d’eau.

C’est en 2012 que le changement s’amorce. La région décide de changer l’équilibre des affectations et de renforcer la part dévolue au logement en modifiant sa définition au PRAS (Plan régional d’affectation du sol). Si la zone était jusque-là affectée en ZIU (Zone d’Industries Urbaines), elle devient une ZEMU (Zone d’Entreprises en Milieu Urbain). Et la nuance n’est pas anodine. À l’époque, le PRAS entendait répondre au boom démographique annoncé par l’IBSA par la construction de logements notamment, rappelle l’architecte et urbaniste Gery Leloutre. Si le développement d’activités productives reste bien prévu dans le cadre de la nouvelle affectation, la promotion immobilière commence à s’intéresser à ce petit morceau de ville. Le quartier attire de plus en plus d’investisseurs, qui rêvent d’y construire des habitations avec vue sur le canal.

Densification hors norme

En 2017, la commune d’Anderlecht adopte un PPAS (Plan particulier d’affectation du sol) qui prévoit notamment la création de 4000 logements, privés dans leur grande majorité, ainsi que des équipements, essentiellement scolaires (crèches, écoles), financés en partie par les charges d’urbanisme. Les projets se multiplient. Certains sont abandonnés ; on se souvient notamment de la marina entourée de logements de luxe qu’un promoteur voulait aménager le long du quai Fernand Demets. Mais bien d’autres sont en passe de voir le jour.

Le PPAS a été partiellement annulé en septembre 2020 par le Conseil d’État, suite à un recours introduit par la Maison des huissiers de justice, située dans le quartier. Cela n’a pas empêché les projets de se développer. Dans les années qui viennent, ce sont donc 15.000 nouveaux habitants qui sont attendus dans le quartier, confirme le bourgmestre d’Anderlecht Fabrice Cumps (PS). Une densification hors-norme, avec des « densités infernales de logement (…) dont la grosse majorité restera inaccessible aux habitants » et alors que les équipements sont déficitaires dans le quartier, dénonce Inter-Environnement Bruxelles (IEB). La commune indique que les développements intègreront la création de crèches, dont une financée par les fonds Feder et Citydev, et de deux écoles « tronc commun » : l’une de la 1ère maternelle à la 3e primaire, financée et prise en charge par Citydev ; l’autre secondaire supérieur, financée par le promoteur Atenor, à titre de charges d’urbanisme.

Une foule de projets

Ainsi, plusieurs projets sont en cours.

►Le projet Key West (désormais « A’Rive »), développé par le consortium Immobel/BPI en tête de bassin, prévoit 524 logements dont une tour de 80 mètres de haut. Il comprend aussi la création d’une crèche de 42 places financée par les charges d’urbanisme. Le projet est bloqué suite à l’annulation du permis d’environnement après un recours de l’association Inter-Environnement Bruxelles. Une nouvelle demande de permis est à l’instruction. En attendant, le site fait aujourd’hui l’objet d’une occupation par des militants qui dénoncent le développement de tours de luxe.

►Juste en face, au quai Demets, à l’emplacement de l’ancien projet de marina, le promoteur Axel Vervoordt, a déposé une demande de permis d’urbanisme pour un projet de logements.

►Le projet City Dox, développé par le promoteur Atenor prévoit la construction de près de 1000 logements. Une partie de l’ensemble (une centaine de logements), situé au coin du boulevard Industriel et de la rue du Développement, est construit et habité. Il comprend également une séniorie. Le chantier du deuxième ensemble doit commencer prochainement le long du canal. Il comprend notamment trois « tourettes » de 14 étages, de 170 logements chacune. Le projet comprend aussi du bureau et une école.

►Le projet « Urbanities », porté par la société Rivand (groupe Boghossian), veut développer un projet sur un terrain situé le long de la digue du canal. 580 logements, ainsi que des activités productives. Un permis de lotir a été délivré, la demande de permis d’urbanisme n’a pas encore été déposée.

►Deux ensembles développés par Citydev et la SLRB:

■ CityGate I, qui comprend trois îlots. Rue Docteur Kuborn, 118 logements moyens ont été inaugurés en 2020, ainsi qu’un espace commercial de 444 m². Rue des Goujons, 35 autres logements conventionnés doivent voir le jour, ainsi qu’un centre social et de santé intégré de 1500 m². Une centaine de logements moyens sont prévus dans le troisième îlot, rue des Marchandises, ainsi qu’une crèche de 14 places.

■ Petite Ile/CityGate II, rue des Goujons, développé par SLRB et Citydev. Dans un vaste bâtiment industriel, les anciennes usines de filature Le Vesdres, 130.000 m² aujourd’hui en occupation temporaire (Studio CityGate), 363 logements vont sortir de terre : 254 logements sociaux (SLRB), et 108 logements moyens acquisitifs (Citydev). Le projet comprend aussi une école fondamentale à pédagogie active de 500 élèves et une école « tronc commun » (de la 1ère primaire à la 3e secondaire) pour 750 élèves. 12.000 m² d’activités économiques sont encore prévues sur le site. Le début de ce conséquent chantier est annoncé pour octobre 2024.

Vers un nouveau PPAS ?

Si Biestebroeck est une zone mixte, de logements et d’activités productives, « dans les faits, il n’y a pas d’équilibre : le logement représente 80% des développements. », constate encore Claire Scohier, d’IEB. Le principe de la ZEMU, développer des logements tout en garantissant le maintien d’activités productives, s’avère difficilement applicable sur le terrain : il se traduit par des espaces hybrides – entreprises au rez-de-chaussée, logements aux étages – dont les contraintes techniques peuvent être lourdes et se révéler dès lors peu rentable pour les investisseurs, analyse Gery Leloutre. Ainsi les activités productives, comme la logistique, risquent de se réduire fortement. Or il s’agit d’activités potentiellement génératrices d’emploi.

En attendant, la majorité anderlechtoise (PS-Ecolo) s’est accordée sur les grandes lignes du nouveau PPAS. Les associations, comme IEB, voyaient dans l’annulation du premier PPAS l’occasion de favoriser davantage le logement social, les équipements collectifs et un meilleur équilibre logements/activités productives. Mais la version actualisée devrait être en tout point similaire à l’ancienne (concoctée à l’époque par la précédente majorité PS-MR), nous indique Fabrice Cumps (PS). « Le recours en justice était motivé par des raisons juridico-administrativeLe fond du dossier n’était pas en cause. ». Le nouveau plan devrait être présenté dans les mois qui viennent.

S.R.

Revoir notre émission : Quel avenir pour le Pont Marchant, au quai de Biestebroeck ?