L’édito de Fabrice Grosfilley : rigueur contre colère
Rigueur budgétaire contre colère populaire. Voici résumé en une formule les débats qui se jouent à presque tous les niveaux de pouvoir.
Rigueur budgétaire au fédéral, où Bart De Wever réunit ses principaux ministres ce matin. Un conseil restreint pour tenter d’arracher un accord, alors que ce week-end le Premier ministre a encore mené des entretiens bilatéraux sur la question. Il estime qu’il faudrait trouver dix milliards pour remettre le budget fédéral 2029 sur de bons rails. Le Premier ministre a même proposé d’opérer un saut d’index pour aider à faire des économies, proposition recalée par la plupart de ses partenaires.
Théoriquement, cela devrait être la dernière ligne droite dans ces discussions puisque demain, à 14 h 15, le Premier ministre doit se présenter devant les députés à la Chambre pour prononcer son discours de politique générale. Bart De Wever dit qu’il ne se sent pas lié par cette échéance. Mais prononcer ce discours sans pouvoir y associer un accord budgétaire serait un précédent qu’on ne manquerait pas de lui reprocher : l’indication que la majorité fédérale a bien du mal à s’en sortir.
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Rigueur budgétaire aussi à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le gouvernement d’Élisabeth Degryse a annoncé un budget pour l’année prochaine qui se traduit par des économies tous azimuts : forte hausse du minerval pour les étudiants, salaire des futurs régents revu à la baisse, gel des dotations pour la culture, augmentation de 10 % du prix des stages Adeps.
Ajoutez à cela l’augmentation de la charge horaire pour les enseignants du secondaire supérieur, qui passeront de 20 à 22 heures de cours — une mesure qui, d’après Le Soir de ce matin, pourrait provoquer la suppression de 1 500 emplois dans le monde enseignant.
Rigueur budgétaire encore en Région bruxelloise, où il faut trouver un milliard en quatre ans. C’est, en tout cas, l’objectif que se sont donné les six partis qui participent aux discussions autour de David Leisterh. Là, les mesures ne sont pas encore arrêtées : elles font l’objet d’un bras de fer.
D’un côté, les libéraux (MR et Open VLD) veulent un assainissement profond des finances bruxelloises et aimeraient quelques mesures symboliques fortes destinées à frapper l’opinion. De l’autre, le PS, Vooruit et Groen s’opposent au détricotage de mesures phares décidées sous la majorité sortante.
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Un exemple parmi d’autres : les abonnements à 12 euros à la STIB. « Ça coûte trop cher », disent les libéraux. « C’est socialement utile et cela contribue à l’amélioration de la mobilité », répondent les socialistes et Groen, ajoutant que l’économie réalisée en augmentant le prix des abonnements préférentiels ne serait qu’une goutte d’eau dans l’océan du déficit.
La rigueur budgétaire, c’est aussi en France, d’ailleurs, puisque c’est autour de cette question que le monde politique français se déchire. Faut-il ou non renoncer, décaler, suspendre la réforme des retraites ? La réponse à cette question risque de conditionner les chances de survie du nouveau gouvernement français — un gouvernement que le Premier ministre démissionnaire, puis finalement réinstallé, Sébastien Lecornu, a présenté hier soir.
Face à cette volonté de rigueur se dresse donc la réaction populaire : la colère.
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En France les opérations “bloquons tout” et les mobilisations syndicales, déjà en route.
Depuis vendredi, à la Fédération Wallonie-Bruxelles, outre les partis d’opposition, on a entendu la Ligue des familles, les syndicats d’enseignants et le monde culturel monter au créneau.
Demain, dans les rues de Bruxelles, on devrait voir — outre le monde enseignant et culturel — tous ceux qui veulent protester contre les mesures affectant les pensions et le pouvoir d’achat. La menace d’un saut d’index évoquée par Bart De Wever agit de ce point de vue comme un chiffon rouge, propre à galvaniser les manifestants, comme si le Premier ministre avait voulu apporter sa contribution à la mobilisation.
Les syndicats attendent ce mardi 100 000 personnes. Ils auront à leurs côtés une quarantaine d’organisations de la société civile, signe d’un malaise qui ne touche pas que le monde du travail et atteint désormais tout un pan de la société belge, qui craint de voir son mode de vie détricoté.
Au travers de cette manifestation, c’est aussi un affrontement sur la durée qui se dessine entre les tenants de la rigueur budgétaire et les défenseurs d’une certaine idée de la société européenne, où le rôle de l’État et de ses différents niveaux de pouvoir est d’aider à absorber les chocs économiques et à corriger les inégalités.
D’un côté, ceux qui pensent que l’Europe n’en a plus les moyens. De l’autre, ceux qui estiment qu’il faut à tout prix éviter une plongée dans l’austérité, synonyme d’une encore plus grande précarité.
Fabrice Grosfilley





