L’édito de Fabrice Grosfilley : Donald Trump, good cop et bad cop à la fois

Donald Trump peut-il réussir à imposer la paix au Proche-Orient ? Résumer ainsi les ambitions du président américain, c’est déjà souligner toute l’ambiguïté et toutes les limites de son initiative. On n’impose pas la paix, on la négocie. Pour conclure une paix durable, il faut l’accord des deux parties. Il faut aussi reconnaître l’existence de l’autre. Or cette région du Proche-Orient souffre justement d’une absence de reconnaissance mutuelle, puisque chaque camp refuse à l’autre le droit de partager la terre sur laquelle il s’estime légitimement installé.

Je ne vais pas vous refaire le résumé de plusieurs siècles d’histoire, ni même un condensé de ce qui s’est passé depuis la création de l’État d’Israël en 1948. Mais il faut rappeler qu’il n’y a pas de fatalité et que le dialogue entre Palestiniens et Israéliens n’a pas toujours été impossible. En 1993, les discussions entre Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, et Yasser Arafat, leader historique de l’OLP, avaient abouti aux accords d’Oslo. Ceux-ci prévoyaient le retrait des troupes israéliennes d’un grand nombre de territoires occupés et le transfert des responsabilités à une Autorité palestinienne chargée d’assurer la sécurité de ces territoires. Une poignée de main historique devant les caméras à la Maison-Blanche, en présence du président américain de l’époque, Bill Clinton, avait fait croire à un tournant historique et à une possible fin du conflit.

En réalité, Israël ne s’est jamais retiré des territoires occupés. Yitzhak Rabin a été assassiné deux ans plus tard. Yasser Arafat est mort en 2004. Leurs successeurs respectifs n’ont jamais été capables de s’inscrire dans une dynamique comparable.

Hier, devant les caméras de la Maison-Blanche, il n’y avait donc pas de Palestinien.  C’est l’angle mort, l’impensé de la proposition Trump qui légifère d’en haut et à la place des principaux concernés. Seul Benjamin Netanyahou se tenait donc  aux côtés de Donald Trump. Contraint d’approuver du bout des lèvres un plan de paix auquel il ne semble pas réellement croire, il précisait immédiatement que le plan B était déjà prêt : « Si le Hamas rejette votre plan, Monsieur le Président, ou s’ils disent l’accepter mais font ensuite tout pour le bloquer, Israël terminera le travail lui-même », a-t-il déclaré depuis le perron de la Maison-Blanche.

On a le droit de croire aux miracles. On doit reconnaître à Donald Trump qu’il a le mérite de s’impliquer dans le dossier, d’essayer d’imposer une solution et de tenter quelque chose qui ne plaira pas aux ultras des deux camps. À ce stade, le plan n’est pas rejeté par Israël. Il est transmis au Hamas, qui n’a pas encore répondu. L’espoir est donc permis. Mais il est ténu. Nous ne connaissons pas encore tous les détails du plan. À ce stade, il paraît assez illusoire que le Hamas libère d’un coup tous les otages qu’il détient sans obtenir en retour des garanties précises et crédibles sur le retrait des soldats israéliens de Gaza. Le calendrier éventuel de ce retrait n’est pas connu. Pour les Palestiniens, ce ne sera pas un petit détail.

Et puis surtout, on a du mal à suivre Donald Trump. Et donc du mal à croire à l’implication durable du président américain. Il y a quelques mois, il parlait de déporter les Palestiniens et de transformer Gaza en une nouvelle Riviera, et avait déjà contacté les promoteurs immobiliers, nécessairement emballés. Un plan de reconstruction qu’il affirmait « formidable ». Il menaçait le Hamas de destruction totale et s’alignait résolument sur la politique de Benjamin Netanyahou. Aujourd’hui, il parle d’un futur État palestinien et pousse Netanyahou à présenter des excuses au Qatar. Quel Donald Trump est le vrai ? Celui de février, qui publiait une vidéo sur son projet de Riviera ? Ou celui de novembre, qui nous vend un plan en 21 points ?

Vous connaissez l’archétype des films américains avec le good cop et le bad cop, qui alternent la carotte et le bâton pour faire plier leurs adversaires. Donald Trump incarne les deux personnages à la fois. Sur le Proche-Orient, comme vis-à-vis de la Russie, de la Chine ou de l’Europe avec ses droits de douane, on finit par ne plus savoir où il veut en venir.

BX1
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