L’édito de Fabrice Grosfilley : de l’emploi pour tous et toutes

Ce lundi matin, Fabrice Grosfilley revient sur le taux d’emploi et la polémique autour de Bernard Clerfayt.

Améliorer le taux d’emploi. L’amener à 80% de la population en âge de travailler, c’était le grand objectif de cette législature fédérale. 80% de taux d’emploi, cela veut dire que 8 personnes sur 10 en âge de travailler sont effectivement au travail. Dans un vrai job, pas au chômage, ni en formation, ou en prépension. L’objectif de 80% ne sera probablement pas atteint, mais on jugera cela en fin de législature. Après trois années marquées par le Covid-19, la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l’énergie, cette question du taux d’emploi refait donc surface. Être au travail, chercher du travail, ne pas perdre son travail est plus que jamais une préoccupation à la Une de l’actualité.

Cette question du travail se décline sous plusieurs facettes dans l’actualité de ce lundi. D’abord avec ces conflits sociaux dans le secteur de la grande distribution. La reprise de Mestdagh par le Français Intermarché, le passage sous franchise des magasins Delhaize : ces décisions managériales posent la question de la qualité du travail. Quels horaires, quelles contraintes, avec quelle protection et quelle rémunération ? Les inquiétudes sont grandes tant à Intermarché que chez Delhaize. Parce que le travail ce n’est pas qu’une statistique, ce n’est pas qu’un état social (être travailleur ou demandeur d’emploi), c’est une réalité concrète, qui, pour beaucoup de salariés, pose la question du sens. Que faisons-nous de notre journée, pourquoi ce travail consomme-t-il autant d’heures et d’énergie pour aussi peu de satisfaction ?  Sommes-nous épanouis dans ce travail ?

Autre manière d’aborder le travail, la possibilité de bouger pour son travail. La mobilité professionnelle, comme on le dit dans le jargon des spécialistes. Celle qui nous permet de passer d’un travail à l’autre. Celle qui nous incite aussi à aller chercher du travail loin de chez nous. Près de 56 000 bruxellois vont travailler en Flandre, rapporte le journal le Soir ce matin. Le chiffre est en augmentation. Il bat en brèche une idée reçue qui voudrait que le francophone ne cherche pas vraiment du travail, estimant le chômage fort avantageux, et qu’il attendrait que ça lui tombe dans le bec, tout cuit. Il faut se méfier des idées toutes faites et des procès d’intention, surtout quand on ne s’est soi-même jamais retrouvé dans la position de chercher d’emploi. Le paradoxe du travail à Bruxelles veut que les Bruxellois peu qualifiés doivent aller chercher du travail en Flandre, dans l’industrie notamment. Alors que de nombreux flamands mieux qualifiés viennent travailler à Bruxelles, dans le secteur tertiaire, les administrations, les banques, l’informatique ou le commerce…

Évidemment, difficile ce matin d’évoquer le travail sans faire référence à la polémique déclenchée par le ministre bruxellois de l’emploi Bernard Clerfayt vendredi. Pour justifier un faible taux d’emploi des femmes en Région Bruxelloise, le ministre a évoqué sur LN24 un modèle méditerranéen, je cite : “que ce soit des Italiens, Marocains ou Turcs d’origine. C’est un modèle familial où monsieur travaille et madame reste à la maison pour s’occuper des enfants “. Les propos ont provoqué un tollé.  Parce qu’ils mélangent sans doute un peu vite des difficultés sociales avec des origines familiales, qui se recoupent sans qu’on sache ce qui est le plus déterminant. Ce matin, la Libre Belgique note ainsi que le taux d’emploi des femmes immigrées non européennes est effectivement assez nettement plus bas que les autres. Mais est-ce à cause du “modèle méditerranéen”  pour reprendre l’expression de Bernard Clerfayt, ce qui induirait une question de culture ou de tradition ? Ou parce qu’il se trouve que ces femmes-là sont plus nombreuses à ne pas posséder de diplôme, ne parlent pas la langue, sont discriminées à l’embauche ? Qu’elles ne trouvent pas de crèche ou que la rémunération proposée, souvent à temps partiel, n’en vaut pas la chandelle. ? Le débat n’est sûrement pas simple. Mais discriminer et décourager, n’était sans doute pas la meilleure manière de l’aborder.

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Fabrice Grosfilley