Faut-il revoir la stratégie de vaccination ? Un ‘reset’ sur les rails

Après des couacs à répétition, la stratégie de vaccination sera réévaluée dans les prochains jours. Mais quelles pistes pour l’améliorer ?

Mercredi, le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (sp.a) réunira ses homologues lors d’une réunion autour de la stratégie de vaccination. L’objectif sera notamment d’étudier différentes pistes afin d’accélérer la vaccination.

La stratégie de vaccination réévaluée mercredi

Ainsi, trois questions ont été adressées par le ministre au Conseil Supérieur de la Santé. Trois pistes, qui, si elles se révèlent fructueuses, pourraient accélérer la vaccination : l’octroi du vaccin AstraZeneca aux plus de 55 ans, l’administration de la seconde dose du vaccin Pfizer 42 jours après la première injection plutôt que 21 jours comme actuellement, et une injection unique plutôt que deux doses.

Ce sont des pistes intéressantes, mais si c’est pour rajouter de la complexité à la situation actuelle, alors qu’on voit qu’on n’est pas capable de vacciner les gens avec des questions simples, sincèrement cela ne va pas me rassurer. J‘aurais préféré qu’ils reposent des questions beaucoup plus globales sur comment sélectionner les populations à risque sans enfreindre le secret médical (ce qui pouvait être résolu par le secret médical, mais n’a pas été posé), il y a-t-il d’autres stratégies dans le monde pour nous faire sortir plus vite du confinement (la réponse est oui, l’Ontario a une stratégie de vaccination tout à fait originale basée sur les concentrations démographiques en plus des strates d’âge. Cette question n’a pas été posée alors que l’Ontario prévoit de sortir des difficultés un mois avant les autres)“, estime Philippe Devos, médecin intensiviste au CHC Montlégia et président de ABSyM, “J’aurais préféré qu’on fasse une table ronde, avec une réflexion globale, qu’on demande ‘si vous deviez refaire la stratégie de vaccination aujourd’hui, qu’est-ce que vous proposeriez ?’, parce qu’ici, en posant trois questions, on ferme toute une série d’autres questions, c’est ça qui me déçoit

 

Mettre les généralistes dans la boucle

L’une des pistes évoquées, quant à la révision de la stratégie de vaccination, est d’impliquer davantage les généralistes. “Des stratégies mixtes, qui mélangent centres de vaccination et campagne de vaccination chez les généralistes. Cela permet que, lorsque le centre de vaccination n’est pas prêt ou a des couacs, les doses sont quand même utilisées chez les généralistes. Cela aurait évité d’avoir 400.000 doses encore au frigo. Pour les patients les plus convaincus, les centres de vaccination sont adéquats, mais ceux qui ont des hésitations ou des difficultés pour s’y rendre, la médecine générale est une alternative“, explique Philippe Devos.

L’intensiviste est rejoint sur ce point par la députée fédérale Catherine Fonck (cdH), qui plaide depuis des semaines pour une révision de la stratégie de vaccination. “Les autorités ont toujours dit, jusqu’à maintenant, que les généralistes ne pouvaient pas être associés à la vaccination, en cabinet, à cause des problèmes de logistique. Autant pour le vaccin de Pfizer, c’est vrai que cela pose plus de difficultés, car il faut qu’il soit conservé à -80 degrés, même si après on a quand même plusieurs jours pour le conserver, autant par exemple celui d’AstraZeneca est un vaccin qui doit seulement être conservé au frigo“, évoque la députée, “Chaque année, les généralistes vaccinent 2,5 millions de personnes en l’espace de quelques mois de manière extrêmement efficace. Ils représentent une forme d’armée sanitaire sur laquelle on doit miser. On ne doit pas les obliger, car pour un certain nombre d’entre-eux, il y a peut-être des  aspects plus compliqués en matière d’organisation, mais n’excluons pas différentes facettes : aujourd’hui, ce sont uniquement les centres de vaccination qui ont été retenus, mais travaillons avec eux ainsi que les médecins généralistes et les hôpitaux pour les patients chroniques“.

Du côté de la task force vaccination, on nous confirme que ce point “n’est pas sur la table des décisions à prendre très rapidement.

Interview de Philippe Devos, intensiviste et président de l’ABSyM

Quid d’autres pistes ?

D’autres pistes sont également avancées par nos intervenants. “Il faut revoir toute l’organisation, vacciner 7 jours sur 7, travailler dans les centres mais sans laisser de côté les médecins généralistes (…), travailler avec les hôpitaux pour que les médecins spécialistes vaccinent les patients chroniques avec des pathologiques lourdes qui sont très souvent à l’hôpital“, évoque Catherine Fonck, députée fédérale humaniste, “Le principe doit devenir ‘un vaccin livré = un vaccin administré‘. On doit cesser de stocker comme on le fait aujourd’hui, ça n’a pas de sens. Et puis tenir compte des dernières évolutions au niveau des données scientifiques : aujourd’hui, les ministres sont braqués dans les notices des vaccins, qui portent sur des études qui ont été faites il y a des mois sur quelques dizaines de milliers de personnes. Aujourd’hui, on a des données scientifiques avec des millions de personnes à travers le monde qui ont été vaccinées, et toute une série d’études montres qu’on peut par exemple espacer la deuxième dose de Pfizer à six semaines avec la même efficacité, ça a déjà été validé par l’OMS le 5 janvier. Plein de pays l’ont déjà appliqué, ce qui permet d’accélérer terriblement et de protéger beaucoup plus vite plus de personnes. C’est vital ! “.

Interview de Catherine Fonck, députée fédérale CDH

L’ABSyM au Conseil d’Etat quant à la stratégie de vaccination

Ce week-end, l’association des syndicats médicaux, l’ABSyM, a annoncé saisir le Conseil d’Etat quant à la stratégie de vaccination. Ainsi, le syndicat estime que la procédure d’identification des patients à risque viole le secret médical.

L’ABSyM saisit le Conseil d’Etat contre la stratégie de vaccination

On a créé une loi, mais elle est beaucoup trop floue. On comprend l’intérêt de sélectionner les personnes à risque, on comprend cela, mais la manière dont c’est fait en Belgique est quand même interpellante. Ici, ce qui est écrit dans la loi, c’est que sans avoir à motiver la gravité des choses que vous voulez éviter, quelqu’un qui n’est pas médecin et qui n’est pas défini dans la loi, peut rentrer dans votre dossier médical sans votre consentement, sans qu’il y ait une trace qu’il est rentré chez vous, prendre les données qui sont dedans, les mettre dans une autre base de données, conserver cette autre base de données pendant 30 ans. Pour en faire quoi ? On en sait rien. Et tout cela sans que vous ayez pu vous y opposer, ou que votre médecin l’ait pu.“, explique Philippe Devos, président de l’ABSyM, “C’est la fin du secret médical en Belgique. Je comprends qu’il faille sélectionner les populations à risque, mais cela pouvait bien se faire avec un système qui existe depuis des années : les ordonnances. Et ce, sans lever le secret médical“.

 

■  Le point avec Arnaud Bruckner dans Toujours + d’Actu