Décolonisation : les politiques bruxellois prennent position face au passé colonial

Statue Leopold II - Belga Thierry Roge

À quelques jours des 60 ans de l’indépendance du Congo et dans le contexte de lutte contre le racisme et les discriminations, quelle est la position des partis bruxellois sur la question de la colonisation ? Certaines communes mènent déjà un travail au niveau local, le Parlement bruxellois s’empare lui aussi du sujet et une commission spéciale “de conciliation” va se tenir à la Chambre. Le dossier est délicat et Bruxelles a un rôle important à jouer.

Symboles de la colonisation au Congo, les statues de Léopold II sont aujourd’hui la première cible de ceux qui veulent rétablir une vérité historique autour du passé coloniale de la Belgique. “La statue n’est pas neutre” explique Marie Lecocq, co-présidente d’Ecolo Bruxelles “c’est la glorification d’une personne, il y a un piédestal, et là, il y a des questions à se poser.” Les Verts Bruxellois ne sont cependant pas pour déboulonner toutes les statues en question. “Nous voulons que les Bruxellois se réapproprient l’espace public. Il faut rendre l’espace public plus réaliste, plus collectif.” Par la contextualisation claire des statues et autres références à l’époque coloniale, “mais aussi pourquoi pas en érigeant une statue à un Belge, un Congolais qui a lutté contre la colonisation et la discrimination.

Il faut faire un travail de mémoire”, précise Ridouane Chahid, chef de groupe PS au Parlement bruxellois, “pour que les uns et les autres puissent prendre leur responsabilité. C’est l’objet d’une résolution déposée par la majorité au Parlement bruxellois. Il ne faut pas déboulonner les statues pour les déboulonner, mais expliquer pourquoi on les maintient là où elles sont.”

Regardez notre émission Versus sur la décolonisation, 60 ans après l’indépendance de la RDC

Des statues à contextualiser, un mémorial à inventer

Le président du MR Bruxellois, David Leisterh, veut, lui, sortir du clivage actuel : “Avec la commission spéciale qui va se mettre en place à la Chambre, un travail important va être mené au niveau fédéral avec des experts et des historiens pour établir une vérité historique et une position formelle de la Belgique. Il faut maintenir les statues où elles sont, on ne touche pas au patrimoine, on ne touche pas au passé, mais il faut contextualiser ce passé. On pense à des plaques explicatives ou des QR codes.

Ce débat autour des statues, ça fait des années qu’on en parle !”, souligne Gladys Kazadi, députée bruxelloise cdH. “Pourquoi ? Parce qu’on est face à une partie de la population qui  qui a un mal être par rapport à ça, qui se sent discriminée.” Alors, faut-il les retirer de l’espace public ? “Certaines communes, certaines villes vont peut-être faire ce choix. Ce qu’il faut, c’est les contextualiser. Il ne faut pas effacer l’histoire, il faut pouvoir l’assumer.” Une proposition de résolution a été déposée en ce sens par le cdH au Parlement bruxellois, il y a quelques jours.

Même position, pour Défi. “Nous ne sommes pas pour le déboulonnage des statues en lien avec la colonisation mais pour une contextualisation. Par contre, nous voulons créer un mémorial à la colonisation dans l’espace public. Pourquoi pas Place du Trône ?”, explique Michaël Vossaert, président de Défi Bruxelles.

Pour le PTB, les statues doivent être retirées et placées dans un musée où elles seront contextualisées. “Pour nous, Léopold II incarne la violence du système coloniale belge mais aussi le massacre d’ouvriers lors des luttes sociales de 1886”, précise Françoise De Smedt, cheffe de groupe PTB au Parlement bruxellois. “Nous sommes aussi pour l’installation de statues à la mémoire de ceux qui ont résisté à la colonisation, comme Patrice Lumumba par exemple”.

Enseigner les deux points de vue de la colonisation

Plusieurs partis pointent aussi l’importance de mieux enseigner l’histoire de la colonisation au Congo. “Il faut mieux parler de cette histoire dans les manuels scolaires et guider aussi les professeurs. Ce n’est pas un sujet  simple, beaucoup ont une histoire familiale liée à cette période“ explique Marie Lecocq pour Ecolo Bruxelles. “Il faut raconter l’histoire, des deux points de vue, au niveau scolaire mais aussi culturel. Aujourd’hui, il n’y a que le point de vue du colonisateur. Il faut raconter toute l’histoire pour créer une mémoire collective” ajoute Gladys Kazadi pour le cdH bruxellois. “Ca fait partie de notre histoire! On doit l’enseigner à l’école” précise Françoise De Smedt pour le PTB Bruxellois. “Nous voulons rendre obligatoire l’enseignement de la colonisation dès l’enseignement fondamental” complète David Leisterh, pour le MR bruxellois.

Travailler à différents niveaux de pouvoir

Un travail va se mener au niveau national. Une commission spéciale avec des experts  et des historiens.Cela va permettre de consolider au niveau national une position et une vérité historique”, analyse David Leisterh du MR bruxellois.

Au niveau régional, la majorité (PS-Ecolo-Défi-Groen-Open VLD-One Brussels) a déposé une résolution pour décoloniser l’espace public. Un texte sur lequel, nous glisse-t-on, il faut encore un peu “accorder les violons”. Il devrait être voté avant les vacances parlementaires. “Pour nous ce texte ne va pas assez loin, mais c’est un premier pas et nous le soutiendrons” explique Françoise De Smedt pour le PTB Bruxellois, dans l’opposition. “Nous, nous sommes dans l’attente”, explique Gladys Kazadi du cdH, dans l’opposition également. “Nous attendons la dernière version du texte et nous avons demandé une réunion de travail sur le sujet. Pas de réponse pour l’instant.

Les communes ont aussi un rôle important à jouer. “Il se passe déjà des choses dans les communes. A Ixelles, la statue du Général Storms, chargé par Léopold II de coloniser le Congo au XIXe siècle va être déplacée. A Etterbeek, les noms de rue coloniaux sont temporairement remplacés par des noms de femmes.” explique Marie Lecocq co-président d’Ecolo Bruxelles. “Les débats aujourd’hui me semblent parfois très théoriques, très macro, il faut se les réapproprier au niveau local aussi.

Valérie Leclercq – Photo : Belga/Thierry Roge