Bouchez et De Wever en désaccord sur la mise sous tutelle ? “Ils ont tous les deux raison, ils ne parlent juste pas de la même chose”

Bart De Wever a affirmé qu’aucune mise sous tutelle de Bruxelles n’était possible. Pourtant, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, assure que la Région fonce vers une mise sous tutelle sans gouvernement. Alors, qui dit vrai ? De quoi parlent-ils exactement ? Analyse avec Guillaume Delvaux, politologue.

La mise sous tutelle de Bruxelles est devenue l’un des éléments centraux du discours de Georges-Louis Bouchez face à la situation politique de la Région. Selon le président du MR, sans gouvernement, Bruxelles se dirige de plus en plus vers la tutelle fédérale. “Je veux dire à tous les démocrates de ce pays que si l’on veut que Bruxelles ne rime pas avec tutelle, il est grand temps que la classe politique bruxelloise dans son intégralité prenne ses responsabilités”, avait-il expliqué devant la Chambre en février. Mardi matin, il réitérait ses propres sur BX1 en expliquant que c’était soit la piste d’un gouvernement minoritaire du côté francophone, soit la tutelle.

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Le débat s’est, à nouveau, invité à la Chambre mardi soir. François De Smet (DéFI) a questionné le Premier ministre Bart De Wever sur la volonté du fédéral de placer Bruxelles sous tutelle. “Il y a une absence de hiérarchie entre le niveau fédéral et les États fédérés“, a expliqué Bart De Wever. “Aucune tutelle n’est prévue vis-à-vis de Bruxelles. (…) La tutelle n’existe pas“, a-t-il annoncé.

François De Smet a alors estimé que cette mise au point était intéressante, notamment “pour le président du MR qui n’arrête pas de suggérer que l’inverse est possible“.

Le Premier ministre estime donc qu’une tutelle n’est pas possible, alors que le président du MR indique que la menace est bien réelle. Qu’en est-il réellement ? “Ils ont tous les deux raisons“, explique Guillaume Delvaux, politologue. “Ils ne parlent juste pas de la même chose.”

Bart De Wever et la tutelle juridique

Bart De Wever parle de la mise sous tutelle juridique, dans laquelle la souveraineté et l’autonomie de la Région seraient comprises par une main-mise de l’État. “Dans le cadre institutionnel actuel, la mise sous tutelle juridique n’est pas possible“, confirme Guillaume Delvaux. “Les États fédérés, comme la Région bruxelloise, ont une autonomie par rapport à l’État fédéral. Pour que l’État intervienne et mette sous tutelle la Région, il faudrait alors une 7e réforme de l’État.

Bart De Wever indiquait cependant à la Chambre que “dans certains cas de figure, le fédéral peut intervenir si la fonction de la capitale est sous menace“. Guillaume Delvaux précise : “Cela concerne les domaines de la mobilité, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. Si le gouvernement en place prend des mesures qui pourraient porter atteinte au rôle de capitale de Bruxelles, l’État fédéral peut intervenir.”

De façon concrète, si le futur gouvernement décide, par exemple, de mener un projet de mobilité qui bloquerait totalement l’arrivée des navetteurs dans la capitale, le gouvernement fédéral pourrait agir et interrompre le projet.

Georges-Louis Bouchez et la menace budgétaire

De son côté, Georges-Louis Bouchez ne parle pas de la tutelle juridique, mais d’une ‘tutelle’ budgétaire“, poursuit le politologue. “Si Bruxelles ne peut plus emprunter d’argent et doit demander de l’aider pour se financer, l’autorité qui financera Bruxelles donnera des conditions auxquelles la Région devra se soumettre.”

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Guillaume Delvaux fait un parallèle avec la Grèce, qui a gardé sa souveraineté, mais était dépendante des conditions du FMI et de l’UEM. “La Grèce a eu une diminution de son autonomie, elle était contrainte par la pression financière.”

Cependant, contrairement à la tutelle juridique, “ce n’est pas l’État fédéral qui décide de mettre Bruxelles sous ‘tutelle’ budgétaire, c’est un simplement état de fait lié à une crise de liquidité. Le fédéral répondra à l’appel à l’aide de Bruxelles et posera ses conditions.”

Quant à savoir le type de conditions, c’est encore assez flou selon le politologue. “Il n’y a pas de cadre réel, ce serait du bricolage. Les conditions pourraient être plus ou moins strictes. Le fédéral demandera à la Région de réduire le déficit, soit en laissant Bruxelles choisir comment y parvenir, soit en lui imposant les domaines dans lesquels le budget devra être diminué.”

Une menace réelle ?

Le politologue estime, qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de menace réelle quant à la tutelle budgétaire. Par contre, il est moins optimiste pour le futur. “Si, en juin, on a un gouvernement, un budget et que la cotation Standard & Poor’s est stable, il n’y aura pas de risque. Par contre, si la note se dégrade en juin, la menace sera bien plus réelle.”

Emilie Vanhemelen – Photos : Belga