Rue de la Loi : comment les débats TV peuvent faire basculer l’élection

Il reste 10 jours, 10 jours pour convaincre. 10 jours pendant lesquels les candidats vont encore avoir accès aux médias. C’est la règle rappelée par le conseil supérieur de l’audiovisuel : le jour de l’élection et la veille de l’élection, il n’est plus possible d’organiser des débats politiques et l’expression des candidats dans les médias sera strictement limitée aux besoins de l’actualité.

Jusqu’à vendredi prochain, c’est donc la dernière ligne droite. Aux réunions publiques, distribution de tracts sur les marchés, démarchages en porte à porte s’ajoutent donc les émissions de radio et de télévision. Pour les candidats tête de liste, c’est un marathon puisqu’il y a autant de débats qu’il y a de médias. Évidemment, plus le média concerné est écouté et plus l’enjeu est important. Cela va de quelques centaines de personnes dans une radio locale, à des centaines de milliers lorsqu’on passe sur une chaine nationale en début de soirée.  L’impact est rarement nul.

En théorie, ces débats devraient servir à présenter son programme. Cela devrait être l’occasion d’expliquer au public ce qu’on a l’intention de faire. Le média joue un peu le rôle du catalogue comparatif : en permettant à plusieurs candidats de s’exprimer dans un laps de temps réduit sur le même thème, il aide l’électeur à jauger les propositions. Dans la pratique pourtant, un débat sert aussi à déprécier votre adversaire. Le contredire, démonter ses arguments, contester les chiffres qu’il met sur la table, l’attaquer sur ses prises de positions précédentes ou parfois très anciennes.  Très souvent, les candidats utilisent une majorité du temps de parole qui leur est imparti, non pas à défendre leur programme pour le futur, mais à défendre leur bilan ou attaquer celui de leur concurrent. Certains candidats prennent même tellement de temps pour parler du bilan qu’ils en finissent pas ne pas vraiment répondre aux questions qui concernent le futur. Dans certains cas, c’est un manque d’expérience, dans d’autres une véritable stratégie.

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Ces joutes verbales sont souvent très révélatrices des rapports de force et des relations personnelles que les candidats peuvent entretenir entre eux. Avec ce paradoxe : ce n’est pas contre un adversaire évident que les candidats consomment le plus d’énergie et de temps de parole. C’est au contraire contre celui qui leur est proche, avec lequel ils partagent une partie d’électorat commun que les candidats tapent le plus fort. Par exemple que le Mouvement Réformateur et le PTB n’ont quasiment rien en commun sur le plan idéologique est une évidence. Ils vont se décocher quelques flèches, mais sans plus. Le MR aura beaucoup plus tendance à taper sur Défi et sur Ecolo avec qui il est en concurrence, et le PTB lui va réserver ses meilleurs frappes contre le PS dont il espère détourner les électeurs.

Toutes ces stratégies sont capitales, et tous ces débats ont de l’importance. Ce  sont dans ces dernières interventions à la télévision que certains hommes politiques ont parfois su faire basculer une élection. En lançant la bonne petite phrase au bon moment, ou en annonçant par exemple qu’il ne gouverneraient pas avec un tel ou un tel. Ou à l’inverse en commettant un faux pas, ou en se décrédibilisant à la dernière minute. On se souviendra d’Elio Di Rupo annonçant en 2009 qu’il excluait de gouverner avec le MR dans les gouvernements régionaux. L’uppercut avait été lancé dans un débat TV, dans les dernières heures de campagne. D’autres candidats, qu’on ne citera pas, se sont littéralement écroulés dans cette dernière ligne droite. Les partis qui en ont les moyens vont donc payer des séances de média-coaching pour préparer leurs champions. Presque tous les partis organisent une sorte de répétition la veille ou l’avant-veille d’une grande confrontation. Les experts rédigent des fiches, les conseillers recommandent les punchlines qui devront faire mouche. D’après les derniers sondages parus, et même si vous avez l’impression que la campagne est lancée depuis longtemps, plus d’un électeur sur trois n’a pas encore déterminé pour qui allait voter. Un sur quatre a déjà une idée mais pourrait encore changer d’avis. Ce sont ces indécis qu’il faut aller chercher, et le débat télévisé est un formidable outil pour cela.