Finances communales : des budgets 2021 rongés par le Covid
Les finances locales ont été mises à rude épreuve par la crise sanitaire. Recettes non perçues, dépenses exceptionnelles en personnel et en matériel. Comment dans ce contexte élaborer le budget 2021 ? Certaines communes ne sont pas encore parvenues à le boucler. Et craignent pour la première fois de présenter un budget en déficit.
A Schaerbeek, l’impact financier de ces dix mois de crise se traduit par un manque à gagner de 5 millions d’euros pour l’année 2020. Depuis le mois de mars, plusieurs sources de revenus ont été supprimées, privant la commune de précieuses ressources : la taxe sur les terrasses horeca, une partie des loyers horeca, ou encore les droits d’emplacement sur les marchés. Certaines dépenses ont de leur côté singulièrement augmenté : les achats de masque, de gel hydroalcoolique, de matériel de désinfection, le nettoyage des écoles, les mesures octroyés à certains secteurs touchés.
Difficile dans ce contexte d’élaborer le budget 2021. « On ne sait pas encore ce qui se prépare au niveau sanitaire pour les mois qui viennent, mais nos prévisions doivent malgré tout en tenir compte. », commente Michel De Herde, échevin du Budget. Aussi, Schaerbeek a prévu une réserve d’un million d’euros « pour pouvoir faire face à toutes éventualités et pour couvrir la diminution éventuelle de perception de taxes. On a désormais des stocks de masques et de matériel en suffisance. Mais il est fort possible que malgré les aides existantes, on doive assumer des dépenses supplémentaires. »
S’ajoute une perte évaluée à 2 millions d’euros provenant des rendements de l’IPP. Enfin, autre rentrée amputée, par effet de cascade : celle provenant de parking.brussels, l’organisme bruxellois de gestion du stationnement ayant subi lui aussi les effets de la crise. Manque à gagner : 450.000 euros. En tout donc, près de 3,5 millions d’euros perdus, si l’on compte le million prévu en réserve pour les dépenses covid. Pourtant la commune a présenté un budget en équilibre : « Comme nous n’avons pratiquement plus de réserve, nous avons utilisé un excédent de 2015 que nous gardions en réserve et que nous avons mis au budget 2021 pour qu’il soit en équilibre. »
Taxes sur les kots étudiants
Chapitre investissement, Michel De Herde l’assure : malgré les incertitudes qui pèsent sur l’avenir, le covid n’aura pas d’impact sur les dépenses prévues à l’ordinaire. Notamment sur les dépenses de fonctionnement, de personnel, ou les dépenses de transfert vers le CPAS (42 millions d’euros, soit 300 .000 euros supplémentaire) et la zone de police (41 millions).
Mais certaines taxes augmentent, comme celle sur les kots étudiants : désormais, le propriétaire devra s’acquitter d’une taxe de 185 euros pour la 2ème chambre, 375 euros pour la 3ème et les suivantes, alors que jusqu’ici seule la 4ème chambre et les suivantes étaient taxées à hauteur de 82 euros. Tollé du côté de l’opposition CDH, qui dénonce les conséquences de la mesure sur un public fragilisé, les étudiants. Les propriétaires, s’emporte Cédric Mahieu, le chef de groupe Humaniste au conseil communal, répercuteront la nouvelle taxe sur le montant des loyers. « Nous étions très généreux jusqu’ici. Des propriétaires en profitaient pour transformer des immeubles entiers en kots. La deuxième chambre taxée à 185 euros, cela revient à 0,50 euros par jour. », répond Michel De Herde. Qui jure que l’impôt n’est pas motivé par le contexte covid. Quant à cette autre critique du CDH, qui déplore le manque d’aides prévues pour les secteurs souffrant de la crise, comme le commerce : « Nous n’en n’avons pas les moyens. Au fédéral d’assumer ses responsabilités ! », répond l’échevin des Finances.
Des budgets en déficit ?
Mais toutes les communes n’ont pas encore bouclé leur budget 2021. C’est le cas de la Ville de Bruxelles, pourtant d’ordinaire très ponctuelle en la matière. C’est que le contexte sanitaire rend l’exercice particulièrement complexe cette année. Le bourgmestre Philippe Close (PS) a toutefois déjà annoncé lors du conseil communal du 9 novembre un déficit de 12,5 millions d’euros à l’ordinaire, soit 1,5% des dépenses, aux comptes 2020. Un déficit qui s’explique entre autres par la diminution de 10,8 millions d’euros des recettes initialement prévues et par une hausse de 1,8 millions d’euros des dépenses. Des chiffres qui présagent d’un budget 2021 en déficit ? On voit difficilement comment il pourrait en être autrement. Le cabinet du bourgmestre reste évasif. Tout au plus sait-on que le budget 2021 devrait être prêt pour fin janvier.
En principe la loi communale n’autorise pas les déficits. Elle impose aux communes des budgets à l’équilibre. Mais le gouvernement bruxellois a décidé en avril dernier d’assouplir temporairement la règle d’équilibre budgétaire des communes pour les années 2020 et 2021 étant donné l’impact de la crise liée au Covid-19 sur le budget des communes. « Exceptionnellement un déficit à l’exercice propre sera toléré si la commune peut démontrer que ce déficit n’est pas structurel et résulte de l’impact de la crise et ce pour autant que l’équilibre au niveau du résultat cumulé additionné des réserves ordinaires soit maintenu. », explique le cabinet du ministre en charge des Pouvoir locaux, Bernard Clerfay (DéFI).
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C’est sur cette mesure que table la commune d’Anderlecht. Le budget 2021 n’est pas encore bouclé. Il ne sera pas présenté avant fin janvier, nous apprend le bourgmestre Fabrice Cumps (PS). Et là non plus, sans surprise, le contexte sanitaire n’aide pas. « Globalement, si l’on se base sur 2020, nous sommes à 1,4 million de surcoût lié à la crise. » La principale perte de revenu provenant de la perte de la taxe sur le Sporting, soit entre 600 et 700.000 euros. A cela s’ajoute un catalogue de dépenses non prévues : 250.000 euros pour la protection des travailleurs, 200.000 euros pour la réquisition de l’hôtel pour l’accueil de personnes sans-abri, 100.000 euros de don à l’hôpital Bracops, 100.000 euros pour le matériel de protection… Autant de dépenses que la commune se prépare à reproduire en 2021. Se financer avec les réserves? Encore faut-il qu’elles soient disponibles. Exemple : les recette provenant des taxes sur les antennes GSM n’ont toujours pas été perçues, explique Fabrice Cumps. Bref, la commune songe à présenter un budget en déficit, compte tenue du manque à gagner à prévoir, principalement de la manne du Sporting. Encore faut-il qu’il soit accepté, s’inquiète le bourgmestre. Si pas ? « Il va falloir couper 600.000 euros ailleurs, et cela ne va pas être facile. ». Avec forcément un impact sur les investissements. Et c’est sans compter le CPAS, très touché lui aussi, qui continue de voir les demandes d’aides affluer.
S.R. – Photo : Belga