Covid Safe Ticket : quand le système n’est pas pensé pour tous les cas de figure

Le Covid Safe Ticket sera étendu à Bruxelles dès le 15 octobre. L’accès à nombre de services et de loisirs sera conditionné à la possession de ce pass sanitaire. Pour autant, l’obtention du précieux sésame peut s’avérer… compliquée, que ce soit pour des raisons médicales ou administratives. Qu’en est-il pour les « malchanceux du système », ceux dont la situation n’a tout simplement pas été prévue ?

Atteinte d’un rhume banal à la fin du mois d’août, Delphine M. ne songe pas à se faire tester. Encouragée par une amie, elle décide finalement de consulter son médecin traitant. Celui-ci juge que vu le délai, le PCR n’est plus utile, mais lui prescrit une prise de sang qui révèle que Delphine a fait le Covid. Selon le médecin, vu le taux élevé d’anticorps, la vaccination n’est pas nécessaire dans l’immédiat. Forte de son résultat d’analyse sanguin, Delphine espère pouvoir obtenir son pass sanitaire, via un certificat de rétablissement. Problème : sans vaccination et sans test PCR, point de Covid Safe Ticket (CST).

« La règle, c’est la règle »

Rappelons la règle : pour pouvoir obtenir son CST, il faut pouvoir prouver une vaccination complète (deux doses, sauf pour le Johnson & Johnson), produire le résultat d’un test PCR négatif effectué dans les 72 heures ou un certificat de rétablissement prouvant qu’on est guéri du Covid depuis au moins 11 jours, test PCR positif faisant foi, valable six mois. Delphine n’entre dans aucune catégorie. Dans un tel cas, le médecin aurait dû prescrire et un test PCR et recommander la vaccination, répond Inge Neven, directrice du service hygiène de la Cocom. « La vaccination peut être administrée dès deux semaines après avoir fait la maladie », rappelle Inge Neven, qui insiste : « Les vaccins génèrent une réponse immunitaire beaucoup plus complète et durable que la maladie. La vaccination est donc beaucoup plus efficace. » Et une prise de sang prouvant la présence d’anticorps ? Non valide pour obtenir un CST, tranche Inge Neven : « Les règles sont les règles. ». « Si l’on doit tenir compte de toutes les situations individuelles de ce type, cela devient ingérable. »

« Le problème, c’est que le dosage effectué le plus couramment en laboratoire ne permet pas d’évaluer le taux d’anticorps neutralisants, c’est-à-dire ceux qui seront efficaces en cas de contamination au Covid-19. Autrement dit, rien dans la prise de sang ne permet de dire que la personne est suffisamment protégée contre une nouvelle infection », explique Sabine Stordeur de la Task Force Vaccination. Raison pour laquelle, des résultats de prise de sang ne permettent pas l’obtention d’un CST.

Erreur du médecin donc. La procédure est pourtant connue du corps médical : en cas de suspicion, le patient se voit prescrire un test de dépistage. Finalement, un PCR, prescrit par un autre médecin prouvant les traces de la maladie, permettra à Delphine d’obtenir un certificat de rétablissement.

Mais qu’en est-il des personnes qui se retrouvent hors des clous prévus par le CST ? Ainsi, Aude, juriste de 38 ans, réagit mal à sa première dose de Pfizer au mois de juin, avec des maux de tête de plus en plus envahissants, au point d’être hospitalisée au bout de trois semaines. Des examens révèlent d’importants problèmes sanguins. Elle verra plusieurs spécialistes. Aucun ne peut établir avec certitude un lien causal direct entre la vaccination et son état de santé. Mais son généraliste estime son immunité suffisante et lui recommande d’attendre avant de passer à la deuxième dose. Conséquence : pas de vaccination complète, pas de test PCR positif, pas de CST, avec ce que cela implique pour sa vie quotidienne.

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Malchanceux du système

Il va y avoir une infinité de situations particulières, admet Sabine Stordeur. « Si toutes ne sont pas justifiées, nous essayons de répondre au mieux aux différentes situations qui nous sont rapportées », commente Sabine Stordeur. « Certains médecins incertains font en effet des recommandations qui ne reposent sur aucune base scientifique. » Mais il a fallu tenir compte de certains cas précis. Comme ces personnes qui ont fait une infection après la première dose et qui, du coup, refusent la deuxième. Mais ces cas sont rarissimes, insiste-t-elle : « La proportion des Belges qui n’ont pas eu leur deuxième dose est infime. » Moins de 1%, selon les chiffres de Sciensano.

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Autre occurrence : les personnes présentant une allergie sévère à l’un des composants des vaccins. Pour elles, une procédure est en cours de finalisation, qui prévoit « l’impossibilité vaccinale », si un allergologue de référence constate en effet que la vaccination risque de provoquer une réaction allergique grave. « Mais attention : l’impossibilité vaccinale doit impérativement être attestée par un centre d’allergologie reconnu », insiste Sabine Stordeur. Qui précise que les allergies restent très rares. Jusqu’ici seuls deux cas ont été rapportés, de personnes qui ont suivi l’entièreté de la procédure. Solution ? L’accès à des tests PCR gratuits.

Autres situations qui ont entraîné une certaine confusion : les personnes vaccinées à l’étranger. Si le vaccin administré est l’un des quatre acceptés chez nous, il donne accès au CST. Si vous avez reçu les deux doses de Pfizer-BioNTech, Moderna, AstraZeneca, ou une dose de Johnson & Johnson, il vous suffit de vous rendre chez votre médecin et d’encoder la preuve de la vaccination. Par contre, les autres vaccins (Spoutnik, Sinovac, Sinopharm, etc), utilisés dans de nombreux pays surtout hors Europe, ne donnent pas accès au CST. Un peu moins d’un tiers des 20 000 Belges vaccinées à l’étranger, se trouvent dans le cas. Plus des deux tiers, donc, ont reçu l’un des vaccins reconnus chez nous, confirme Sabine Stordeur.

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Zone grise

« On veille à ne laisser personne sur le carreau », souligne encore la coresponsable de la Task Force Vaccination. Le service est régulièrement informé de situations sortant du cadre prévu. « Chaque fois, on tente de trouver une solution. » Prenez les schémas vaccinaux hétérogènes : deux doses, mais deux vaccins différents, et du coup, pas de CST, « alors que la personne n’y peut rien. » Cela est heureusement en passe d’être réglé, rassure Sabine Stordeur. « Mais au début, les personnes concernées se retrouvaient dans une zone grise. »

S.R.

■ Reportage de Camille-Flora Damanet,  Frédéric De Henau et Djop Medou