Covid long : une étude bruxelloise fait le lien avec la douleur chronique

Selon une étude menée par des chercheurs de l’UZ Brussel et de la Vrije Universiteit Brussel (VUB), plus de 70 % des patients souffrant du Covid long présentent une sensibilité accrue du système nerveux central, comme c’est le cas pour certains malades qui souffrent de douleurs chroniques, celles liées à la fibromyalgie par exemple. Une avancée décisive qui vient d’être publiée dans The Journal of Clinical Medicine et qui va permettre d’adapter la rééducation des patients concernés. Des malades au long cours qui saluent la reconnaissance médicale, mais attendent toujours une réaction politique.

Lorsque le Pr Maarten Moens, neurochirurgien à l’UZ Brussel et spécialiste de la douleur chronique, a entendu parler des symptômes du Covid long (troubles de la concentration, troubles de la mémoire, fatigue extrême…), il a rapidement fait le lien avec les patients qu’il suivait. “On s’est dit qu’il fallait soumettre les personnes atteintes d’un Covid long au même questionnaire que ceux qui souffrent de douleurs chroniques, explique-t-il.

“Sensibilisation centrale”

Cet été, une enquête en ligne a été menée auprès de 567 patients néerlandophones présentant des troubles à long terme après une infection au COVID-19. Objectif : établir un lien entre ces symptômes et le système nerveux.

L’étude révèle que des symptômes de sensibilité accrue du système nerveux (“sensibilisation centrale”) apparaissent chez plus de 70 % des patients Covid long”, précise le Pr Moens. “Le cerveau peut alors interpréter un signal comme étant une douleur sans qu’il y ait réellement un problème aigu ou un dommage réel dans le corps. En outre, le corps commence à réagir de plus en plus fort, ce qui entraîne des troubles diffus, mais sérieux.”

Une avancée médicale majeure

Aujourd’hui, tous les programmes de rééducation d’un Covid long sont basés sur l’état physique du patient. On sait maintenant qu’il faut un volet psychologique, via une thérapie et des séances d’éducation à la douleur”, ajoute Maarten Moens.

Un accompagnement plus ciblé donc, “mais qui n’est pas non plus une pilule pour guérir”, précise le Pr Moens. “C’est du long terme, une adaptation dans la vie au quotidien.

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Une reconnaissance scientifique

Les conclusions de cette étude ont tout de suite parlé à Anne-Sophie Spiette, porte-parole de l’ASBL Covid Long. Le Covid, elle l’a contracté sur son lieu de travail, lors de la première vague, au printemps 2020. “Au début, c’étaient les symptômes d’une grosse grippe avec une atteinte pulmonaire. Ça a duré assez longtemps. C’est quelques mois plus tard que les troubles à la concentration et de la mémoire sont apparus”, raconte-t-elle.

Des symptômes, toujours présents aujourd’hui, même si elle a pu reprendre son boulot en avril dernier. “Mais, je ne fonctionne plus du tout de la même manière” ajoute Anne-Sophie. “Je ne supporte plus la surstimulation, lorsqu’il y a beaucoup de bruit, beaucoup de lumière. Aller à Disneyland ou prendre le train devient une épreuve. J’ai dû acheter un casque antibruit. Je n’avais jamais vécu ça auparavant.

Sophie Meuleman, elle aussi, a contracté la maladie lors de la première vague. “Je suis infirmière et c’était en mai 2020, lorsque nous travaillions avec un simple masque chirurgical.” 19 mois plus tard, une fatigue chronique et des troubles neurocognitifs persistent. “Il est important que des études comme celle-ci fassent avancer le “schmilblick” et parlent de lien avec le système nerveux et pas uniquement d’une maladie du système respiratoire.

Certains patients membres de l’asbl Covid long sont cependant interpellés par les solutions proposées à la suite de l’étude de l’UZ Brussel et de la VUB. “On parle d’éducation à la douleur, cela nous semble un peu léger pour un problème qui est assez handicapant dans la vie de tous les jours”, s’interroge Anne-Sophie Spiette.

“Le gouvernement ne fait rien”

Après plusieurs études menées notamment au CHU Brugmann, les patients Covid long se sentent aujourd’hui reconnus scientifiquement. “Mais le gouvernement ne fait rien. Il n’y a rien qui bouge au niveau politique, rien dans la prise en charge”, déplore Anne-Sophie Spiette.

Même son de cloche chez Sophie Meuleman. “Au départ, ça a été une lutte, on s’est rassemblés via les réseaux sociaux. On a été quelques-uns à se battre pour être reconnus. Certaines mutuelles nous ont bien suivis. Au niveau politique, ça a été compliqué. Une résolution a été votée à l’unanimité à la Chambre, il y a eu un rapport du Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé sur le Covid long, mais toujours pas d’indemnisations. Je tente toujours de faire reconnaître mon Covid long comme maladie professionnelle.”

Maarten Moens confirme : “Sur le plan médical, on sait que le Covid long existe, mais reste le problème du remboursement des traitements. Là, ce n’est pas encore clair.

Je suis assez en colère”, renchérit Anne-Sophie. “C’est un sentiment partagé par tous les membres de l’association. Nous sommes prêts à aller manifester, à passer à autre chose qu’à négocier avec le gouvernement.”

V. Leclercq – Photo : Belga/Dirk Waem

 ■ Interview de Maarten Moens, neurochirurgien à l’UZ Brussel et spécialiste de la douleur chronique, par Fabrice Grosfilley dans Toujours + d’Actu.