Les syndics veulent reporter les assemblées générales, les entrepreneurs s’inquiètent
À la suite des mesures sanitaires en vigueur, impossible de tenir une assemblée générale de copropriétés dans une arrière-salle de restaurant à 200 personnes. Par un arrêté royal, elles sont même interdites jusqu’au 30 juin. Cependant, certains syndics souhaitent tout simplement les annuler pour 2020. Une demande qui fait craindre le pire aux entreprises de rénovation, plombiers et autres ascensoristes qui travaillent dans les immeubles.
À Bruxelles, pas moins de 90% des logements sont des appartements. Cela signifie qu’une grande majorité des propriétaires bruxellois sont concernés par les réunions de copropriétés. Parfois, elles ne servent que de chambre d’entérinement des comptes annuels et, parfois, elles deviennent le lieu de vrais règlements de compte entre voisins, surtout s’il faut décider des dépenses à effectuer pour de gros travaux.
En général, elles se tiennent entre le mois de mars et celui de juin pour reprendre de plus belle entre septembre et décembre. Légalement, chaque copropriété doit avoir une assemblée générale par an. Cependant, à cause de la crise sanitaire, impossible pour les syndics professionnels de tenir des assemblées générales actuellement. Le ministre Koen Geens a pris un arrêté royal le 9 avril dernier, interdisant la tenue de ces réunions avant le 30 juin. L’arrêté précise également que les syndics disposent ensuite de 5 mois pour organiser la réunion qui n’a pu avoir lieu. Elle doit donc se tenir avant le 30 novembre.
Seulement, pour les syndics, le délai est trop court. Impossible de rattraper le retard accumulé. En effet, il est parfois interdit d’organiser des réunions en juillet et août. “Il ne nous reste donc plus que trois mois pour tout faire”, explique Yves Van Ermen, administrateur de la Federia, l’association qui regroupe les syndics professionnels francophones. “Même si nous décidons d’en tenir une en journée, c’est très compliqué. En plus, nous devons envoyer des convocations 15 jours avant la date de la réunion. Cela engendre des coûts et nous craignons qu’on nous repousse encore la date de la reprise possible. Le plus simple est donc d’annuler toutes les AG en 2020 et de reprendre en 2021. C’est ce que nous allons demander au ministre Koen Geens dans les deux semaines.”
Pour que les décisions prises pendant une assemblée générale soient valides, il faut au moins 50% de propriétaires présents ou représentés. “Si nous devons respecter les distances de sécurité, où va-t-on trouver des salles pouvant accueillir 100 ou 200 personnes pour les grosses copropriétés bruxelloises ? En plus, l’horeca est fermé. Personne ne voudra nous louer sa salle. Pour la majorité des copropriétés, l’AG ne sert qu’à valider les comptes. Cela ne poserait donc aucun problème aux propriétaires si cela était fait en 2021. Et si des travaux en urgence doivent être réalisés, alors on organisera une assemblée extraordinaire.”
Des conséquences sur les entreprises de travaux
Pour que les assemblées soient reportées en 2021, il faut aussi un arrêté royal. Et le secteur de la construction, les plombiers, chauffagistes, architectes, ascensoristes qui dépendent en partie des travaux décidés par les copropriétés, ont bien l’intention d’empêcher ce changement de législation.
En effet, si aucune AG ne se tient en fin d’année, cela signifie que leur carnet de commande restera vide pour les prochains mois. “Certaines entreprises n’ont pas les reins assez solides pour le supporter”, explique le directeur d’une société d’étanchéité. “Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas avoir de travail pendant autant de temps.”
Pour ces sociétés, la demande des syndics est inaudible et serait même de mauvaise foi. “Ils ne veulent pas être en surcharge de travail alors que tout le monde fait un effort. En plus, certains syndics qui risquent de ne pas être renouvelés lors de la prochaine AG sont ainsi certains de garder leur contrat. Eux, ils ne sentent pas passer la crise du coronavirus. Ils sont toujours payés et ont moins de travail.”
“Je pense que ces entrepreneurs exagèrent”, rétorque Yves Van Ermen. “Ce n’est qu’un report d’activité et puis ils peuvent déjà reprendre les chantiers en cours. Les ascensoristes que je connais ont tous leur carnet de commandes plein pour les prochains mois.”
Et organiser une assemblée générale virtuelle?
Une solution pour respecter les distances physiques, et également la législation qui oblige la tenue d’une AG par an, pourrait être que ces réunions se tiennent de manière virtuelle. Pour cela, le syndic doit envoyer une convocation par recommandé comme d’habitude, puis les copropriétaires disposent de 30 jours pour demander les documents. La réunion pourrait se tenir en vidéo conférence et ensuite, le vote se ferait par e-mail ou papier. Par contre, légalement, il faut que la décision soit prise à la majorité. “Pour faire cela, il faudrait un arrêté royal également”, précise Yves Van Ermen. “Nous pouvons y réfléchir. Mais vous imaginez la difficulté de mener une réunion à 100 ! Cela serait beaucoup de travail.”
Vanessa Lhuillier – Photo: Belga/Benoît Doppagne