Rue de la Loi : magistrats et avocats dénoncent une justice sous-financée

La campagne électorale est l’occasion pour chaque secteur de se faire entendre. Ce mercredi, ce sont les professionnels de la justice (les magistrats, qu’ils soient membres du ministère public  -les procureurs et le parquet- ou des tribunaux, les avocats, les greffiers,  les experts, les interprètes… ) de tenter de se faire entendre, tous réunis dans des rassemblements devant les palais de justice. Ils étaient environ 200 à se réunir dans la salle des pas perdus du palais de justice De Bruxelles, mais aussi 400 à Namur, une centaine à Bruges, 30 à Gand, etc. Une mobilisation que les plus motivés veulent maintenir, puisqu’ils présentent ce 20 mars comme le coup d’envoi d’une série d’actions :  66 jours nous séparent du 26 mai, 66 jours pour sauver la justice disent-ils.

Ce matin à Bruxelles le procureur fédéral Bernard Michel et le bâtonnier francophone Michel Forges s’étaient joints aux protestataires. « Il ne faudrait pas que le procès Nemmouche (où il a prononcé le réquisitoire) soit l’arbre qui cache la forêt, expliquait le procureur à un journaliste de l’agence Belga, “À partir du moment où un tel procès est organisé, où beaucoup de moyens humains et financiers sont mis en œuvre, il faut savoir que c’est autant de moyens humains et financiers qui ne sont pas affectés à d’autres tâches de la justice“.

Les personnes en quête de justice ont non seulement droit à la justice, mais également à une justice rendue dans un délai raisonnable, par des juges bénéficiant de budgets décents et d’un système informatique performant” renchérissait le bâtonnier Forgès.

La revendication est donc d’ordre budgétaire. 83% du cadre de la magistrature est remplie seulement, d’après eux (Koen Geens parle d’un cadre rempli à 90%) ce qui veut dire qu’il manque un magistrat sur 5 pour avoir un cadre complet. Il faut y ajouter un parc informatique qui date d’un autre temps, des palais de justice qui tombent en ruine, avec parfois des fuites d’eau dans les salles d’audience, des experts payés avec retard. Et en prime une TVA sur les honoraires d’avocat fixée à 21% sous la législature précédente : la justice coûte de plus en plus cher au justiciable et elle fonctionne avec de moins en moins de moyens.

Ce que soulignent ces représentants des magistrats ou des avocats c’est la résurgence d’un bon vieux clivage droite/gauche. D’un coté un gouvernement fédéral qui a voulu faire des économies et qui a imposé une cure d’austérité au budget de la justice et demandé aux magistrats d’acquérir des qualités managériales pour gagner en autonomie. De l’autre ces organisations qui tirent la sonnette d’alarme en rappelant que la justice est un service public, qu’elle doit rester indépendante et performante puisque l’Etat de droit est un des pilier de notre système démocratique. Pas de démocratie réelle sans une justice indépendante et pérenne.

Ce mercredi matin Koen Geens dans une interview au journal le Soir donnait en partie raison aux manifestants. Le ministre estimait qu’il faudrait 740 millions pour refinancer la justice. 300 millions pour des dépenses de personnel et de fonctionnement, 240 millions pour rénover les bâtiments, et encore 200 millions pour le secteur des prisons. Koen Geens qui annonce d’ailleurs que ces chiffres sont un peu ses conditions pour rempiler à ce ministère dans la prochaine législature. C’est un peu comme si celui qui vous avait  serré la ceinture pendant 5 ans, reconnaissait qu’on a été un ou deux crans trop loin.

► Retrouvez la chronique quotidienne Rue de la Loi, du lundi au vendredi vers 17h00, sur BX1.

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20 mars 2019 - 17h34
Modifié le 21 mars 2019 - 09h19