Les garages du quartier Heyvaert pourraient quitter la Région bruxelloise

Le plan d’aménagement directeur (PAD) du quartier Heyvaert, à cheval sur les communes d’Anderlecht et de Molenbeek, est à l’enquête publique jusqu’au 2 décembre. Une première réunion d’information auprès des habitants et des commerçants aura lieu le 6 novembre. Cependant, par rapport à la philosophie de départ, le plan a beaucoup changé. Pour la Région bruxelloise, il n’est plus indispensable que les garages spécialisés dans l’export de voitures vers l’Afrique quittent massivement le quartier. Cependant, les principaux acteurs du secteur se cherchent déjà un nouveau lieu.

Au début de la précédente législature, le gouvernement de Rudi Vervoort (PS) souhaite valoriser le quartier Heyvaert. Il faut dire que les garages prennent de l’espace et les communes comme la Région aimeraient bien que cette activité déménage en dehors des quartiers fortement urbanisés. Une manière de revaloriser par la suite le quartier en créant de nouveaux logements. Alors, la Région, en collaboration avec le Port de Bruxelles, achète un terrain le long du canal, au nord de la Région afin d’installer un terminal dit roll on roll off qui permettrait de transporter les véhicules sur des barges direction le port d’Anvers avant leur grande traversée vers l’Afrique.

Seulement, après plusieurs marchés publics pour trouver un exploitant, le projet coule à pic. “La Région et le Port nous ont aidé mais nous ne pouvions pas être rentables, explique Pierre Hajjar de la Fbev, la Fédération belge des exportateurs de voitures. Le syndicat du port d’Anvers est très puissant. Si les voitures arrivaient par barges, alors c’était aux dockers du port de les transborder. Ils demandaient pour cela un tarif trop élevé. Dans notre secteur, chaque euro compte car le prix de vente des véhicules en Afrique se joue à quelques euros. Nous ne pouvions pas payer 90 euros par voiture contre 15 euros aujourd’hui avec un transport par camion.”

En parallèle, la Région bruxelloise avance sur son PAD. Elle prévoit alors la suppression des garages pour en faire des logements et y mettre une activité productive compatible avec la fonction résidentielle. Seulement, les exportateurs sont majoritairement propriétaire de leur terrain et ne souhaitent pas vendre tant qu’ils n’ont pas le feu vert du côté du port.

Finalement, l’abandon du projet au canal simplifie les choses mais a engendré une refonte du PAD.

Dédensifier le quartier

Le quartier Heyvaert est devenu spécialiste dans l’export de voitures dans les années 80. A cette époque, les terrains sont achetés dans ce quartier dédié au commerce de la viande à cause de la proximité des abattoirs. Aujourd’hui, il fait partie des quartiers les plus complexes avec une population très jeune (32% de la population a moins de 18 ans), un taux de chômage de 36% (48% pour les moins de 25 ans) et une densité relative mais très mal répartie. Les espaces verts sont quasiment inexistant et les liens avec le canal ont été rompus.

La Région souhaite en faire un quartier mixte avec du logement mais aussi des zones d’activité productive. Elle désire aussi faire la part belle à une mobilité plus douce en recréant des accès direct au canal. Les berges seraient également réaménagées avec notamment la suppression de places de parking pour élargir les trottoirs et les zones de recul pour les camions.

Elle désire aussi végétaliser les lieux et dédensifiant les îlots. Le but est que pour tous nouveaux projets, 25% du terrain reste en plein terre. Il faudrait aussi raccorder le nouveau parc le long du trajet de la Senne avec les rues adjacentes. “Cela fait partie de notre nouvelle philosophie, précise Tom Sanders de perspectives.brussels. Nous voulons recréer de l’espace.” 

“C’est une bonne chose de vouloir dédensifier ce quartier, approuve Gaëtan Van Goidsenhoven, député libéral et ancien échevin de l’Urbanisme d’Anderlecht. C’est aussi très bien de vouloir conserver une activité productive mais laquelle? La Région et surtout les communes ne veulent plus faire partir les garages mais eux ne pourront pas rester si nous souhaitons créer des espaces verts.”

Les garages se cherchent une nouvelle implantation

Et c’est un fait. Les exportateurs de voitures se cherchent un nouveau lieu. “Nous souhaitons rester tous ensemble, précise Pierre Hajjar. Pour le client africain, c’est un réel point positif. Quand il vient ici, il peut tout faire à pied. C’est un peu un grand supermarché de l’automobile. C’est pour cela que Bruxelles est numéro un mondial pour l’Afrique de l’ouest. Nous avons donc besoin d’un terrain de 2 hectares et à Bruxelles, cela devient impossible.”

Un des grands acteurs du secteur a déjà trouvé un emplacement le long de la A12. Les autres cherchent du côté de la E19. “C’est la route pour Anvers donc cela nous semble logique. En plus, si nous déménageons, cela nous permettra de valoriser notre foncier mais pour cela, nous devons savoir quelles règles la Région veut mettre en place. D’où l’importance de finaliser le PAD rapidement.”

Si l’activité d’export part de Bruxelles, cela signifie aussi la délocalisation de 1.200 emplois infra-qualifiés. Une mauvaise nouvelle pour la Région qui ne trouvera peut-être pas si facilement une nouvelle activité productive à mettre à la place.

Vanessa Lhuillier – Photo: Google street view

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29 octobre 2019 - 17h49
Modifié le 22 janvier 2020 - 16h13