Visas iraniens : Hadja Lahbib et Alexander De Croo s’expliquent devant la Chambre
Les efforts en vue de libérer Olivier Vandecasteele et les autres prisonniers européens en Iran: tel était le contexte dans lequel le dossier des visas accordés à une délégation iranienne doit être compris selon les explications fournies mercredi en commission de la Chambre par le Premier ministre, Alexander De Croo, et la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib.
Jusqu’à présent, de source gouvernementale, on se refusait à faire un lien entre les deux dossiers. Jeudi passé, Mme Lahbib, en séance plénière de la Chambre n’en a soufflé mot, elle avait même eu des mots très durs sur la présence de cette délégation dans la capitale. Mercredi, la libération des otages était au coeur des explications des deux ministres. Ils déplorent toujours l’invitation lancée par le secrétaire d’Etat bruxellois Pascal Smet au maire de Téhéran, contraire à un avis des Affaires étrangères du 20 mars. Selon Mme Lahbib, le gouvernement fédéral a été “mis devant le fait accompli”. Mais refuser le visa aurait été vécu comme une “humiliation” par l’Iran alors que la Belgique entend maintenir les canaux de communication qu’elle a ouverts durant les “longues, difficiles et pénibles” négociations pour obtenir la libération du prisonnier belge le 26 mai et de trois autres prisonniers européens le 2 juin.
“On veut poursuivre les pourparlers pour les autres”
“Nous restons mobilisés par Djalali (professeur de la VUB irano-suédois condamné à mort en Iran en 2017 et dont la Belgique tente d’obtenir la libération) et les autres. Cela implique de ne pas rompre les canaux de communication“, a souligné Mme Lahbib. “On veut poursuivre les pourparlers pour les autres, par exemple pour Djajali. Il existe une chance, aussi ténue soit-elle. Déclarer une guerre diplomatique avec l’Iran ne servirait à rien“, a dit avant elle le Premier ministre, qui s’exprimait pour la première fois au parlement sur ce dossier.
Le maire de Téhéran et les membres de sa délégation ont fait l’objet d’un contrôle de sécurité, a répété Mme Lahbib. Ni lui, lui ceux qui l’accompagnaient et qui ont sollicité un visa à l’ambassade belge à Téhéran ne faisaient l’objet d’une interdiction de voyage ou figuraient sur une liste de sanctions internationales.
“Vous n’avez pas dit la vérité”
Dans la majorité, les charges ont été dures. Le PS et les écologistes ont retenu les explications changeantes de Mme Lahbib, qui affirmait par exemple jeudi passé que Bruxelles avait été salie par la présence de cette délégation et avait chargé le secrétaire d’Etat bruxellois Pascal Smet, qui a présenté sa démission dimanche. Ou l’affirmation selon laquelle refuser un visa aurait été humiliant alors que refuser une invitation au maire de Téhéran, vice-président du réseau international organisateur de l’Urban Summit, aurait été une sage décision.
“En quoi le refus d’un visa serait plus humiliant que le refus d’une invitation ?” a demandé Samuel Cogalati (Ecolo-Groen). “Je ne vois qu’une explication: le Premier ministre a dit la vérité. Vous n’avez pas dit la vérité lors de la séance plénière jeudi“.
Selon plusieurs témoignages et des images diffusées mardi par la RTBF, des membres de la délégation auraient espionné les opposants iraniens qui manifestaient à Bruxelles, dont la députée Darya Safai (N-VA). Des actes d’intimidation auraient aussi été posés.
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“Si votre responsabilité est engagée, s’il faut en appeler à votre conscience, c’est sur deux points. Vous n’avez pas tout dit au parlement, et même dit tout autre chose. Mais ce n’est pas le plus grave. Ce qui est le plus grave, c’est que, quel que soit le prétexte, en délivrant ces visas dans l’urgence, vous avez donné carte blanche à des barbouzes du régime iranien pour faire leur sale boulot en Belgique. Il y a une conclusion qui s’impose: des gens ici et en Iran sont aujourd’hui plus en danger depuis le 8 juin (quand les visas ont été délivré, ndlr)“, a accusé Malik Ben Achour (PS).
Mme Lahbib, soutenue par son coreligionnaire Michel De Maegd (MR), a contesté la moindre contradiction dans ses explications, ou même d’avoir joué un jeu politique en tentant de déstabiliser le gouvernement bruxellois. “Je me sens toujours aussi droite dans mes bottes”, a-t-elle affirmé.
Le dossier a montré les difficultés de coopération entre deux gouvernements, en l’occurrence celui de la Région bruxelloise et le fédéral. Le Premier ministre a appelé à faire un travail d'”introspection” intrabelge: “cela aurait dû se passer autrement”, a-t-il reconnu.
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